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vendredi 12 décembre 2025

Les femmes au Maroc bientôt rémunérées pour leur travail au foyer

 Jalil Nouri, actu-maroc, 10/12/2025

Le principe en est acquis au Maroc, très prochainement ; restent les textes de loi et leur adoption : les femmes consacrant tout leur temps aux travaux du foyer et ne disposant d’aucun autre revenu seront rémunérées, comme dans d’autres pays [le salaire domestique au sens propre n'existe dans aucun pays, voir ci-dessous, NDLR SOLIDMAR], car il s’agit bel et bien d’un travail à temps plein, considéré comme producteur de services, non rémunérés à 90 %.

En effet, 90 % des tâches effectuées au sein de tout foyer ne disposant pas d’aide ménagère sont réalisées par des femmes restant au foyer sans activité extérieure. Ces responsabilités couvrent la prise en charge de la famille, l’éducation des enfants, le soutien aux projets familiaux de manière générale, la cuisine, le nettoyage et, en milieu rural, l’aide aux travaux agricoles et à l’élevage au profit du mari, seul à bénéficier directement des revenus. Autant dire que la situation s’apparente à une véritable injustice sociale qu’il devient urgent de corriger.

Dans son intervention devant le Parlement, la ministre en charge de la Famille, de l’Inclusion sociale et de la Solidarité, Naima Benyahia, a estimé que le débat autour de ce projet est désormais incontournable. Une étude sur l’égalité des sexes au travail réalisée par le HCP a en effet conclu à l’existence d’un très large écart entre les conjoints en matière de temps consacré aux travaux domestiques et aux soins familiaux.

Ces constats renforcent la légitimité des revendications appelant à une meilleure reconnaissance et à un traitement plus équitable de la femme, souvent épuisée par ses lourdes charges quotidiennes au foyer, dont la seule récompense demeure trop souvent de rares gestes de reconnaissance morale.

Le consensus semble aujourd’hui établi quant au principe de ce projet de loi. Reste à savoir si le gouvernement parviendra à concrétiser cette avancée avant la fin de son mandat et à l’inscrire comme une réalisation majeure de son bilan social.

Un commentaire de SOLIDMAR

Rémunérer le travail domestique : un débat mondial au cœur des inégalités de genre

Le travail domestique demeure l’un des paradoxes économiques les plus frappants de notre époque : indispensable au fonctionnement des sociétés, il reste pourtant invisible dans les comptabilités nationales et, surtout, non rémunéré. Dans la quasi-totalité des pays, les femmes — principales responsables des tâches ménagères et du care — accomplissent chaque jour un labeur essentiel qui ne reçoit aucune reconnaissance financière. Seules quelques allocations parentales ou aides sociales compensent ponctuellement ce travail, sans pour autant constituer un salaire.

Une réalité mondiale : indispensable mais non payé

Aucun État ne rémunère aujourd’hui directement les femmes au foyer pour le travail de reproduction sociale qu’elles accomplissent dans leur propre foyer : cuisiner, nettoyer, éduquer, soigner, organiser. Ces tâches, pourtant essentielles au bien-être des enfants comme à la disponibilité de la main-d’œuvre productive, sont considérées comme une « responsabilité privée » plutôt que comme un travail social ayant valeur économique.

Certains pays du Nord — comme la Finlande, l’Allemagne ou la Suède — ont mis en place des allocations parentales généreuses ou des congés familiaux bien indemnisés. Ils permettent à un parent de rester temporairement à la maison tout en recevant une compensation financière. Mais ces dispositifs ne sont ni permanents ni calculés sur la base d’une rémunération du travail domestique. Ils fonctionnent comme un aménagement du marché du travail, non comme une reconnaissance de la valeur du travail invisible.

Dans le Sud, notamment en Inde, en Iran ou au Brésil, plusieurs programmes sociaux ciblent les mères de famille, souvent responsables de l’éducation des enfants. Là encore, il s’agit d’aides sociales, rarement de salaires. Dans certains États indiens, le débat a pris une ampleur nationale, avec des propositions de « salaire domestique » pour les femmes au foyer — un débat finalement abandonné faute de consensus politique.

Une exploitation structurelle au fondement du capitalisme

Pour les théoriciennes féministes comme Silvia Federici ou Mariarosa Dalla Costa, l’absence de rémunération du travail domestique n’est pas un oubli : c’est un choix politique structurant. Le capitalisme moderne repose sur une division sexuée du travail où :

  • le travail productif, rémunéré, attribué historiquement aux hommes, génère profit et légitimité économique ;

  • le travail reproductif, attribué aux femmes, reste gratuit, permettant de réduire le coût de la main-d’œuvre et de maintenir la continuité sociale.

« Si les femmes étaient payées pour tout le travail qu’elles accomplissent gratuitement, affirmait Federici, l’ensemble du système économique actuel s’effondrerait ou devrait être radicalement repensé. »

En d’autres termes, le capitalisme est subventionné par le travail non rémunéré des femmes. Chaque repas, chaque lessive, chaque heure passée à s’occuper d’un enfant ou d’un parent âgé permet à d’autres d’être productifs. Ce travail représente, selon l’OCDE, entre 15 % et 40 % du PIB potentiel d’un pays, s’il était comptabilisé.

Un débat politique : reconnaître ou enfermer ?

La question d’un salaire domestique divise même au sein des mouvements féministes. Ses opposantes craignent que la rémunération du travail domestique renforce la place des femmes au foyer, consolidant ainsi une division du travail inégalitaire.

Ses partisanes affirment au contraire que l’absence de rémunération est elle-même un mécanisme d’enfermement : tant que ce travail reste invisible, les femmes continuent à assumer une charge disproportionnée, sans droits, sans indépendance économique et sans reconnaissance sociale.

Dans les faits, les politiques publiques oscillent entre ces deux pôles : elles compensent, soutiennent, accompagnent — mais ne rémunèrent pas.

L’invisibilité organisée du care

La difficulté politique tient aussi à la nature même du travail domestique : diffus, non standardisé, accompli dans l’espace privé, variable selon les foyers. Il défie les outils classiques de l’État-providence, qui se fondent sur des unités de travail mesurables et salarialisées.

Pourtant, la pandémie de Covid-19 a brutalement mis en lumière l’importance du care, cette économie de l'attention et du soin, longtemps considérée comme une ressource inépuisable et gratuite. Les femmes ont absorbé l’essentiel de la surcharge domestique : école à la maison, soin aux personnes vulnérables, tâches ménagères accrues. Mais cette crise n’a pas débouché sur une réforme durable.

Un chantier inachevé

Aujourd’hui, malgré des décennies de mobilisations féministes, aucune société n’a franchi le pas de reconnaître, par un salaire direct, la valeur économique du travail domestique. Les États préfèrent les aides ponctuelles, les crédits d’impôt, les congés parentaux — autant de dispositifs qui admettent implicitement la valeur du travail de care tout en évitant d’en faire un véritable droit.

La question reste ouverte : pourquoi l’un des travaux les plus essentiels à la survie sociale demeure-t-il le moins reconnu ?
Et surtout : combien de temps encore les économies mondiales pourront-elles reposer sur cette inégalité structurelle ?

Pour aller plus loin

jeudi 11 décembre 2025

Lqliâa : six révélations d’AMDH qui brisent le récit officiel

, enass.ma, 10/12/2025

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Plus de deux mois après la nuit du 1er octobre à Lqliâa, le rapport de la Commission d’enquête de l’AMDH renverse profondément la version officielle . Au fil de témoignages concordants, d’images analysées et d’observations de terrain, le document met à nu une réalité tout autre : des tirs menés loin de la caserne, parmi…

Lors d’un point de presse organisé aujourd’hui au siège de l’Association marocaine des droits humains, en présence des familles des trois martyrs de Lqliâa, l’AMDH a présenté ce mercredi 10 décembre les conclusions du rapport de la commission essentielle pour comprendre ce qui s’est réellement déroulé cette nuit-là.

Le rapport de la Commission d’enquête commence par relever un premier fait fondamental : la soirée du 1er octobre s’est ouverte sur un vide sécuritaire “total et injustifié”, selon ses termes. Les premières manifestations, essentiellement composées de mineurs et de jeunes du quartier, commencent dès 17h30 sur l’avenue principale. Pourtant, aucune patrouille, ni de la police, ni de la gendarmerie, ni des forces auxiliaires n’est visible dans les premières heures. Le rapport souligne : « Les autorités n’ont accompagné ni encadré la manifestation à aucun moment initial, malgré l’annonce préalable et la mobilisation importante de mineurs » 

Pour la commission, cette absence d’encadrement a permis une montée progressive des tensions sans aucune médiation. Lorsque certains jeunes se dirigent vers la caserne, ils trouvent un bâtiment sans dispositif externe de protection, alors même que, comme le note le rapport, « il était du devoir des autorités de prendre des mesures préventives pour protéger les installations publiques, notamment la caserne de la gendarmerie ».Cette impréparation totale, jugée “incompréhensible”, a créé les conditions du dérapage qui suivra.

L’“attaque” de la caserne, un récit officiel qui ne tient pas

La deuxième vérité concerne la fameuse “attaque coordonnée” évoquée par le procureur dans sa communication. Selon le représentant du ministère public, la caserne aurait été la cible d’un assaut d’environ 200 personnes cherchant à y pénétrer. Le rapport de l’AMDH déconstruit patiemment cette version. Les vidéos, les témoignages et la visite des lieux confirment qu’il ne s’agissait pas d’une attaque organisée, mais d’un attroupement désordonné de quelques dizaines de jeunes. « Seule une dizaine d’individus ont réussi à arracher le portail extérieur, un portail léger et mal fixé », explique la commission, précisant qu’aucune tentative d’atteindre la porte intérieure, solide et intacte, n’a été constatée. Les enquêteurs insistent également sur l’absence de preuves d’une intention de s’emparer d’armes : « Il n’existe aucun élément indiquant que les jeunes tentaient d’accéder à des armes ou à des installations sensibles » 

 Les vidéos, largement analysées par la commission, montrent « un chaos ponctuel, des jets de pierres, et des comportements imprévisibles, mais rien qui s’apparente à une attaque structurée telle que décrite par le procureur lors de sa déclaration ». Le rapport rappelle que la caserne était totalement dépourvue de dispositif de protection externe : ni cordon de sécurité, ni présence dissuasive. Cette contradiction majeure entre le récit institutionnel et les faits constitue l’un des points centraux du document.

La troisième vérité est sans doute la plus accablante : la nature des tirs. Contrairement à ce qu’a soutenu la version officielle comme des tirs de sommation “strictement dirigés vers le ciel” , le rapport de la commission démontre, preuves à l’appui, que les gendarmes ont tiré à hauteur d’homme, parfois en s’éloignant de la caserne. « Les tirs n’ont pas été effectués en l’air : ils étaient horizontaux et visaient des personnes en mouvement, qui s’enfuyaient » , note clairement le rapport. 

La meme source explique que : « Les gendarmes commencent par tirer depuis les fenêtres et le toit, avant que 8 à 10 d’entre eux ne sortent et se dispersent dans les rues environnantes ». Le rapport précise : « Les distances de tirs ont atteint entre 100 et 500 mètres du centre, notamment près de la mairie et de la boulangerie Anoual » 

« Certaines vidéos montrent un gendarme prendre appui, viser et tirer un geste incompatible avec un tir de sommation », souligne Omar Arbib membre de l’AMDH. Les enquêteurs remarquent également la présence d’impacts dans des murs, des façades de commerces et des habitations. 

Le document conclut que l’usage de la force a été “anarchique, disproportionné et non conforme” aux règles d’intervention.

Le rapport établit clairement que les trois jeunes tués cette nuit-là n’étaient ni en train d’attaquer la caserne ni même positionnés dans son périmètre immédiat.  Abdessamade Oubalat est touché par balle dans une rue latérale, à environ 120 mètres du bâtiment. La commission rapporte : « La victime a été atteinte dans sa crane dans une zone sans affrontements actifs ». Mohammed Rahali (25 ans), quant à lui, circulait à vélo lorsqu’il reçoit une balle dans le dos : « Le jeune homme a chuté dans une impasse éloignée de plus de 100 mètres du portail de la caserne » 

Quand à Abdelhakim Drifidi (36 ans) est atteint dans le dos dans une zone encore plus éloignée au même endroit où Abdelsamade Oubalat a été tué, et au même moment », selon les constatations du rapport. Aucune des trois victimes n’était armée, aucune ne participait à une attaque, et toutes ont été touchées dans des espaces que la commission décrit comme “non menacés”. Les enquêteurs soulignent qu’il est dès lors impossible de considérer ces tirs comme défensifs : « Les lieux où sont tombés les trois victimes infirment catégoriquement l’hypothèse d’une riposte liée à une menace immédiate contre la caserne » 

