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vendredi 6 juillet 2018

Bac en poche mais système scolaire en faillite

«Nous avons triché toute notre scolarité »
Source : LesInfos.ma
26/06/2018

Après l'annonce des très attendus résultats du baccalauréat, la question de « l'après » se pose pour bon nombre de jeunes bacheliers. Ils rejoignent les rangs des universités et traînent durant leurs études supérieures des années de lacunes non comblées. Des enseignants des facultés de la capitale dénoncent un système scolaire en faillite, qui grève la formation et l'enseignement au Maroc.  


187.138 candidats au baccalauréat ont obtenu le précieux sésame ! Un diplôme décroché, en juin 2018, par plus de 57% des inscrits du secteur privé et public. Le taux de réussite est remarquable, s'enthousiasme le ministère de l’Éducation nationale, qui souligne l'amélioration de 7 points par rapport à l'année précédente (50,28%). Cette année encore certains brillants éléments se sont notamment distingués en obtenant des moyennes records (19,44 !) lors de cet examen. Les félicitations sont manifestement de rigueurs ! Pour autant, certaines voix s'élèvent et questionnent la qualité et le bien-fondé de ces formations...
A Rabat, de nombreux professeurs universitaires dénoncent un effet boule de neige et déplorent le niveau des jeunes fraîchement diplômés. « Le niveau est désastreux !», s'indigne le professeur S. Fort de plus d'une trentaine d'années d'expériences et d'enseignement dans une filière scientifique, l'universitaire explique avoir assisté à une chute vertigineuse et regrettable du niveau de l'enseignement. « Mes étudiants d'aujourd'hui seraient tout bonnement incapables de traiter les sujets que je donnais à leurs homologues dans les années 1980 », assène-t-il. Un très grand nombre de jeunes bacheliers des filières scientifiques, particulièrement prisées, manque des bases les plus élémentaires, avance l'un de ses confrères, le professeur M. Ce dernier relève régulièrement « les perles » de ces étudiants en première année, car « il préfère en rire », avoue-t-il gêné, à défaut d'en pleurer... Il reconnaît néanmoins que la situation reste critique et s'interroge, comme son homologue, sur le parcours de ces jeunes étudiants. « Comment ont-ils fait pour obtenir leur bac ? Pour passer de classes en classes, sans avoir valider ces acquis de base ?! », déplorent les professeurs, qui y voient une faille majeure et symptomatique d'un système scolaire en perdition.

Une habitude bien ancrée

L'un des éléments de réponse a été formulé personnellement par l'un des étudiants du professeur S. Pris la main dans le sac lors d'un examen, ce dernier, l'air contrit, s'excuse auprès de son enseignant : «  Désolé, mais c'est comme ça qu'on a toujours fait... Nous avons passé notre scolarité à tricher », reconnaît l'étudiant. Un aveu de faiblesse qui se vérifie dans de nombreux cas de figures, déclarent les enseignants dépassés. Pour ces universitaires, ce fléau connaît des origines multiples, imputables aux « différents camps » : des étudiants désinvoltes ou au contraire soumis à de trop fortes pressions et qui « n'étudient que pour les notes », un corps professoral dénué de moyens ou démissionnaire qui « exerce cette formation sans conviction ni - dans certains cas -, compétences » ainsi que des administrations scolaires qui louent la culture du classement et sacrifient la qualité de l'enseignement sur l'autel de la performance et concurrence entre les établissements scolaires.
Si le ministère de l’Éducation nationale déploie sans cesse de nouveaux dispositifs techniques, humains ou légaux pour lutter contre la fraude lors de l'examen du baccalauréat, ce phénomène semble rester néanmoins ancré dans les modalités de fonctionnement d'un trop grand nombre d'étudiants, agissant devant des enseignants désabusés... Cette année encore, 1267 cas de fraudes ont été enregistrés, soit un recul de près de 20% par rapport à l'année précédente, avance un Mustapha Khalfi, ravi. Toutefois, combattre la triche à la dernière étape du parcours secondaire consiste à regarder le problème par le petit bout de la lorgnette. Pour le Professeur S, il n'y a pas de « discontinuité » et l'école autant que l'université ne pas des « îles désertes ». En tolérant ces failles, nous creusons chaque jour les sillons d'une société à plusieurs vitesses et mettons indiscutablement des bâtons dans les roues de ce développement auquel le Maroc aspire tant...

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