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samedi 6 janvier 2018

Le masque marocain



 

Depuis son indépendance, le Royaume du Maroc s’est adapté à la situation internationale et a promu une image déformée de son système politique. Le Palais n’épargne aucun effort pour imposer une apparence démocratique et moderne malgré son caractère autoritaire: c’est le masque marocain. 
 Dans la capitale marocaine, il y a chaque année un bal masqué appelé le festival Mawazine. Pendant neuf jours, 2,5 millions de nationaux et de touristes viennent voir des stars telles que Rihanna, Jennifer Lopez, Kanye West, Shakira, Pharrell Williams ou encore Stevie Wonder. Petit détail : presque tous les concerts sont gratuits.

Entre le 12 et le 20 mai 2017, Rabat était en effervescence. À la fin du programme du jour, l’élite locale, les célébrités et les expatriés savouraient les afters et Mohamed VI passait ses journées de cirque médiatique en frayant  avec la jet-set. Pendant ce temps, des centaines de gendarmes et de soldats prenaient position autour de la ville d’Al Hoceima, au nord du pays, à quelques centaines de kilomètres. Bien qu’officiellement le déploiement fût justifié par la proximité de l’endroit avec les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla et la Méditerranée, en réalité il s’agissait de réprimer la protestation du Rif, qui gagnait en force.
Alors que le festival était sous le haut patronage du monarque et financé par une nébuleuse corrompue d’entités publiques-privées, le Rif n’a toujours pas l’université ou l’hôpital de cancérologie – le cancer sévit dans la région depuis que l’Espagne y a utilisé du gaz moutarde – qu’il réclame depuis des années. Avec un énorme déficit d’alphabétisation, un indice de développement humain très bas et une faim présente, les manifestants scandent: «Nous voulons des bâtards et des baguettes. Qu’est-ce qu’on va faire avec Shakira? »

Acte I: Maquillage
À première vue, le Maroc pourrait sembler être un pays doté d’un système politique libéral semblable à ceux de l’Europe occidentale. La réalité est que le Palais a habillé les structures de pouvoir d’ une apparence démocratique pour s’adapter aux normes internationales sans renoncer au contrôle de la nation et de ses ressources. Quand le pays est devenu formellement indépendant de la France le 2 mars 1956, la tromperie n’était pas si subtile. Deux facteurs expliquent la nudité initiale du pouvoir.

Le Maroc colonial. Source: cartographie EOM

En premier lieu, pour exercer l’autorité dans l’ombre, il faut l’avoir préalablement monopolisée. Mohamed V, premier des souverains de la nouvelle nation, n’avait pas accompli cette tâche. La situation en 1956 était quasi révolutionnaire: le Palais et l’Istiqlal, le parti de l’indépendance, et dans une large mesure, son artisan, se battaient pour devenir l’État. Apparemment, la monarchie était sur le point de perdre : c’étaient les années d’or du socialisme panarabiste républicain. L’Istiqlal, en plus de subir  ces influences, dominait l’appareil bureaucratique hérité de la métropole. La monarchie, pour sa part, se rendait maître de l’armée. Celui qui contrôlait les deux s’emparerait du pays.

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