Le rapport recense quatorze blessés par balles réelles, parmi lesquels plusieurs enfants. Les descriptions sont glaçantes. « Un enfant de 12 ans a été atteint au bras par une balle qui a traversé son coude pour ressortir derrière l’épaule » , rapporte la commission, et d’ajouter : « Le garçon de 12 ans a été opéré deux fois après avoir reçu une balle qui s’était logée dans son côté droit au niveau de l’épaule. Il a été rétabli et remis au procureur général près la Cour d’appel pour être libéré. Un autre enfant, âgé de moins de 14 ans et de constitution frêle, a été touché au bras par une balle. « Parmi les autres victimes, Y. Q., un jeune homme d’environ 22 ans résidant à Lqliaa, quartier Jnanat, a été atteint au bas-ventre. Après sa blessure par balle, il souffre désormais d’une paralysie des membres inférieurs », souligne la même source. 

Un autre mineur, âgé de treize ans, reçoit une balle dans le torse. Des adolescents, certains encore scolarisés au collège sont opérés d’urgence. Les hôpitaux d’Agadir et d’Inzegane accueillent ces blessés : thorax, cou, sternum, tête, ventre des zones vitales qui démontrent clairement que les tirs n’étaient pas dirigés vers le ciel.

 Selon les informations recueillies par l’AMDH, « tous les blessés étaient strictement surveillés à l’hôpital et n’étaient pas accessibles aux visites, tous placés sous détention et mesures de garde à vue ». En effet, , tous les cas convergent vers la même conclusion : « Les zones d’impact des projectiles établissent des tirs dirigés vers des individus et non des tirs de dissuasion » 

Enfin, la commission s’intéresse à ce qui s’est passé après les tirs et les conclusions sont tout aussi préoccupantes. Les minutes qui suivent sont marquées par une absence totale d’ambulances. Le rapport note : « Les blessés ont été laissés à terre sans assistance médicale, et les habitants ont dû assurer eux-mêmes les premiers secours » 

Des vidéos montrent des jeunes transportant les blessés à moto, sur des planches ou dans des véhicules privés. Les familles, quant à elles, parcourent plusieurs hôpitaux à la recherche de leurs proches, parfois toute la nuit. Dans le cas d’Abdesamade Oubalat, la commission rapporte : « La famille n’a trouvé son nom dans aucun registre hospitalier et ne l’a découvert que plusieurs heures plus tard, lorsqu’il a été retrouvé à la morgue, une fiche marquée d’un X posée sur son ventre. »La commission souligne qu’après les événements, la commission d’enquête d’AMDH a tenté de rencontrer les autorités procureur, gouverneur, services régionaux mais toutes leurs démarches sont restées vaines. Selon le rapport : « Les demandes d’information sont restées sans réponse, à l’exception d’une rencontre avec la gendarmerie, qui n’a fourni aucun détail, ni balistique ni factuel. » Une opacité totale, qui laisse planer un silence lourd sur la vérité…

mercredi 10 décembre 2025

Maroc : Au moins 22 morts dans l’effondrement de deux immeubles à Fès

Au moins 22 personnes sont décédées dans l’effondrement de deux immeubles contigus de quatre étages à Fès, grande ville du nord du Maroc située à environ 200 kilomètres à l’est de Rabat, dans le quartier Al Moustakbal


Les secouristes tentent de secourir les victimes de l'effondrement de deux immeubles, dans la nuit du 9 au 10 décembre, à Fès. - A. Alaoui Mrani/AFP

Jérôme Diesnis, avec AFP, 10/12/2025

Au moins 22 personnes sont décédées dans l’effondrement de deux immeubles à Fès, ville du nord du Maroc située à environ 200 kilomètres à l’est de la capitale Rabat, selon un bilan encore provisoire. Le drame s’est produit dans le quartier Al Moustakbal, mardi, semble-t-il, en fin de soirée.

« Seize autres ont été blessées à divers degrés de gravité », évoque l’agence de presse officielle marocaine MAP. « Les opérations de recherche se poursuivent toujours pour sauver et secourir d’autres personnes qui pourraient être ensevelies sous les décombres ».

Il s’agirait de deux immeubles contigus de quatre étages. Le quartier est bouclé et les bâtiments mitoyens sont inspectés. Une enquête préliminaire a été ouverte afin de déterminer les raisons de ce drame.

Plusieurs drames similaires ces dernières années

En mai, déjà, neuf personnes avaient été tuées dans l’effondrement d’un immeuble d’habitation à Fès. L’immeuble « avait fait l’objet d’un ordre d’évacuation adressé à ses occupants », avait affirmé une source des autorités locales. En février 2024, cinq personnes sont mortes dans l’effondrement d’une maison dans la vieille ville de Fès. En 2016, en l’espace d’une semaine, deux enfants avaient péri dans l’effondrement d’une maison à Marrakech (ouest) tandis qu’à Casablanca (nord-ouest), l’effondrement d’un immeuble de quatre étages avait fait quatre morts et 24 blessés.

    موقع انهيار عمارتين مأهولتين في حي المسيرة بمدينة فاس في المغرب pic.twitter.com/BOrviibf9l

    — التلفزيون العربي (@AlarabyTV) December 10, 2025


En 2016, en l’espace d’une semaine, deux enfants avaient péri dans l’effondrement d’une maison à Marrakech (ouest) tandis qu’à Casablanca (nord-ouest), l’effondrement d’un immeuble de quatre étages avait fait quatre morts et 24 blessés.

mardi 9 décembre 2025

Baisse historique du prix de l’huile d’olive au Maroc

Jalil Nouri, actu-maroc, 8/12/2025

Les amateurs d’huile d’olive peuvent se réjouir de l’annonce de la baisse importante des prix de l’huile d’olive, après des années durant lesquelles elle était devenue inaccessible.


Dépassant largement la barre des 100 dirhams [9€] jusqu’à tout récemment, ce produit présent sur toutes les tables est redescendu de moitié, brutalement, et parfois à un tarif légèrement inférieur au seuil minimal de 50 dirhams [4,50€] en grande surface et dans les souks, où il arrive qu’il soit vendu à 40-45 dirhams sans trouver preneur.

