Depuis 1975, le Maroc occupe
le Sahara occidental. Pour asseoir son emprise sur ce territoire
contesté, le royaume peut compter sur des avions et navires de combats
« made in France ».
Le Maroc occupe le Sahara occidental
depuis 45 ans. En dépit des contestations internationales, le royaume a
annexé plus de 80% de ce territoire situé au sud du Maroc et à l’ouest
de la Mauritanie.
Un « mur des sables » – la seconde
fortification la plus longue au monde après la muraille de Chine –
divise cette ancienne colonie espagnole en deux. D’un côté, les zones
occupées arbitrairement par le Maroc, qui constituent un enjeu
stratégique et commercial important pour le royaume, de l’autre celles
où vivent les Sahraouis. Ces derniers, par la voie du Front Polisario,
un mouvement politique armé, contestent depuis 1975 l’occupation
marocaine et réclament la tenue d’un referendum sur leur droit à
l’autodétermination. Prévu dans les accords de cessez-le-feu signés en
1991 entre le Front Polisario et le Maroc, ce referendum n’a jamais eu
lieu. A la place, le Maroc a consolidé son emprise sur la région,
obligeant plusieurs dizaines de milliers de Sahraouis à fuir leur
territoire d’origine. Beaucoup vivent encore dans des camps de réfugiés,
en Algérie. Pour prendre leur place, le royaume a favorisé
l’installation de citoyens marocains.
Le déploiement d’avions et de bateaux « made in France »
Les opposants à cette politique de
colonisation subissent les foudres du régime. Dans un rapport publié en
avril 2019, l’ONG Amnesty International explique avoir recensé « des
violations des droits humains notamment des restrictions arbitraires
imposées aux droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et
d’association en particulier contre des personnes favorables à
l’autodétermination du Sahara occidental ».
ttps://www.moroccomail.fr/.../19/les-armes-francaises-de-loccupation-du-sahara-occidentalttps://www.moroccomail.fr/.../19/les-armes-francaises-de-loccupation-du-sahara-occidental
Dans un rapport publié le
même mois, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a
fait savoir que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme avait reçu
des informations concernant l’arrestation, la confiscation de matériel
et la surveillance de journalistes, blogueurs et humanitaires
travaillant sur les violations des droits de l’Homme au Sahara
occidental.
Face à cette situation, la France
regarde ailleurs, préférant fournir à la monarchie marocaine un large
éventail d’équipements militaires. Au risque qu’il soit utilisé pour
maintenir l’étreinte exercée illégalement sur le Sahara occidental et
contrôler l’exploitation de ses ressources naturelles, notamment en mer.
Disclose et ses partenaires du projet
French arms ont analysé des vidéos, images satellites, articles de
presse et rapports officiels. Ce travail a permis de démontrer que des
avions de combats et des navires de guerre fabriqués, vendus et
entretenus par la France ont récemment été déployés au Sahara occidental
par l’armée marocaine.
Sahara occidental : les armes de l’occupation marocaine
Parmi les équipements militaires
identifiés : des Mirage F-1. 25 de ces avions de combat fabriqués par
Dassault ont été vendus et exportés vers le Maroc entre 1977 et 1982.
Malgré leur ancienneté, les Mirage F-1 volent toujours. Le gouvernement
marocain a en effet signé en 2005 un contrat de maintenance avec Astrac,
une joint-venture entre les sociétés françaises Thalès et Safran. Nous
avons repéré trois de ces chasseurs sur la base aérienne de Laâyoune en
août 2017, décembre 2017 et janvier 2018.
Nous avons également identifié plusieurs
navires de guerre de fabrication française présents au Sahara
occidental. C’est le cas du patrouilleur OPV-70 conçu par Raidco Marine
et livré au Maroc en 2011. Des vues satellites montrent le navire dans
le port de Dakhla, en décembre 2018.
C’est également le cas d’un bateau de
transport conçu par Piriou, une entreprise basée à Concarneau, en
Bretagne. Ce navire de 50 mètres de long a été commandé par le Maroc en
2015. Des images satellitaires nous ont permis de le retrouver à El
Marsa, dans le Sahara occidental, en avril 2019. Soit quelques jours
après qu’il ait quitté le port d’Agadir, au Maroc.
En 2016, l’entreprise Piriou a également
été chargée de rénover un patrouilleur de la marine royale marocaine
construit en 1995 : le Rais Bargach. Cette refonte complète du navire a
été achevée en juillet 2017. Nous l’avons repéré à Dakhla, en juin 2019.
Par ses exportations et les contrats de
maintenance signés avec la monarchie marocaine, la France transgresse la
position commune de l’Europe sur les transferts d’armes. Ce texte
contraint en effet les États membres à ne pas exporter « de technologie
ou d’équipements militaires susceptibles de provoquer ou de prolonger
des conflits armés ou d’aggraver des tensions ou des conflits existants
dans le pays de destination finale ». Il demande également à ce que
« les États membres tiennent compte, entre autres, des antécédents du
pays acheteur dans les domaines suivants : le respect de ses engagements
internationaux, notamment en ce qui concerne le non-recours à la force,
et du droit humanitaire international ».
Les réponses officielles
Contactés par écrit, les services du
Premier ministre ont répondu aux auteurs de l’enquête que « l’ensemble
des transferts [d’armement] est encadré par des impératifs liés à la
sécurité nationale, mais également au respect des engagements
internationaux de la France, dont certains lui imposent des obligations
spécifiques ». Dans son courriel, Matignon précise que « la question des
conditions d’utilisation des armes est examinée au moment de
l’évaluation de la demande d’autorisation (en amont de la délivrance de
la licence) ». Et que celle-ci est « octroyée en fonction des
informations disponibles au moment de cet examen ». En guise de
conclusion, l’exécutif assure que « si les conditions d’utilisation
envisagées lors de l’octroi de l’autorisation d’exportation évoluent, la
France s’efforce alors de passer des messages adéquats et d’agir de
toutes les manières possibles pour conduire à une désescalade,
conformément à son rôle de membre permanent du Conseil de sécurité et
aux principes fondamentaux de sa diplomatie. »
Les industriels interrogés
individuellement, nous ont fait parvenir cette réponse du Conseil des
industries de défense françaises :
« L’action des industriels s’inscrit
dans le strict cadre de la réglementation française en matière de vente
d’équipements militaires à l’exportation. Aucune vente de systèmes n’est
effectuée sans une autorisation préalable délivrée par une commission
interministérielle placée auprès du Premier Ministre et présidée par le
Secrétaire Général de la Défense et de la Sécurité Nationale. Les
industriels ont la volonté d’appliquer la Loi dans toute sa rigueur et
son ampleur et s’inscrivent dans le respect des principes internationaux
relatifs aux droits de l’homme et aux entreprises. »
*Le projet French arms est une
enquête initiée par Lighthouse reports, en coopération avec Disclose et
avec le soutien d’Arte, Mediapart, Radio France et Bellingcat.
Source : Disclose
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire