DIPLOMATIE - La vague migratoire inédite de ces derniers jours à Ceuta n'est pas un hasard. Les relations entre le Maroc et l'Espagne se sont envenimées depuis l'accueil par Madrid, en avril, du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario.
Une marée humaine. C'est ce que Ceuta, cette petite enclave espagnole nichée à la pointe nord du Maroc, a vu déferler à sa frontière ces derniers jours. Pas moins de 8000 candidats à l'exil ont en effet réussi à pénétrer la zone à la faveur de ce que Madrid considère comme un relâchement des contrôles. Un relâchement qui ne doit rien hasard.
Le torchon brûle en effet depuis plusieurs semaines entre les deux pays. Plus exactement, le 18 avril, avec l'arrivée en Espagne de Brahim Ghali. Cet homme de 71 ans, chef du mouvement indépendantiste sahraoui Front Polisario, était en convalescence après avoir été soigné du Covid-19. Le gouvernement espagnol a reconnu avoir permis ce séjour "pour des raisons strictement humanitaires, afin de recevoir des soins médicaux". Problème : Brahim Ghali est en conflit ouvert avec le royaume marocain.
Une reprise du conflit depuis mi-novembre
Le conflit au Sahara occidental, ancienne colonie espagnole classée "territoire non autonome" par les Nations unies en l'absence d'un règlement définitif, oppose depuis plus de 45 ans le Maroc au Front Polisario, soutenu par l'Algérie. Concrètement, le Polisario réclame un référendum d'autodétermination alors que Rabat, qui considère le Sahara comme une "cause nationale", propose une autonomie sous sa souveraineté. En outre, le Maroc assure mener d'importants programmes d'investissements, dont le Polisario estime qu'ils ne profitent pas à la population sahraouie. À savoir 100.000 à 200.000 réfugiés sahraouis, qui vivent dans des camps près de la ville algérienne de Tindouf, non loin de la frontière avec le Maroc.
Durant presque 30 ans, un cessez-le-feu est resté en vigueur. Jusqu'à la fin de l'année dernière : les hostilités ont repris mi-novembre après le déploiement de troupes marocaines à l'extrême sud du Sahara occidental pour déloger des indépendantistes qui bloquaient la seule route vers l'Afrique de l'Ouest. C'est en raison de ces tensions que la prise en charge du chef du Polisario par le voisin espagnol a suscité la colère de Rabat. Et que le royaume a fermé les yeux sur ses frontières ces derniers jours.
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"Le prix pour déconsidérer le Maroc est cher payé"
"Nous ne parlons pas de jeunes de 16, 17 ans, le Maroc a laissé passer des enfants de 7 ou 8 ans, d'après ce que nous ont rapporté les ONG [...] en faisant fi du droit international", a vilipendé ce jeudi la ministre de la Défense espagnole, Margarita Robles. Plusieurs ONG espagnoles et marocaines ont, effectivement, dénoncé le fait que ces mineurs se retrouvent victimes de la brouille entre les deux pays et s’inquiètent de les voir expulsés vers le Maroc.
Des accusations que balaie ce dernier : le ministre des Droits de l'Homme marocain a brisé mardi soir le silence que son gouvernement entretenait depuis le début de la crise en accusant l'Espagne d'avoir "privilégié sa relation avec le Front Polisario et l'Algérie plutôt que sa relation avec le Maroc". "L’Espagne doit aussi savoir que le prix pour déconsidérer le Maroc est cher payé", a ajouté Mustapha Ramid dans cette publication sur sa page Facebook.
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