Exemple identique également que celui des huiles d’olive d’origine espagnole, offertes à un prix rarement aussi bas, sinon jamais, puisque l’extra-vierge de qualité est disponible en grand nombre pour 60-70 dirhams. 
Il aura fallu attendre deux années de disette durant lesquelles la production d’olives s’est retrouvée quasiment à l’arrêt en raison de la sécheresse, chose qui lui a fait atteindre des sommets, dépassant parfois les 120 dirhams, au point d’être comparée à de l’or alimentaire. Les producteurs d’huile d’olive devront donc revoir à la baisse leurs bénéfices cette saison qui commence et s’attendre à voir leur marchandise rester dans les dépôts en raison de la surproduction et du manque à gagner en conséquence directe.

Autre bienfait de la nature avec ces retrouvailles d’un produit très demandé par les Marocains : la qualité enviable de l’huile produite cette année. En effet, après un arrêt de deux années, la terre des oliveraies a pu se reposer et donner du répit aux arbres, qui ont pu se ressourcer et offrir un fruit odorant, plus fin et savoureux au palais, sans compter ses nombreux autres bienfaits pour la santé.

Par Jalil Nouri

lundi 8 décembre 2025

Rapport annuel 2024 de l'AMDH : une situation préoccupante

Article19.ma, 7/12/2025

L’Association marocaine des droits humains (AMDH) vient de présenter son rapport annuel portant sur la situation des droits humains en 2024, signalant une multiplication des atteintes aux libertés publiques, des restrictions à la presse et au droit d’organisation, ainsi qu’une dégradation des droits sociaux.

Selon l’AMDH, le document s’appuie sur des observations directes, des plaintes reçues, des données médiatiques et des rapports nationaux et internationaux. L’Association précise qu’il s’agit d’indicateurs partiels et non d’un recensement exhaustif.

+ 2.650 décès en 2024, soit un taux de suicide national de 7,2 pour 100.000 habitants +

L’AMDH a recensé 14 décès en milieu carcéral, 57 décès dans les hôpitaux publics, 57 décès liés aux accidents du travail, 10 décès dus à des morsures ou piqûres d’animaux venimeux, 13 décès par intoxication ou fuite de gaz, et 46 décès par noyade, notamment lors de tentatives de migration clandestine.

Le rapport estime le nombre de suicides à environ 2.650 décès en 2024, sur la base d’un taux national de 7,2 pour 100.000 habitants.

+ Libertés publiques +

L’Association fait également état de poursuites judiciaires visant militants, journalistes ou défenseurs des droits humains. Au total, 105 personnes ont été poursuivies ou détenues, dont des figures de mouvements sociaux et des acteurs associatifs.

L’AMDH signale le maintien en détention de six condamnés du Hirak du Rif, avec des peines allant jusqu’à 20 ans. L’ONG évoque aussi des procédures contre journalistes, blogueurs et étudiants, ainsi que des restrictions visant certaines organisations associatives privées d’autorisation ou de renouvellement légal.

Le rapport relève un usage récurrent de la force lors de manifestations et pointe « l’absence d’enquêtes judiciaires systématiques » à la suite des plaintes.

+ Chômage et précarité +

Le rapport fait état d’un taux officiel de chômage de 13,3 %, porté à 21,3 % selon le recensement 2024, avec une hausse des formes de travail non déclarées et une baisse du taux d’activité.

Environ 60 % des actifs ne bénéficient d’aucune pension, 46 % ne disposent d’aucune couverture médicale, et 800.000 salariés ne sont pas déclarés à la CNSS, selon l’Association.

L’AMDH signale des accidents de transport collectif d’ouvrières agricoles, en l’absence de contrôle de sécurité, et une dégradation des services publics, notamment dans la santé, l’éducation et l’accès au logement.

+ Santé, femmes, enfants, handicap, migration et asile : fragilités structurelles +

Le rapport relève qu’en 2024, il y avait une faible part budgétaire consacrée à la santé, des fermetures de centres médicaux, une pénurie de personnel et des écarts territoriaux d’accès aux soins. L’Association évoque « des retards structurels » dans les services d’urgence, de prévention et de prise en charge.

le faible taux de participation économique des femmes, estimé à 80 % d’inactivité, et une protection insuffisante contre la violence, la précarité et l’exploitation, notamment dans les secteurs agricoles et informels.

En matière de droits de l’enfant, l’AMDH recense des cas élevés d’agressions sexuelles, de mariages précoces, un niveau élevé de décrochage scolaire, et 110.000 enfants travailleurs, dont 88.000 en zones rurales, souvent dans des activités dangereuses.

Pour les personnes en situation de handicap, l’Association relève des difficultés d’accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins et à l’inclusion, et appelle à une mise en œuvre effective des normes internationales.

Le rapport décrit aussi une situation difficile pour les migrants irréguliers et les demandeurs d’asile, marquée par une précarité sociale, l’absence d’accès aux services de base, la montée des discours hostiles sur les réseaux sociaux, et des décès liés aux routes migratoires vers l’Europe ou les Canaries. L’AMDH estime que la réponse sécuritaire « ne saurait remplacer un traitement des causes profondes ».

Le document rapporte un faible taux de participation économique des femmes, des cas récurrents de violence et d’exploitation en milieu agricole, ainsi que des difficultés d’accès à la protection sociale.

L’AMDH recense 110.000 enfants travailleurs, majoritairement en milieu rural. L’Association fait également état d’un manque d’infrastructures pour les personnes en situation de handicap et d’un accès inégal à la formation, à l’emploi et aux soins.

dimanche 7 décembre 2025

“Fatna, une femme nommée Rachid ”: Un film qui relie mémoire et engagement présent projeté au FIFM

Mohammed Fizazi | Ayoub Mouhyiddine, SNRT News, 5/12/2025

Le documentaire "Fatna, une femme nommée Rachid", réalisé et écrit par Hélène Harder, retrace le parcours de Fatna El Bouih, ancienne détenue politique marocaine des années 1970, aujourd’hui figure engagée du militantisme pour les droits humains. Projeté lors de la 22ᵉ édition du Festival international du film de Marrakech, le film explore le lien entre passé et présent à travers l’expérience de cette militante, survivante de la détention arbitraire et de la torture.

Le titre du film s’inspire directement du livre-témoignage de Fatna El Bouih, dans lequel elle raconte comment ses tortionnaires lui avaient attribué un nom masculin, "Rachid". Pour Fatna El Bouih, cette assignation révèle l’incapacité des bourreaux à reconnaître une femme comme acteur politique. L’arrestation touchait le corps d’une femme, mais refusait de lui reconnaître sa présence en tant que telle. Cette pratique, relevée dans le contexte marocain, illustre une représentation qui considérait les femmes comme fragiles, faibles, et largement exclues des combats démocratiques d’alors.

