Les
inculpations liées au mouvement populaire d’ Al Hoceima ont atteint le
nombre de 500. Un nombre scandaleux sur tous les plans. Toutes sortes
de charges ont été retenues contre les inculpés, délits et y compris
crimes et terrorisme. Aujourd’hui, dans les tribunaux d’Al Hoceima,
Tanger, Casablanca et Salé se déroulent des abus commis au nom de la
loi, contre des citoyens ayant exprimé un point de vue différent
concernant les politiques publiques appliquées par l’État dans le Rif.
Tout
le monde est jugé : les enfants, les jeunes et les vieillards (comme
c’est le cas du militant connu sous le nom de « Azi »). Les prisons du
Royaume sont pleines de blessés en provenance du Rif. Le procès le plus
scandaleux est celui de Casablanca où comparaissent 54 citoyens
présentés comme « leaders » du Hirak et sont poursuivis dans un dossier
d’atteinte à la Sécurité d’État qui amènera inéluctablement à des
condamnations dignes du Moyen-Age. Comment en sommes-nous arrivés là ?
La criminalisation de la lutte sociale : un instrument du despotisme
Ces
méthodes de domination ne sont pas nouvelles. Depuis au moins 20 ans,
une pléthore de dossiers criminels ont été instruits contre des
militants du mouvement social, afin de criminaliser des luttes
pacifiques. L’exemple de Sidi Ifni, en 2008, a douloureusement illustré
ces abus. Après des jours de torture massive de la population, les
autorités ont lancé une vaste campagne d’arrestations parmi les
militants de cette ville. Dans les années suivantes, cela a été le cas
des militants de Bouarfa (Sud est du Maroc), puis des habitants de
Shlihat (région de Tanger), où le tortionnaire devient toujours la
victime. Le droit pénal sert alors de couverture pour museler les
bouches.
Aujourd’hui,
avec le Rif, ce jeu apparaît au grand jour, tant sur le plan
quantitatif que qualitatif. Le nombre impressionnant d’inculpés montre
la volonté du Makhzen de détruire tout noyau de résistance populaire
dans la région. Les lourdes charges retenues contre le groupe de
Casablanca servent d’épouvantail pour tous ceux qui voudraient
revendiquer leurs droits et écrivent un nouveau chapitre de la
répression que cette région a subie depuis l’Indépendance.
Certes
il y a parmi les 54 inculpés des personnes qui ont été actives lors du
Hirak, mais un nombre important, 10 au moins, ont des dossiers vides,
montés dans le cadre de règlement de compte au sein des appareils
locaux. Aujourd’hui, certains sont jugés parce qu’ils ont exigé le
remboursement d’une dette à un policier d’Al Hoceima, ce qui n’a pas plu
au fonctionnaire qui a décidé d’en punir un en l’incluant dans ce
procès pénal. De façon générale, ce procès depuis son début est un
véritable scandale.
La
« preuve électronique» constitue un autre élément grave du scandale de
ce procès. Le juge présente aux accusés un certain nombre de messages
postés dans l’espace numérique, comme autant d’arguments à charge, ce
qui reflète la régression que veut imposer l’État dans la liberté
d’expression sur Internet qui permettait au moins aux citoyens
d’exprimer leur insatisfaction vis-à-vis des politiques publiques et des
responsables aux différents échelons de l’État.
Aujourd’hui,
des luttes collectives sont nécessaires pour préserver cet acquis, ne
pas laisser se réinstaller une peur qui avait disparu avec le printemps
des peuples et permettre à tous d’exprimer librement leurs opinions. Et
pour exiger la libération de tous les détenus de l’ensemble des
mouvements sociaux, du Rif à Bouizakarn.
Othman al-Baidawi
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