« Je vous explique pourquoi l’école va mal ! » par François Ruffin
François Ruffin, député de La France Insoumise, a diffusé une vidéo sur son blog qui traite de l’état de notre école. L’équipe qui l’entoure a planché sur les chiffres qui donnent une indication précise du manque actuel de moyens attribués à l’école, notamment publique, et surtout de la baisse de ces moyens. Ces données ont été vérifiées et confirmées par des experts. Cette baisse s’est accentuée avec le premier mandat du président Macron et le deuxième mandat en cours. Cette vidéo s’attache aux moyens, une autre aura pour sujet les finalités. La volonté du député est de donner de la matière à tous celles et ceux qui agissent, se mobilisent pour défendre l’école publique. En effet, il a constaté la méconnaissance de ces données par nombre d’enseignants et de parents d’élèves. Cette insuffisante connaissance de la situation réelle plombe les débats sur l’école.
L’Éducation nationale moins financée qu’il y a 30 ans
D’entrée, le député informe que le bilan d’Emmanuel Macron affiche une suppression d’école par jour. Dans le second degré, le bilan est tout autant désastreux avec 8000 postes de professeurs supprimés, soit l’équivalent de 200 collèges.
Les annonces du ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, n’augurent rien de bon avec les 10 milliards d’économies prévues dont 700 millions pour l’Éducation nationale, soit l’équivalent de 20 000 professeurs environ ou 200 professeurs par département.
Comparativement aux pays voisins, la France consacre moins de finances au système éducatif.
25 milliards par an en moins depuis les années 1990 et désengagement de l’État
La part des dépenses consacrées à l’Éducation nationale a diminué par rapport au PBI (produit intérieur brut) depuis les années 1990. Un point de PIB en moins correspond à 25 milliards d’euros. Si la France en était demeurée au niveau des années 1990, il y aurait 25 milliards d’euros en plus par an soit l’équivalent de 600 000 enseignants.
À cela s’ajoute le fait que la part du budget de l’État réservée à l’Éducation nationale a diminué également passant de 64 % à 57 %. Ce qui manque a été pris en charge, en partie, par les collectivités locales et les entreprises
Enseignement supérieur
Le nombre d’étudiants est en constante augmentation et représente plus 30 % en 15 ans. Le budget a augmenté de 5 %, soit une baisse réelle de 20 % par étudiant. Le recrutement de maîtres de conférences est passé de 2000 à 900 par an. Dans l’OCDE(1), les dépenses par étudiant ont cru de 8 % en moyenne alors qu’en France elles ont chuté de 5 %. C’est la marque d’un sous-investissement flagrant dans notre pays.
École (premier degré) : comparaisons internationales
Du CP au CM2, pour les dépenses par élève au sein de l’Union européenne figurent en tête le Luxembourg, le Danemark, l’Allemagne, la Suède, la Belgique. La France se situe sous la moyenne de tous les pays de l’UE à 25, en intégrant la Pologne, la Slovaquie et la Lituanie.
Collège (second degré) et primaire
La France fait figure de championne pour le nombre d’élèves par classe au sein de l’OCDE avec 22 élèves par classe en école primaire alors que l’UE, en moyenne, se situe à 19. Au collège, la France affiche 25 élèves par classe alors que pour l’UE c’est 20.
La palme de la manipulation et de la méconnaissance de la réalité vécue dans les classes revient à l’ancienne ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra qui ose avancer que plus il y a d’élèves par classe, plus il y a d’émulation et moins il y a d’élèves, moins il y a d’émulation.
Oser proférer de telles inepties c’est méconnaître la difficulté à organiser, maîtriser une classe avec des élèves en surnombre et, ce, d’autant plus que s’y trouvent, selon une volonté légitime d’inclusion, un ou plusieurs élèves souffrant de troubles de l’attention, hyperactifs, dyslexiques. Aux propos du député, nous pouvons préciser que nombre de secteurs ne disposent pas de psychologues scolaires, de médecins scolaires ou encore d’AESH(2).
C’est méconnaître que les enfants d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’il y a vingt ans. Nous pouvons préciser que le temps d’attention pour les individus mineurs et majeurs se réduit à quelques minutes d’après les concepteurs de vidéos en ligne. De plus, comme le précise le député, l’école fait face à une société qui développe le culte de l’image et du présent, envahit l’espace de publicité.