Hélène Harder souligne, dans un entretien avec SNRTnews la portée historique de la génération de Fatna, première à revendiquer publiquement une prise de position politique féminine. Si les femmes ont toujours participé aux luttes, leur engagement n’était que rarement reconnu comme tel. Le film met ainsi en lumière une génération qui affirmait sa volonté de contribuer pleinement au rêve de changement.

Pour articuler cette mémoire avec le présent, Hélène Harder s’appuie notamment sur Casablanca, en mêlant images du cinéma marocain des années 1970 et scènes contemporaines suivant Fatna dans ses activités militantes. Cette double narration permet de donner à voir la continuité de son parcours : un chemin qui, malgré un traumatisme profond, s’oriente vers l’avenir, la lumière et la transformation sociale.

Le film s’attarde en particulier sur l’implication de Fatna au sein de l’association Relais Prisons-Société. La réalisatrice explique avoir choisi de filmer les séances de cinéma organisées en milieu carcéral, perçues comme une métaphore de son combat: des portes fermées, l’obscurité, puis la lumière qui surgit. Pour Fatna, ces espaces donnent aux jeunes détenus une possibilité d’expression différente, à travers l’image et la vidéo, des outils ayant un impact fort sur leur vie et leur trajectoire.

Les activités menées dans les prisons visent à offrir aux jeunes un lieu d’échange et de parole, complémentaire des ateliers de formation et de scolarisation existants. La démarche cherche à valoriser leur capacité à raconter leur vécu et à devenir "de bons héros", selon Fatna, plutôt que de rester associés à l’exclusion sociale qui les entoure.


La projection à Marrakech a été marquée par une forte émotion et une connexion palpable entre Fatna et le public. Des jeunes filles ont particulièrement exprimé leur gratitude pour ce travail de transmission. Pour la réalisatrice, cet accueil au Maroc constitue un moment essentiel, porteur de sens pour une œuvre destinée à faire entendre la voix des femmes et des jeunes, et à valoriser l’action de la société civile.

Fatna, une femme nommée Rachid offre ainsi un regard sensible sur un parcours individuel devenu un symbole : celui d’un engagement persistant, reliant la mémoire des années 1970 à la transmission d’un rêve de changement toujours vivant.


 




samedi 6 décembre 2025

La course aux minéraux critiques met la planète en danger سباق المعادن الحرجة يعرّض الكوكب للخطر

:النسخة العربية

Johanna Sydow  et Nsama Chikwanka, Project Syndicate, 5/12/2025

Traduit par Tlaxcala

Johanna Sydow dirige la Division de politique environnementale internationale à la Fondation Heinrich Böll (Allemage).
Nsama Chikwanka est directeur national de Publish What You Pay Zambia.

Alors que les gouvernements affaiblissent les protections environnementales afin de promouvoir de nouveaux projets miniers, la ruée mondiale vers les minéraux critiques accentue les divisions sociales et endommage des écosystèmes vitaux. Seule une réduction de la consommation et la mise en place de règles robustes et contraignantes peuvent prévenir des dommages durables et protéger les droits humains fondamentaux.

Une vue des vestiges démantelés d’un camp de prospection aurifère illégal, « Mega 12 », lors d’une opération policière visant à détruire des machines et équipements illégaux dans la jungle amazonienne, dans la région de Madre de Dios, au sud-est du Pérou, le 5 mars 2019. – L’extraction illégale d’or en Amazonie a atteint des proportions « épidémiques » ces dernières années, causant des dommages aux forêts intactes et aux voies d’eau, et menaçant les communautés autochtones. Photo GUADALUPE PARDO / POOL / AFP via Getty Images

BERLIN – Le coût environnemental et humain de l’extraction minière apparaît chaque jour plus clairement – et de façon plus alarmante. Environ 60 % des cours d’eau du Ghana sont aujourd’hui fortement pollués en raison de l’exploitation aurifère le long des rivières. Au Pérou, de nombreuses communautés ont perdu l’accès à l’eau potable après l’assouplissement des protections environnementales et la suspension des contrôles réglementaires visant à faciliter de nouveaux projets miniers, contaminant même le fleuve Rímac, qui approvisionne la capitale, Lima.

Ces crises environnementales sont aggravées par l’approfondissement des inégalités et des divisions sociales dans de nombreux pays dépendant de l’industrie minière. L’Atlas mondial de la justice environnementale a recensé plus de 900 conflits liés à l’extraction minière dans le monde, dont environ 85 % impliquent l’usage ou la pollution des rivières, lacs et nappes phréatiques. Dans ce contexte, les grandes économies redéfinissent rapidement la géopolitique des ressources. Les USA, tout en tentant de stabiliser l’économie mondiale fondée sur les combustibles fossiles, s’efforcent également d’assurer l’approvisionnement en minéraux nécessaires aux véhicules électriques, aux énergies renouvelables, aux systèmes d’armement, aux infrastructures numériques et au secteur de la construction, souvent par le biais de pressions ou de tactiques de négociation agressives. Dans leur quête visant à réduire la dépendance à l’égard de la Chine, qui domine le traitement des terres rares, les considérations environnementales et humanitaires sont de plus en plus reléguées au second plan. 

L’Arabie saoudite cherche également à se positionner comme une puissance montante du secteur minier dans le cadre de ses efforts de diversification économique, nouant de nouveaux partenariats – y compris avec les USA – et accueillant une conférence minière très médiatisée. Parallèlement, le Royaume sape activement les progrès réalisés dans d’autres enceintes multilatérales, notamment lors de la Conférence des Nations unies sur le climat au Brésil (COP30) et dans les négociations préliminaires de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (UNEA7).

En Europe, des groupes industriels font pression pour une déréglementation accrue, tandis que des compagnies pétrolières comme ExxonMobil, TotalEnergies et Siemens recourent à des stratégies trompeuses pour affaiblir les nouveaux mécanismes destinés à protéger les droits des communautés vivant dans les régions productrices de ressources. Nous devrions nous inquiéter du fait que les entreprises et pays qui ont contribué au réchauffement climatique, à la dégradation de l’environnement et aux violations des droits humains cherchent désormais à dominer le secteur minier. Leur en donner l’occasion mettrait en danger l’ensemble de l’humanité, et pas seulement les populations vulnérables.

