El Othmani, l’humiliation de troppar salahelayoubi |
La
première chaîne de télévision marocaine « Al Oula » a diffusé
l’interview accordée par El Othmani le 7 mai, dans son bureau.
L’interview de trop. Un exercice dont le contenu fut conforme au
contenant. Le décorum misérable des lieux et où le pompeux ridicule des
tapis assemblés en bandes, lubie toute makhzénienne, le dispute à
l’insolite panneautage de contreplaqués au mur, au famélique des
Aeschynanthus, dans leurs vulgaires pots de plastique surdimensionnés.
Et pour couronner cet improbable morceau de mauvais goût, un cadreur
aura eu la sotte idée de bannir le malheureux bouquet de fleurs, destiné
à égayer la table visiteurs, pour le disposer à même le sol, dans l’axe
de la caméra 1, au lieu de simplement l’escamoter.
Le
décor ainsi planté, tout ne sera plus qu’entendus. Des questions
doublées de sourires obséquieux de la journaliste, aux réponses
approximatives du Chef du gouvernement, ses hésitations, ses
rodomontades et ses lacunes. Les Marocains sont restés sur leur faim à
propos des questions cruciales telles que le véritable chiffre des
atteintes du virus, le rapatriement des vingt-sept mille (27.000) Marocains bloqués à l’étranger, l’ouverture des frontières, la loi 22/20
en projet et destinée à réprimer les auteurs de campagne de boycott, la
situation des plus fragiles des marocains, le fonds Covid-19…………..
L’interview de trop
C’est
la seconde fois qu’El Othmani s’exprime sur la pandémie face à la
presse. Le 14 mars déjà, interviewé par Mohamed Reda Laâbidi, Sanae
Rahimi et Youssef Belhaissi, il avait offert le triste spectacle de son
ignorance totale du dossier. De fait, le Palais semble en avoir exclu
le Chef du gouvernement et pris la décision de gérer, à l’interne, et
dans le secret absolu, l’Etat d’urgence sanitaire. Même si le roi avait
convié l’intéressé à la réunion restreinte du 17 mars à Casablanca, El
Othmani y était apparu comme un rédacteur lambda du procès-verbal de la
séance, plutôt que comme un décideur ou un véritable conseiller. Plus
tard, les Marocains auront la confirmation de cet ostracisme, lorsqu’on
apprendra que la gestion du fonds du Covid-19 lui échappait.
Le 20 avril, une information relayée par certains médias, prétendait que Boston Consulting Group
(BCG) prendrait en charge le déconfinement. Aussitôt démentie par les
responsables du cabinet international de conseil en stratégie,
l’information n’en demeure pas moins une piste sérieuse qui éclaire d’un
jour nouveau les mécanismes, les rouages et les auteurs de la méthode
marocaine du confinement et pourquoi pas du déconfinement en projet.
Sinon comment expliquer que la direction du groupe se soit précipitée
pour se fendre d’un communiqué de presse, niant d’un côté avoir reçu «mandat spécifique du gouvernement»
et reconnaissant de l’autre, que les analyses et les études effectuées
par BCG, ont bien été mises à la disposition du ministère marocain de
la santé, «dans un cadre strict de solidarité nationale et à titre gracieux». Le
doute qui plane sur la sincérité du propos est permis, les Anglo-saxons
sont réputés ne jamais rien mettre gracieusement à disposition de
tiers, fussent-ils des gouvernements étrangers.
Vu
sous cet angle, on comprend un peu mieux l’omerta qui entoure le
confinement, le Cabinet restreint et l’éloignement du Chef du
gouvernement. Elle trouve son explication dans le besoin du roi d’en
tirer une gloriole personnelle, tout comme le fit Hassan II qui
s’attribua la paternité de la « Marche verte ».
Quarante-cinq ans plus tard, des documents déclassifiés de la CIA
publiés par la presse espagnole, attestent qu’en 1975, de peur que
l’Espagne ne bascule dans le camp communiste et que le Sahara espagnol
indépendant ne tombe dans l’escarcelle de l’URSS, Henri Kissinger,
Secrétaire d’État américain, avait soufflé l’idée de la Marche en
question au roi Hassan II.
Aussitôt
ce dernier réunit une poignée de fidèles dont André Packard, son
architecte personnel à qui il confia la logistique. Il fit prêter
serment sur le coran aux Marocains de garder le silence sur ce qu’il
allait leur révéler. A Packard, il fit :
-« Pour vous Packard, je n’ai pas de bible, je me contenterai donc de votre parole d’honneur ! ». Toujours l’omerta !
En quête de gloriole
Mohammed
VI ferait donc du Hassan II, excluant les ministres du processus,
réunissant un cabinet restreint et mandatant une entreprise étrangère
pour lui souffler la solution, à charge pour l’armée, la gendarmerie,
la police, le ministère de l’intérieur avec ses supplétifs
pléthoriques, de l’appliquer y compris par la répression comme c’est de
plus en plus le cas. Une version qui fait sens, pour qui connaît le
contexte marocain et la propension de Mohammed VI à tirer une gloire
personnelle du moindre événement : panier du ramadan, campagne des
cartables, projets pompeux et fictifs, selfies…..
Dans un mémorandum de la CIA, daté du 6 septembre 1974 on pouvait lire :
-« Le
roi espère que la campagne qu’il a lancée pour récupérer le Sahara
espagnol, renforcera sa position et distraira l’opinion des problèmes
économiques et sociaux que connaît son pays […]. Mais s’il échoue, les
pressions internes seront telles qu’elles pourraient bien le faire
chuter »
L’histoire
se répète à l’identique, quarante-cinq ans plus tard. Le régime
marocain est en proie à une contestation tous azimuts. L’affairisme du
roi et de sa famille sont dénoncés de toutes parts. Sa fortune
personnelle est assimilée à de l’enrichissement illégal et au
détournement des richesses du pays. L’affaire du Rif empoisonne les
relations internationales avec ceux des pays qui ont accueilli et
continuent de le faire des réfugiés rifains, fuyant la répression et la
misère. Au Sahara occidental, la répression des indépendantistes aura
produit le résultat inverse de celui escompté et la communauté
internationale n’a toujours pas reconnu la souveraineté du Maroc sur
cette province. La crise économique et la désertion des investisseurs
étrangers mettent en péril une économie exsangue qui voit sa dette
grossir de manière exponentielle.
« Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.
» écrivait Étienne de La Boétie. C’est bien parce qu’El Othmani est à
genoux qu’il consent ainsi à se faire humilier et vider de toute
substance. La décence aurait commandé qu’il démissionne. Ce serait mal
connaître notre homme qui a, comme ses prédécesseurs, goûté aux lambris
de la monarchie et à ses avantages en monnaie sonnante et trébuchante et
en nature. Moyennant quoi, l’homme fait mine d’ignorer le camouflet qui
lui est infligé.
On
l’aura compris, les Marocains ont depuis longtemps perdu tout espoir de
voir des politiciens dignes de ce nom, représenter leurs intérêts. Mais
ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Ils ont le tort de se taire
et de jouer ainsi un rôle dans la domination et la honte qu’ils
subissent.
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