Mambia Morelline, présidente du Collectif féminin des femmes migrantes au Maroc. AFP
Privés de petits boulots ou sans accès aux programmes d’aide débloqués par l’Etat pour les plus vulnérables, les migrants de passage et immigrants subsahariens installés au Maroc peinent à survivre depuis le début de la pandémie de nouveau coronavirus, malgré des élans de solidarité.
« Ceux qui faisaient du commerce sont confinés, sans ressources financières, et la situation s’aggrave pour les clandestins qui vivent dans des campements: ils ne peuvent pas se déplacer et les ONG ne peuvent venir les aider », explique à l’AFP Ousmana Ba, président du Collectif des communautés subsahariennes au Maroc.
On compte « au moins 20.000 » migrants et immigrants, en grande majorité originaires d’Afrique subsaharienne, « en situation d’urgence humanitaire », selon le sociologue Mehdi Alioua, membre fondateur du Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et des migrants (Gadem).
Une bonne partie de la communauté subsaharienne travaille dans le secteur informel, qui représente plus de 20% du PIB du royaume. Gardiens de voitures, femmes de ménage sans contrat ou commerçants sans couverture sociale, ils vivent au jour le jour, « sont en panique » et « ne mangent pas tous les jours », alerte M. Alioua.


Les plus vulnérables restent ceux qui transitent par ce pays d’Afrique du Nord en vue de gagner l’Europe, par la mer ou en escaladant les barrières entourant les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, dans le nord du Maroc.
La fermeture des frontières et les restrictions de déplacement liées à l’état d’urgence sanitaire s’ajoutent aux difficultés de leur périple. Même si elles ont diminué depuis le début de la pandémie, les traversées clandestines vers l’Espagne continuent, avec 986 arrivées enregistrées entre mi-mars et début mai, contre 1.295 sur la même période en 2019, selon le ministère espagnol de l’Intérieur.

« Galère »

Pays de transit, le Maroc est progressivement devenu pays d’accueil. La politique migratoire adoptée en 2013 a permis de régulariser 50.000 personnes, majoritairement originaires d’Afrique de l’Ouest, selon les chiffres du gouvernement. Le nombre de clandestins est lui estimé par des ONG à plusieurs milliers.
Qu’ils soient en situation régulière ou non, tous subissent les effets de la paralysie économique provoquée par la pandémie. La « galère est générale », résume Ousmana Ba.
« Les gens ne savent pas quoi faire. Ceux qui n’économisaient pas ont des problèmes. Avant ils sortaient chaque jour chercher de l’argent et maintenant ils ont des soucis », explique Lokake Aimée, secrétaire générale du Conseil des migrants subsahariens.
Pour endiguer l’épidémie de coronavirus, le Maroc -qui compte officiellement 6.380 cas de contamination et 188 décès- a imposé un confinement général sur l’ensemble du territoire. L’état d’urgence sanitaire décrété le 20 mars a été prolongé jusqu’au 20 mai.
Les contrôles sont stricts, les déplacements soumis à autorisation, le non-respect des restrictions passible d’un à trois mois de prison et/ou d’une amende.

Entraide

Le royaume a débloqué des aides financières pour les salariés au chômage et les travailleurs du secteur informel privés d’activité, mais aucune mesure n’a été prise pour les migrants et immigrants. Les personnes régularisées ne bénéficient pas non plus des aides distribuées par l’Etat, contrairement aux Marocains.
« Personne au gouvernement n’a eu un mot pour ces populations alors que le Maroc a tellement investi dans sa politique migratoire », déplore M. Alioua.
Des élans de solidarité au sein de la communauté, dans le monde associatif et dans les paroisses catholiques, permettent d’alléger leur fardeau. Abdoulaye Diop, président de la Fédération des associations subsahariennes au Maroc (FASAM), organise notamment des distributions de paniers alimentaires à des membres de la communauté sénégalaise.
D’autres communautés mènent des actions similaires, mais les moyens des associations sont limités, ajoute-t-il.
« Aujourd’hui tu manges du riz, demain des pâtes, après-demain du riz… », soupire Eouani Mambia Morelline, une Congolaise de 40 ans qui préside le Collectif féminin des femmes migrantes au Maroc.
« Et puis, il y a les factures, les loyers qui s’accumulent… et il reste à savoir quand on va revenir à une vie normale », ajoute-t-elle.
par Hamza MEKOUAR