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mercredi 16 mai 2018

Les organisations de résistance palestinienne n'ont pas leur place sur une liste de terroristes

mercredi 16 mai 2018

Suite au énième massacre de la population gazaouie par les soldats israéliens, je souhaite rappeler qu'il est urgent de retirer les organisations palestiniennes de la liste européenne des organisation terroristes. Tous les porte-parole sionistes répètent à l'envi que la population gazaouie est composée de terroristes ou, au minimum, est manipulée par des organisations terroristes, notamment le Hamas. Et devant ce tsunami mensonger et haineux, pas mal de supporters de la cause palestinienne hésitent à soutenir la résistance du peuple palestinien et le droit de ce peuple à choisir librement ses dirigeants et ses moyens de combats. Voici les arguments que j'avais développés à ce sujet à l'occasion de la campagne de 2009 pour le retrait du Hamas de la liste européenne des organisation terroristes.


Interview de Nadine Rosa-Rosso par Nicolas Lalande à propos de l’appel au retrait du Hamas de la liste européenne des organisations terroristes (www.elkalam.com) 1er février 2009

Pourquoi lancer un appel pour le retrait du Hamas de la liste des organisations terroristes ?

L’appel est la suite de mon intervention le 17 janvier dernier au forum international de Beyrouth sur le thème « La gauche et l’appui à la résistance » . L’offensive israélienne contre Gaza était encore en cours. Le but plus ou moins explicite de cette opération était d’annihiler autant que possible les forces de résistance à l’occupation de la Palestine depuis soixante. Il s’agit aujourd’hui en premier lieu du Hamas. Nous avons assisté à de nombreuses dénonciations des massacres commis contre la population gazaouie. Par contre, peu de voix se sont élevées pour dénoncer l’objectif même de l’opération, à savoir la liquidation du Hamas et de son implantation dans le peuple palestinien. Une des causes de l’absence de solidarité avec la résistance palestinienne est que toutes ses organisations se trouvent sur la liste européenne (et américaine) des organisations terroristes. Dans son rapport au Conseil de l’Europe de novembre 2007, le rapporteur européen Dick Marty a conclu que « se trouver sur cette liste équivaut à une condamnation à mort ». On ne pourrait être plus clair. Suite aux massacres de décembre 2008 et janvier 2009, et dans la perspective des élections européennes de juin 2009, il me semblait urgent d’exiger que ces organisations soient retirées de la liste et d’ouvrir un débat politique sur la reconnaissance de la résistance.



Quelles raisons ont poussé l’Europe à inscrire le Hamas sur cette liste en 2003 ?

En cette matière comme malheureusement en beaucoup d’autres, l’Union européenne se contente de suivre la stratégie et le modèle américains. Les organisations de résistance palestiniennes, dont le Hamas, figuraient sur la liste américaine des organisations terroristes en 1995, sous la présidence de Clinton. Il s’agissait de mettre fin à l’alliance entre principalement le Hamas et le FPLP qui s’opposaient aux accords d’Oslo. Toutes les organisations (huit au total) qui s’y sont effectivement opposées se sont retrouvées sur la « Specially designated terrorist list » (SDT), visant spécifiquement les « personnes et organisations qui voulaient empêcher le processus de paix au Moyen-Orient ». L’Union européenne a repris les organisations palestiniennes sur sa propre liste après le lancement de la « Global War On Terror » qui a suivi les attentats du 11 septembre 2001, bien  que naturellement les organisations palestiniennes n’avaient rien à voir avec ces attentats.

Vu les pressions politiques exercées sur les députés européens au profit d’Israël (voir le rehaussement des relations entre l’Europe et Israël), est-il concevable d’imaginer un tel retrait ?