Les gouvernements ne doivent pas rester passifs. Ils doivent reprendre la main sur le principal moteur de l’expansion minière : la demande. Réduire la consommation de matériaux, en particulier dans les pays développés, reste le moyen le plus efficace de protéger les écosystèmes vitaux et de prévenir les dommages à long terme qu’entraîne inévitablement l’extraction.

Pourtant, malgré les preuves accablantes montrant que l’augmentation de l’extraction menace les ressources en eau et la sécurité publique, les gouvernements du monde entier affaiblissent les protections environnementales dans le but d’attirer les investissements étrangers, mettant ainsi en péril les écosystèmes qui soutiennent toute vie sur Terre. D’un point de vue économique, cette stratégie est profondément myope.

En réalité, des recherches récentes montrent que les pratiques responsables ne sont pas seulement moralement justifiées mais aussi économiquement judicieuses. Un nouveau rapport du Programme des Nations unies pour le développement, fondé sur cinq années de données provenant de 235 multinationales, révèle que les entreprises qui améliorent leur respect des droits humains tendent à mieux performer sur le long terme. Les gouvernements devraient donc se méfier des affirmations selon lesquelles la rentabilité exige la réduction des réglementations environnementales ou l’ignorance des droits humains. Lorsque les populations ne peuvent plus faire confiance aux responsables politiques pour protéger leurs droits, elles sont très susceptibles de résister – un conflit social qui finit par freiner les investissements. Le rejet du projet de mine de lithium Jadar de Rio Tinto en Serbie en est un exemple frappant. Beaucoup de Serbes estimaient que leur gouvernement privilégiait les intérêts des entreprises en faisant avancer un projet qui ne respectait même pas des normes minimales de durabilité. L’indignation publique a interrompu son développement et entraîné des pertes importantes pour l’entreprise.

Seuls des cadres juridiques robustes, assortis d’une application efficace, peuvent créer les conditions d’un développement stable et respectueux des droits. Cela implique de protéger les droits des peuples autochtones ; de garantir le consentement libre, préalable et éclairé de toutes les communautés concernées ; de préserver les ressources en eau ; de mener une planification territoriale incluant des zones interdites à l’exploitation ; et de réaliser des évaluations sociales et environnementales indépendantes, participatives et transparentes.

Compte tenu des tensions géopolitiques croissantes, les forums multilatéraux comme la COP et l’UNEA restent essentiels pour contrer la fragmentation mondiale et promouvoir des solutions communes. Les pays riches en minéraux devraient collaborer pour renforcer leurs normes environnementales, à l’image des pays producteurs de pétrole qui influencent conjointement les prix mondiaux. Par une action collective, ils peuvent empêcher une course destructrice au moins-disant et garantir que les communautés locales – en particulier les peuples autochtones et autres détenteurs de droits – puissent faire entendre leur voix.

À une époque où l’accès à l’eau potable se raréfie, où les glaciers fondent et où l’agriculture est de plus en plus menacée, une action internationale coordonnée n’est plus facultative. La résolution que la Colombie et Oman ont présentée pour l’UNEA de décembre, appelant à un traité contraignant sur les minéraux, représente une étape importante vers des normes mondiales plus équitables. Lancée par la Colombie et co-parrainée par des pays comme la Zambie, qui connaissent trop bien les coûts des industries extractives, la proposition appelle à une coopération sur l’ensemble de la chaîne de production minérale afin de réduire les dommages environnementaux et de protéger les droits des peuples autochtones et des autres communautés concernées. En plaçant la responsabilité sur les pays consommateurs de ressources, elle vise à garantir que le fardeau de la réforme ne repose pas uniquement sur les économies productrices de minéraux. Elle aborde également les dangers liés aux résidus miniers et aux barrages de retenue, qui ont provoqué des effondrements dévastateurs et fait des centaines de morts.

Ensemble, ces mesures offrent une rare opportunité de commencer à corriger les inégalités qui ont longtemps caractérisé l’extraction minière. Tous les pays – en particulier les producteurs de minéraux historiquement exclus des négociations – devraient saisir cette occasion. L’UNEA7 ouvre une fenêtre pour instaurer une justice dans le domaine des ressources.

vendredi 5 décembre 2025

Maroc : la CAN ravive les fractures sociales

 , Afrique XXI, 4/12/2025

Le 21 décembre, le royaume accueille la Coupe d’Afrique des nations (CAN). Il y a quelques semaines, une partie de sa jeunesse dénonçait dans la rue le coût social de cette compétition, qu’elle considère comme superflue comparée aux urgences sociales du pays.


Manifestation de la GenZ212 à Rabat, au Maroc (octobre 2025). © Mounir Neddi/Wikimedia

« La meilleure Coupe d’Afrique de l’histoire. » C’est la promesse prononcée par Patrice Motsepe, président de la Confédération africaine de football (CAF) début octobre, alors que le Maroc, pays-hôte, se retrouvait englué dans le plus important mouvement de contestation sociale depuis le Hirak dans la région du Rif en 2016. Des milliers de jeunes appartenant à la Génération Z ont alors investi la rue marocaine pour demander « la fin de la corruption, la dignité et la justice sociale ».

Dans leur ligne de mire également, les mégaprojets d’infrastructures sportives destinés à accueillir, en décembre, la Coupe d’Afrique des nations (CAN), prologue de la Coupe du monde de 2030, organisée conjointement avec l’Espagne et le Portugal, mais aussi l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay pour les premiers matchs de la phase de poules.

« Nous voulons des hôpitaux aux normes de la FIFA », pouvait-on lire sur une pancarte brandie lors d’une de ces manifestations. Le mouvement de contestation est né dans la foulée d’un scandale sanitaire à Agadir, ville touristique située à 550 kilomètres au sud de la capitale Rabat. En août, huit femmes ont perdu la vie dans des conditions désastreuses après avoir été admises pour des césariennes à la maternité de l’hôpital local.

Pour Rabat, l’organisation du Mondial 2030 – mais avant cela, de la CAN 2025 – est l’occasion rêvée de justifier les milliards d’euros dépensés pour la transformation de son réseau de transport et de son offre touristique. L’Office national des chemins de fer (ONCF) a annoncé l’extension de la ligne à grande vitesse (Casablanca-Tanger) jusqu’à Marrakech, tout en augmentant spectaculairement la capacité de ses lignes classiques. Les aéroports internationaux du royaume devraient doubler leur capacité d’accueil avec notamment la création de nouveaux terminaux à Rabat et à Casablanca. Pour ce qui est des autoroutes, le gouvernement a fixé l’objectif d’ici 2030 à 3 000 kilomètres, contre 1 800 kilomètres actuellement.

