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vendredi 13 avril 2018

Rapport 2017 Amnesty International – Peine de mort : Le Maroc, grand indécis ?

Rapport 2017 Amnesty International – Peine de mort : Le Maroc, grand indécis ?
Source : Lesinfos.ma

13/04/2018

Bien qu’aucune exécution n’ait été enregistrée depuis 25 ans au Maroc, le Royaume refuse de rendre officielle l’abolition de la peine de mort, se classant ainsi parmi les maillons faibles d’une Afrique en mutation en termes de droits humains et de droit à la vie plus spécifiquement. Détails.  

Le rapport d’Amnesty International sur l’application de la peine de mort dans le monde vient de paraître. Si l’Afrique subsaharienne est perçue comme une « lueur d’espoir » par l’organisation internationale, du côté de l’Afrique du Nord et plus particulièrement du Maroc, les choses semblent se compliquer.
En effet, l’Afrique subsaharienne a réalisé d’importantes avancées avec une diminution nette du nombre de sentences capitales prononcées dans la région, pendant qu’en Afrique du Nord la tendance serait plutôt à la hausse.
 La Guinée, à titre d’exemple, est devenue le vingtième État de la région à avoir aboli la peine capitale et ce, pour tous les crimes. Le Kenya lui emboîte le pas en supprimant le recours obligatoire à la peine capitale en cas de meurtre. Le Burkina Faso et le Tchad  pourront aussi rejoindre le classement. Et pour cause, des projets de lois ayant été déposés dans ce sens pour supprimer cette sentence. « Du fait des progrès enregistrés en Afrique subsaharienne, cette région continue de représenter une source d’espoir en ce qui concerne l’abolition. Les dirigeants de certains pays de la région ont pris des mesures qui permettent d’espérer que le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, sera prochainement aboli », a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty international.

Le Maroc, hésitant certes mais pas uniquement !
 
L’Afrique du Nord de son côté, et plus spécifiquement le Maroc, reste à la traîne en refusant d’officialiser sa position contre cette sentence, qui n’a pourtant pas été appliquée depuis 25 ans, mais qui reste toutefois prononcée dans les tribunaux du Royaume en se basant sur le code pénal en vigueur. D’ailleurs, le mois dernier, la Chambre criminelle de première instance près de la Cour d’appel de Rabat a condamné à la peine capitale un accusé poursuivi pour homicide volontaire et mutilation de cadavre. En 2017, plus de 95 personnes auraient été condamnées à mort au Maroc. Bien que les chiffres ne soient pas officiels, les autorités ayant « omis » de les transmettre à l’organisation internationale, ils illustrent l’hésitation du Royaume à franchir le pas et à abolir définitivement la peine capitale. Cette hésitation n’est pas anodine. Le Maroc semble vouloir garder « sous le coude » cette peine, surtout dans un contexte où les protestations sociales secouent le pays. De plus, plusieurs officiels ne semblent pas « motivés » par l’abolition, à l’instar de El Mostapha Ramid – Ministre d’Etat chargé des Droits de l’Homme – qui, paradoxalement, fait partie des opposants les plus farouches à l'abolitionnisme. « Comme énoncé dans nombre de conventions internationales et régionales, le principe du droit à la vie n’est nullement en contradiction avec la peine de mort, mais il est soumis à des règles et des conditions », expliquait-il notamment lors d’un débat pour le moins houleux devant la chambre des Conseillers. En d’autres termes, bien que la Constitution insiste sur le droit à la vie, pour le Ministre du parti de la lampe, la peine de mort n’en serait pas une contradiction mais une variante indéfectible.

Promesses non respectées
 
En 2016, le Maroc s’était abstenu pour la sixième fois, lors du vote pour un moratoire universel sur les exécutions, pendant que ses voisins, l’Algérie et la Tunisie, l’avaient soutenu. Pourtant, en 2012, le pays avait officiellement accepté plusieurs recommandations des Nations Unies qui n’ont pas été respectées au final. Ainsi, le Royaume s’engageait à reconsidérer sa position sur la peine de mort en ratifiant le deuxième protocole facultatif du pacte international relatif aux droits civiques et politiques, chose qui n’a toujours pas été faite six ans plus tard, malgré les appels du pied de plusieurs associations abolitionnistes. En 2014, le Parlement n’a finalement pas adopté les propositions de loi du parti de l’USFP visant à supprimer la peine capitale.
Non seulement le Maroc fait la sourde oreille et ne respecte pas ses engagements sur le papier, mais le nombre de détenus dans les couloirs de la mort des prisons de Kénitra et de Meknès, spécifiquement, continue à croître. Plusieurs organisations internationales dénoncent par ailleurs les conditions de détention et l’incertitude inhumaine dans laquelle sont enfermés ces prisonniers qui vivent chaque jour avec la certitude que c’est le dernier. En campant sur sa position, le Maroc risque, au même titre que les pays qui refusent de franchir un cap essentiel en matière de respect de droits humains, de se retrouver isolé dans un continent où l’abolition est de plus en plus normalisée.

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