"L'Obs" lance "Maghreb café", un format hebdomadaire de suivi de l'actualité de la rive sud de la Méditerranée. Nous avons décidé de donner une place à tout ce qui suscite le débat, agite les réseaux, soulève l'enthousiasme ou l'indignation. Du tragique au drôle, du politique qui agace au people qui scandalise, du mouvement social au spectacle qui heurte ou provoque la polémique, "Maghreb café" s'en empare. 
Cinquante-trois ans séparent les meurtres des deux opposants. Pourtant, dans l'esprit de nombreux Marocains ou connaisseurs des pays arabes, l'assassinat de Jamal Khashoggi, le 2 octobre dans le consulat saoudien d'Istanbul, a immédiatement ravivé la mémoire de Mehdi Ben Barka, tué sur ordre du roi Hassan II, à Paris, en 1965.
Deux monarques sans scrupule soupçonnés d'avoir commandité les assassinats, deux opposants dont la voix était entendue à travers le monde, deux meurtres perpétrés hors des frontières nationales : les ressemblances entre les deux exécutions sont évidentes et alimentent les discussions depuis plusieurs jours. 
 
Le souvenir de l'ennemi numéro un du roi Hassan II est toujours vif dans les mémoires des Marocains. 
 Le 29 octobre 1965, en plein Paris, Mehdi Ben Barka est enlevé, près de la brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain. Le leader de gauche et chef de file des tiers-mondistes ne donnera plus jamais signe de vie. Mais cet enlèvement en plein Paris n'est pas passé inaperçu. Si les enquêteurs ne parviennent pas à reconstruire le fil des événements, la presse, elle, porte en "une" l'affaire qui fait scandale. De Gaulle est furieux et décapite les services secrets français. Quant aux relations franco-marocaines, elles seront durablement touchées.
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Comme Ben Barka, dont le corps a vraisemblablement été dissous grâce à des produits chimiques, selon les services israéliens impliqués dans l'enlèvement, Jamal Khashoggi a subi un sort horrible, démembré par les "liquidateurs" venus de Riyad pour l'éliminer puis dissimulés les restes du journaliste dans le jardin du consul. Un rapprochement entre les deux affaires qui n'a pas échappé aux commentateurs.
Peu importe les explications maladroites des autorités saoudiennes pour s'exonérer de responsabilité dans cet assassinat, elles ne convainquent personne :


Plusieurs semaines après ce nouveau crime, beaucoup s'interrogent sur l'absence de suites qui a été donnée au meurtre de Ben Barka pour s'interroger sur le devenir de l'enquête sur Jamal Khashoggi, comme le souligne l'historien Nabil Mouline dans "l'Obs".
Comme l'a rappelé Eric Goldstein, directeur adjoint pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Human Rights Watch, dans une tribune publiée par le "Washington Post", l'affaire Ben Barka donne de nombreux enseignements sur le coût de l'inaction des puissances occidentales face à un tel assassinat politique. "Leur incapacité  à exiger des comptes pour le crime commis sur le sol français a peut-être encouragé le roi" Hassan II, souligne Eric Goldstein faisant référence aux années de plomb durant lesquelles toute l'opposition fut durement traitée.

Le silence de nouveau assourdissant des nations permettra-t-il une nouvelle fois à un despote de poursuivre son chemin sans être inquiété ?
Comme toujours, l'humour – noir – est de mise pour évoquer ces questions cruelles et les liens entre le jeune prince héritier Mohammed Ben Salman et le roi Mohammed VI sujets à dérision.

L'humour comme ultime moyen d'accepter le cynisme persistant et l'absence de démocratie dans une large partie du monde arabe.
Céline Lussato
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