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jeudi 4 décembre 2025

« La famille d’abord » : quand les marchés publics deviennent des affaires privées

actu-maroc, 3/12/2025

Des révélations troublantes émergent des fuites de rapports établis par les commissions d’inspection relevant des Cours régionales des comptes dans plusieurs régions du Royaume du Maroc, notamment Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, Marrakech-Safi et Fès-Meknès. Ces documents mettent au jour l’implication de collectivités territoriales dans de véritables « marchés familiaux », en violation flagrante des dispositions du cadre légal régissant les conflits d’intérêts. 


Selon les informations recueillies, des présidents de communes et des élus auraient contourné les prescriptions de la loi organique n°113.14 relative aux communes ainsi que la circulaire du ministère de l’Intérieur sur la prévention des conflits d’intérêts, en attribuant des marchés publics à des entreprises créées au nom de leurs enfants, conjoints ou proches. Les magistrats financiers ont, lors de missions d’audit portant sur des dizaines de communes, repéré des transactions financières suspectes associées à des sociétés bénéficiant de marchés « taillés sur mesure ». Les enquêtes ont notamment mis en évidence des incohérences entre les signatures des dirigeants apparents et celles des véritables propriétaires, ainsi que des mouvements bancaires contraires aux règles de conformité interbancaire. 

Les rapports font également état de l’octroi de marchés à des entreprises ne disposant pas des prérequis fondamentaux de la personnalité morale et des capacités techniques requises. Dans certains cas, des communes ont contracté pendant des années avec les mêmes sociétés, tandis que certains élus auraient créé des entités au nom de membres de leurs familles afin de contourner le cadre juridique du conflit d’intérêts, voire de se livrer à des opérations de spéculation foncière sous couvert de légalité. 

Par ailleurs, les inspections ont concerné l’examen du respect de la circulaire n°2590 signée par le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, relative au système de qualification et de classement des entreprises de travaux publics. Plusieurs conseils élus auraient omis d’exiger les certificats d’habilitation des entreprises avant l’ouverture des plis, autorisant ainsi la participation de sociétés ne présentant ni garanties techniques ni financières, et favorisant l’utilisation de structures écrans opérant en sous-traitance systématique. 

Les magistrats ont également scruté les dépenses de fonctionnement et d’équipement, les marchés d’études, l’acquisition de matériel, les factures de gestion administrative, de carburant et d’entretien des parcs automobiles, ainsi que les contrats liés aux réseaux de télécommunications, à l’eau, à l’électricité et aux équipements informatiques. 

Une attention particulière a été portée aux marchés de propreté, dont certains ont été refusés par les autorités de tutelle en raison de coûts jugés disproportionnés par rapport aux prestations offertes. 

Enfin, les rapports dénoncent le non-respect des directives ministérielles appelant à l’austérité budgétaire dans le contexte de crise actuelle. Plusieurs présidents de communes auraient ignoré ces orientations, lesquelles recommandaient de prioriser les dépenses obligatoires, notamment les salaires des fonctionnaires et des agents occasionnels, les charges de l’eau, de l’électricité et des télécommunications, les loyers ainsi que les échéances des emprunts contractés par les collectivités.

mercredi 3 décembre 2025

À Alger, un “grand procès” du colonialisme pour demander justice et réparations

Une conférence panafricaine était organisée ces 30 novembre et 1er décembre à Alger. Son ambition : créer un cadre juridique africain et pérenne qui porterait, de façon unifiée, les revendications de reconnaissance et de réparations liées à la période coloniale.

Un mémorial commémore le génocide des Herero et des Nama (1904-1907) perpétré par les troupes coloniales allemandes au cœur de Windhoek, la capitale namibienne. Photo Jürgen Batz/DPA
La Conférence internationale sur les crimes coloniaux en Afrique, la première du genre sur le continent, entendait encadrer les réparations liées à la colonisation européenne. Les 30 novembre et 1er décembre à Alger, des délégations rassemblant officiels, historiens, juristes africains ont ainsi débattu des héritages culturels, économiques, environnementaux et juridiques du colonialisme.
Il s’agit là, affirme Tout sur l’Algérie (TSA), du “grand procès” du colonialisme en Afrique qui, avec la participation d’une quarantaine de pays, entend créer “une plateforme de dialogue”, “consolider la reconnaissance internationale des crimes coloniaux et […] promouvoir des mécanismes concrets de réparation”.
Signe que la colonisation européenne n’est pas considérée comme appartenant à une époque révolue, la conférence a souhaité également “criminaliser le colonialisme, l’esclavage, la ségrégation raciale et l’apartheid”, et les classer comme crimes contre l’humanité.
Cette conférence a débouché sur la “déclaration d’Alger”, laquelle sera soumise en février 2026 au sommet de l’Union africaine (UA), sous l’égide de laquelle elle était placée, indique TSA dans un autre article.
La Déclaration d'Alger a appelé à la proclamation de la journée du 30 novembre “Journée africaine d’hommage aux martyrs et victimes de la traite transatlantique, de la colonisation et de l’apartheid”, sur la base d'une proposition faite par le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune.

Créer un mécanisme africain permanent

Selon le quotidien francophone algérien L’Expression, proche des autorités, plusieurs dossiers ont été examinés. À commencer par “les spoliations économiques massives qui ont structuré – et structurent encore – les relations entre l’Afrique et l’Occident”. Un lien entre passé et présent constamment perceptible dans les sujets abordés à Alger.
Dans un contexte de course mondiale aux matières premières, est notamment visée l’extraction des matières premières africaines “à des prix dérisoires jusqu’aux accords commerciaux asymétriques de l’ère postcoloniale, en passant par le pillage systématique des ressources naturelles (or, diamants, cuivre, uranium, pétrole, bois précieux)”.
Autre point abordé, les crimes environnementaux, notamment avec les essais nucléaires français réalisés dans le Sahara algérien (1960-1966) et, au-delà de l’Afrique, en Polynésie. Mais aussi les essais britanniques en Australie et dans le Pacifique, ainsi que la pollution causée par l’exploitation minière et pétrolière.
Enfin, la conférence s’est attachée à créer un mécanisme africain permanent “chargé de coordonner les demandes de réparations, de gérer les processus de restitution du patrimoine et de préserver la mémoire collective”. Ce mécanisme devrait servir de plate-forme unifiée pour porter les revendications africaines dans les instances internationales, précise le titre algérien.
Pour résumer, indique TSA, la conférence entend obtenir des ex-puissances coloniales comme la France, l’Allemagne, la Belgique et l’Italie la reconnaissance officielle des crimes coloniaux, la criminalisation internationale du colonialisme, les réparations et la restitution des biens pillés.

