Les
autorités marocaines doivent enquêter de toute urgence sur des
allégations selon lesquelles des policiers et des agents des forces de
sécurité ont violemment agressé cinq militantes sahraouies, a déclaré
Amnesty International vendredi 27 mai 2022. L’organisation a enquêté sur les circonstances de ces cinq attaques distinctes survenues les 15 et 16 avril dans la ville de Boujdour (Sahara occidental).
Zeinab Babi, Embarka Al Hafidhi, Fatima al Hafidhi, Oum Al Moumin Al
Kharashi et Nasrathum (Hajatna) Babi ont été prises pour cibles après
avoir participé à des manifestations pacifiques en faveur du droit du
peuple sahraoui à l’autodétermination, et après avoir publiquement
exprimé leur soutien à Sultana Khaya, militante sahraouie de premier
plan. Des agents des forces de sécurité en civil et des policiers
marocains ont donné à ces femmes des coups de bâton, et les ont rouées
de coups de poing et de pied. Une femme a perdu connaissance et sa main a
nécessité une opération de chirurgie reconstructive. Deux de ces femmes
ont dit avoir été agressées sexuellement.
« Cinq semaines après ces attaques choquantes, les autorités n’ont
toujours pris aucune mesure en vue d’ouvrir une enquête. Ces femmes ont
exercé de manière pacifique leur droit à la liberté d’expression et de
réunion, et pourtant elles ont été victimes d’agressions brutales, qui
leur ont valu des entailles, des hématomes et, dans au moins un cas, des
os brisés », a déclaré Amna Guellai, directrice adjointe pour le
Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.
« Jusqu’à présent, les responsables présumés ont bénéficié de
l’impunité la plus totale. Au lieu de chercher à rendre justice à ces
femmes, les autorités marocaines ont posté des membres des forces de
sécurité devant leurs logements, ce qui les effraie et les dissuade de
sortir. Nous exhortons les autorités marocaines à mettre fin au
harcèlement et aux violences visant les militant·e·s sahraouis, et à
diligenter immédiatement des enquêtes impartiales sur tous les actes de
torture et autres formes de mauvais traitements imputés à des policiers
et des agents des forces de sécurité marocains. »
Solidarité pacifique
Sultana Khaya et sa famille se trouvent en résidence surveillée
depuis novembre 2020. Les autorités marocaines leur ont fait subir
depuis lors des violations graves des droits humains, notamment lorsque
Sultana Khaya a été violée.
Les cinq militant·e·s se trouvaient dans la rue à Boujdour, la
plupart d’entre elles se dirigeant vers la maison de Sultana Khaya afin
de se joindre à des manifestations pacifiques sur le toit de celle-ci,
lorsqu’elles ont séparément été agressées par des groupes d’agents des
forces de sécurité marocaines.
Un des cas les plus graves a eu lieu le 16 avril, quand des policiers
marocains ont arrêté Zeinab Babi, sans lui expliquer pourquoi, alors
qu’elle se rendait au supermarché en taxi. Deux policiers l’ont frappée
et lui ont donné des coups de pied dans la voiture sur le chemin du
poste de police. Au poste, quatre agents ont questionné Zeinab au sujet
de son action militante, tout en l’insultant et en la frappant de
manière intermittente, lui donnant notamment des coups de poing.
Zeinab a finalement été libérée au bout de trois heures, mais son
supplice n’était pas terminé. Alors qu’elle rentrait à pied du poste de
police, d’autres policiers et agents des forces de sécurité l’ont
agressée. Lors de la première attaque, qui s’est déroulée près du poste
de police, un groupe de policiers et d’agents des forces de sécurité
l’ont frappée à l’aide de bâtons. Zeinab était sur le point d’atteindre
sa maison, lorsqu’un groupe d’agents des forces de sécurité l’ont
encerclée, lui ont donné des coups de poing et de pied, et l’ont frappée
avec des bâtons jusqu’à ce qu’elle perde connaissance.
La famille de Zeinab l’a emmenée à l’hôpital, où elle a été soignée
pour ses blessures. Elle a dû subir une opération de chirurgie
reconstructive à la main gauche, celle-ci étant fracturée à divers
endroits.
Le même jour, cinq agents en civil ont intercepté Embarka Al Hafidhi
alors qu’elle marchait avec son fils en direction de la maison de
Sultana Khaya afin de se joindre à un rassemblement pacifique. Les
agents ont frappé Embarka, et certains ont déchiré ses habits et l’ont
touchée à l’aine.
Les cinq femmes ont déclaré à Amnesty International que des agents
sont postés devant chez elle depuis ces agressions, et qu’elles ne
veulent pas quitter leur domicile de crainte d’être attaquées de
nouveau.
Amnesty International demande aux autorités marocaines d’honorer les
obligations qui leur sont faites, en vertu du droit international
relatif aux droits humains, de respecter les droits à la liberté
d’expression, d’association, de réunion pacifique, ainsi que le droit de
ne pas faire l’objet de la torture et d’autres formes de mauvais
traitements.
Complément d’information
Les autorités marocaines imposent de longue date des restrictions
arbitraires aux droits des Sahraoui·e·s à la liberté d’expression, de
réunion pacifique et d’association, en particulier quand l’exercice de
ces droits est en relation avec le statut du Sahara occidental. Les
forces marocaines de sécurité ont eu recours à une force injustifiée et excessive
pour disperser des manifestations pacifiques, et des militant·e·s
sahraouis ont fait l’objet de manœuvres de harcèlement, d’actes
d’intimidation et de poursuites judiciaires.
Présidente d’une organisation appelée Ligue pour la défense des
droits humains et contre le pillage des ressources naturelles, Sultana
Khaya est connue pour militer haut et fort, de façon pacifique, afin
d’obtenir que le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination soit
respecté. Les autorités marocaines maintiennent arbitrairement Sultana
et sa famille en résidence surveillée depuis novembre 2020 ; durant
cette période, les autorités ont fait subir des actes de torture et
d’autres formes de mauvais traitements à ces personnes, notamment des
agressions sexuelles et des viols.
Les autorités marocaines continuent à restreindre l’accès au Maroc et
au Sahara occidental pour les journalistes, les militant·e·s pacifiques
et les défenseur·e·s des droits humains, et à empêcher un suivi et des
comptes-rendus impartiaux et indépendants par les Nations unies au
Sahara occidental.
Le 16 mars 2022, quatre militant·e·s américains sont parvenus à
entrer au domicile de la famille Khaya afin de témoigner leur solidarité
à Sultana et ses proches. Au début, face à la présence de ces
bénévoles, la surveillance étroite menée par les forces de sécurité
s’est atténuée, mais depuis le 15 avril, la présence policière s’est
intensifiée devant la maison de Sultana Khaya, ainsi que devant les
domiciles d’autres militant·e·s.
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