La pression du lobby sioniste est effectivement très forte. Il existe même une initiative parlementaire du 12 juin 2008 de députés européens pour ajouter le Hezbollah sur la liste européenne des organisations terroristes. Elle a reçu le soutien de 79 parlementaires européens. D’autre part, avec la guerre contre le Liban en 2006 et l’invasion de Gaza en 2008, la légitimité de la résistance, y compris armée, commence à être mieux reconnue dans divers milieux politiques. Tout récemment, une délégation de parlementaires italiens et grecs a rencontré le chef du Hamas, Khaled Meshaal. Il devient de plus en plus clair que toute solution de la question palestinienne se fera avec le Hamas ou ne se fera pas. Notre appel s’adresse aux futurs parlementaires européens mais aussi à leurs électeurs : cessez de voter pour des candidats qui criminalisent la résistance ! Nous poserons la question aux têtes de liste des partis candidats aux élections dans les 27 pays de l’Union européenne et nous publierons leur réponse. Nous ne pourrons sans doute pas obtenir satisfaction au cours de cette campagne mais nous pouvons imposer un débat politique et faire pression sur les futurs élus. Le 26 janvier 2009, le Conseil de l’Union européenne a retiré les Mujhedin du Peuple (Iran) de la liste des organisations terroristes. Depuis la création de la liste européenne, cinq groupes et dix-huit individus en ont été retirés, au total. Il est aussi encourageant que de plus en plus de voix s’élèvent, dans les milieux politiques, juridiques et militants contre l’existence même des législations antiterroristes.

La gauche européenne, que vous représentez, vous soutient-elle dans cette démarche ?

Je ne représente pas la gauche européenne, je suis une militante communiste indépendante. L’appel a été lancé le 1er février et adressé, notamment, à tous les députés européens regroupés dans le groupe des Verts, de la Gauche Unie européenne et dans le groupe socialiste. Jusqu’à aujourd’hui, à l’exception notable de Giulietto Chiesa (Italie, groupe socialiste au Parlement européen), qui a immédiatement signé l’appel, nous n’avons reçu aucune réponse des autres députés. Cependant, des communistes  très célèbres, comme Henri Alleg et Jose Saramago, ont rejoint l’appel. Nous avons à ce jour récolté, de personne à personne, plus de mille signatures, dont un quart de personnalités connues et de nombreux militants de la cause européenne. Les signataires émanent de la plupart des pays de l’Union européenne. Des signatures nous sont également parvenues de tous les continents bien que nous n’orientons pas nos efforts hors de l’Union européenne.

Pourquoi y a-t-il un si grand fossé entre le soutien de la gauche au peuple palestinien et sa négation d’une  partie de la représentation politique de ce peuple, le Hamas ?

Une grande partie de la gauche et de l’extrême gauche ne peut pas admettre qu’une résistance nationale soit dirigée par une organisation qui a un fondement religieux, facteur aggravé quand il s’agit de l’islam. Elle en arrive à nier la reconnaissance de cette résistance par le peuple directement concerné, à savoir le peuple palestinien. La gauche ne fait ainsi que s’écarter davantage des résistances dans le monde et, en définitive, qu’aggraver son isolement dans les populations en lutte. Le débat suscité par l’appel pour le retrait du Hamas de la liste européenne des organisations terroristes devrait permettre, c’est en tout cas mon espoir, d’avancer dans ce débat et de regrouper les forces, aussi au sein de la gauche, qui militent en faveur d’un rassemblement des résistances.

La plupart de ceux qui prônent un maintien du Hamas sur cette liste considèrent que le retirer sans aucune condition reviendrait à soutenir et approuver explicitement ses actions contre les civils israéliens. Qu’en pensez-vous ?

Le peuple palestinien  est dans une situation de guerre et d’occupation depuis plus de soixante ans, face à une force militaire incomparablement plus puissante et bénéficiant de l’appui inconditionnel des États-Unis et, de plus en plus ouvertement de l’Union européenne. Les guerres menées au nom de la lutte contre le terrorisme, tout comme les embargos, ont fait des millions de morts civils dans le Golfe, en Afghanistan et au Moyen-Orient. Reconnaître le Hamas et les autres organisations palestiniennes comme des organisations légitimes de résistance est au contraire le premier pas à faire, de la part de la communauté internationale, pour contribuer à une solution juste de la question palestinienne. Nous ne sommes pas en Palestine occupée, notre rôle n’est pas de décider comment la résistance doit se battre mais de lui accorder la place politique qui lui revient. Seule la fin de l’occupation des terres palestiniennes, par une solution politique juste, peut mettre fin aux morts des civils, quels qu’ils soient.


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