Une mémoire coloniale persistante

Cette conférence a donné lieu à des commentaires de la presse africaine et internationale. Le site marocain Yabiladi estime ainsi qu’elle a surtout servi de tribune aux autorités algériennes dans leur défense des positions du Polisario et du Sahara occidental.
En effet, indique le quotidien britannique The Guardian, cette conférence a également été l’occasion pour Alger de présenter le cas de ce territoire, considéré comme non autonome par l’Organisation des Nations unies (ONU), comme l’exemple d’une décolonisation inachevée. L’Algérie reprend ainsi la position officielle de l’Union africaine, alors même qu’un nombre croissant d’États africains et occidentaux se sont ralliés à celle du Maroc.
De son côté, la presse kényane, à l’instar de Kenyan Foreign Policy, rappelle la dimension panafricaine de l’initiative, cette conférence tenue à Alger étant organisée dans la continuité de la décision de l’Assemblée de l’UA, adoptée en février dernier à Addis-Abeba. Cette dernière avait alors approuvé la création d’une plateforme dévolue à la “justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par le biais de réparations”.
Quoi qu’il en soit, la conférence s’inscrit dans un mouvement plus large de retour mémoriel sur les conséquences actuelles du colonialisme pour les pays décolonisés. Ainsi, souligne le Guardian, cette même réflexion est menée par des pays des Caraïbes qui, début novembre, ont porté des demandes de réparations et de reconnaissance des crimes coloniaux devant les autorités britanniques.

De la même façon, ces dernières années, les États africains ont intensifié leurs demandes de restitution des objets pillés qui sont encore conservés dans les musées européens.

 

 Déclaration d’Alger sur les crimes coloniaux : des propositions pour la justice et la mémoire

Ce texte ambitionne de devenir une référence continentale pour la codification des crimes coloniaux et pour l’élaboration d’une stratégie africaine de vérité, de justice et de réparations.

Dès ses premières lignes, la Déclaration d’Alger appelle les anciennes puissances coloniales à « assumer pleinement leurs responsabilités historiques à travers la reconnaissance publique et explicite des injustices commises ». Pour les participants, cette reconnaissance constitue une condition essentielle au dialogue et à la réparation des préjudices subis par les peuples africains.

Parmi les principales recommandations figure la création « d’archives numériques panafricaines », un projet destiné à préserver et rendre accessibles les documents relatifs à l’histoire coloniale.

Le texte préconise également «la redéfinition des curricula éducatifs » pour y intégrer de manière plus complète les périodes précoloniales, coloniales et postcoloniales, plaidant aussi pour «la mise en place de mémoriaux, musées et journées de commémoration », considérés comme des outils indispensables pour transmettre l’histoire et renforcer la conscience collective.

Les participants recommandent en outre «la mise en place de Commissions nationales de vérité et réparations » dans les Etats membres de l’Union africaine (UA). Ces instances seraient chargées de documenter les violations historiques, d’accompagner les démarches judiciaires et de garantir «la responsabilisation juridique et morale pour les crimes coloniaux et leurs conséquences durables ».

La Déclaration appelle par ailleurs à renforcer les mécanismes juridiques nationaux, régionaux et internationaux afin de promouvoir «la codification de la criminalisation de la colonisation dans le droit international » et d’assurer «la restitution intégrale des archives ». Un autre point-clé du document concerne la création « d’un Comité panafricain de la Mémoire et de la Vérité historique ».

Ce comité aurait pour mission « d’harmoniser les approches historiques, superviser la collecte des archives, coordonner les centres de recherche africains et produire des analyses et recommandations » destinées aux autorités et institutions du continent.

La Déclaration insiste aussi sur l’importance d’élargir les initiatives de commémoration. Les signataires appellent ainsi à « l’expansion des initiatives de commémoration continentales et nationales », incluant musées, monuments, lieux de mémoire, Journées commémoratives et réformes éducatives visant à mieux ancrer l’histoire coloniale dans l’espace public.

Un volet majeur est consacré à l’impact écologique du colonialisme. Les participants soulignent «la nécessité d’établir une évaluation continentale de l’impact écologique et climatique du colonialisme », ainsi que des besoins de réhabilitation des territoires affectés par les expérimentations nucléaires, chimiques et industrielles.

Ils soutiennent également « l’établissement d’une plateforme africaine de justice environnementale », chargée de recenser les zones touchées et de formuler des recommandations pour leur réhabilitation. Les anciennes puissances coloniales sont exhortées à « assumer leurs responsabilités morales et politiques » et à fournir un soutien financier, technologique et institutionnel aux efforts d’adaptation menés par les pays africains.

Sur le plan éducatif, la Déclaration affirme «la nécessité impérieuse de réformer les systèmes éducatifs africains » afin d’y intégrer pleinement l’histoire générale du continent.

Elle encourage les universités à créer des formations et diplômes consacrés à « la Mémoire, la vérité, la justice historique et le droit aux réparations », ainsi qu’une plateforme continentale dédiée aux chercheurs spécialistes du colonialisme. La restitution du patrimoine culturel constitue également un axe important.

Le texte réaffirme le droit des peuples africains à la « restitution inconditionnelle des ressources culturelles», comprenant artefacts, manuscrits, archives, objets sacrés et restes ancestraux emportés durant la période coloniale.

Enfin, la Déclaration d’Alger insiste sur « l’engagement d’un audit continental » évaluant l’impact économique du colonialisme. Cet audit doit mener à une stratégie de réparations incluant « des compensations pour les richesses pillées, l’annulation de la dette et un financement équitable du développement ».

Les signataires appellent aussi à une réforme profonde de l’architecture financière internationale afin de démanteler « l’héritage colonial » toujours présent dans les institutions économiques mondiales. Le document sera soumis au Sommet de l’Union africaine de février 2026 pour examen et adoption.