Tout cela complique singulièrement la tâche des enseignants.
Conséquences délétères
- Des classes surchargées ;
- Des enseignants sous-payés : le salaire horaire d’un enseignant après 15 ans d’ancienneté affiche une comparaison dont la France n’a pas à s’enorgueillir.
Tableau : salaire horaire en dollars | ||
Pays | Élémentaire | Secondaire général |
Allemagne | 123 | 144 |
Belgique | 87 | 94 |
Belgique francophone | 82 | 90 |
Pays-Bas | 75 | 117 |
Autriche | 72 | 97 |
Moyenne UE | 66 | 78 |
Espagne | 58 | 85 |
Italie | 53 | 71 |
France | 44 | 60 |
La France se situe très en dessous de la moyenne de l’UE à 22.
Un cliché bien répandu et véhiculé par les pourfendeurs de l’école et de leurs enseignants à déconstruire est celui de congés scolaires excessifs en France. La comparaison démonte cet a priori : le temps de travail des enseignants en France est supérieur à celui en Allemagne, Belgique ou Espagne. Concernant les congés d’été, la France se situe au niveau de l’Allemagne, des Pays-Bas du Danemark avec moins de huit semaines. L’Europe du Sud monte à plus de huit semaines voire 10 et même 12 semaines.
- Découragement des enseignants : autrement dit, c’est la crise des vocations.
Dans les concours de recrutement, nous sommes passés de 16 candidats pour 1 poste d’enseignant à 6. En mathématique, il y a 800 admissibles (ceux qui ont réussi à l’écrit et doivent passer l’oral) pour 1000 postes à pourvoir. En lettres, il y a 720 admissibles pour 750 postes.
À ce phénomène inquiétant s’ajoute la hausse des démissions dans l’enseignement qui sont cinq fois plus importantes par rapport à la décennie précédente.
Le député pointe du doigt les inégalités territoriales. Des départements sont ainsi défavorisés comme la Seine-Saint-Denis où 56 % des enseignants ont moins de cinq ans d’ancienneté. Les plus jeunes et les moins expérimentés sont envoyés dans les collèges REP et REP+(3). Du fait de conditions de travail difficiles, le taux d’absentéisme y est supérieur comparativement aux établissements hors REP et à la moyenne nationale. La tendance y est plus forte que dans d’autres départements, soit pour les démissions, soit pour obtenir une affectation ailleurs. L’inégalité la plus désespérante et catastrophique est que le recrutement par les concours s’établit à partir de la note de 4/20, car il faut bien engager des personnes alors qu’ailleurs il s’effectue à partir de la note de 12/20 comme dans l’Académie de Rennes.
Conclusions accablantes pour les politiques gouvernementales successives
- La désaffection par le manque de moyens pour combattre les inégalités
La France dépense moins qu’il y a vingt ans pour l’Éducation nationale qui fait figure de parent pauvre par rapport aux autres pays voisins. Et surtout, donne moins à ceux qui en ont le plus besoin. Ainsi, les 10 % des élèves des catégories les plus aisées reçoivent trois fois plus durant tout leur parcours scolaire que les 50 % des élèves issus des catégories les plus modestes. Ainsi, il est plus donné à ceux qui déjà plus par la naissance, la famille, l’entourage, le milieu.
Le rapport PISA l’indique clairement, la France se situe au top du top de la plus grande variation de performances en mathématique expliquée par le statut économique, à savoir dans 21,5 % des cas quand la Norvège l’explique dans 9,6 % des cas seulement, le Royaume-Uni 11 %, l’Allemagne 18,7 % proche de notre pays, les USA 14,4 %.
- La désaffection par les causes spirituelles
Bref, la France fait figure de championne de l’inégalité des chances, de la reproduction des inégalités voire du creusement de ces inégalités sociales de départ. Nous sommes le pays de l’injustice sociale transformée en injustice scolaire.
Ceci explique en partie les démissions et le défaut de vocation pour l’enseignement. En effet, tout est fait pour que le système fonctionne à rebours de la conviction républicaine et humaniste, de l’envie d’égalité des chances qui animent tout individu tenté par ce métier. Les causes matérielles, le manque de moyen, le défaut de reconnaissance au même titre que les causes spirituelles expliquent la désaffection.
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