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Télégrammes

L’appel du roi Mohammed VI à ne pas sacrifier de moutons pendant l’Aïd Al-Adha a mis en difficulté les éleveurs et exportateurs espagnols, car le Maroc importe chaque année entre 10 000 et 15 000 têtes de moutons en provenance d’Espagne, soit pour la consommation durant le mois de Ramadan ou pour l’engraissement en vue de l’Aïd al-Adha. l’organisation Asaja Extremadura, qui regroupe plus de 5 000 agriculteurs et éleveurs, a adressé une correspondance au ministère espagnol de l’Agriculture, réclamant l’accélération des procédures relatives à l’exportation de moutons vers l’Algérie.

samedi 22 février 2025

Blé, tomates et phosphate : le Maroc, invité d'honneur du Salon de l'agriculture

  David RichFrance24, 21/2/2025

Pour son édition 2025, le Salon de l’agriculture déroule le tapis rouge au Maroc, choisi comme invité d’honneur de l'événement qui ouvre ses portes samedi près de Paris. Client privilégié de l’industrie céréalière française, Rabat est également l’un des principaux exportateurs de fruits et légumes dans l’Hexagone, à des prix très attractifs. Certains élus et agriculteurs dénoncent une concurrence déloyale.

Un agriculteur installe un système de goutte-à-goutte dans un champ de pommes de terre à Berrechid, province marocaine historiquement riche en blé en proie à la sécheresse, au sud-est de Casablanca, l

Un agriculteur dans un champ de pommes de terre à Berrechid, province marocaine au sud-est de Casablanca, le 7 février 2024. © Fadel Senna, AFP

Il s’agit d’un fait inédit en 61 ans d’existence. Le Salon de l’agriculture, qui ouvre ses portes samedi porte de Versailles, à Paris, a réservé cette année une place toute particulière au Maroc, invité d’honneur de l’édition 2025. Si la grande messe de l’agriculture propose chaque année la découverte de stands étrangers, jamais elle n’avait offert à l’un de ses hôtes un tel statut lors de cet évènement dédié, en premier lieu, au rayonnement des filières hexagonales.

À cette occasion, Emmanuel Macron a adressé personnellement une invitation au Roi du Maroc Mohammed VI, qui n’a pour l’heure pas confirmé sa présence.

Nouvelle lune de miel

Cet événement s’inscrit dans un contexte de réchauffement des relations diplomatiques et économiques entre Rabat et Paris, après une période de fortes turbulences. En 2021, le scandale des écoutes Pegasus puis la réduction du nombre de visas accordés par la France avaient jeté un sérieux froid entre les deux dirigeants, provoquant une crise inédite.

Mais la relation a connu une nette embellie au cours de la dernière année, marquée par une nouvelle visite d’État du président français qui a apporté son soutien à la souveraineté marocaine du Sahara occidental. Les deux pays ont récemment signé une série d’accords, parmi lesquels une nouvelle feuille de route sur le partenariat agricole.

Un réchauffement perçu avec enthousiasme par la filière céréalière française, qui compte Rabat parmi ses plus gros clients. "L’invitation du Maroc comme invité d’honneur au Salon de l’Agriculture est une très bonne chose. Même si nos pays ont connu des tensions, notre partenariat ne date pas d’hier et il est important de le célébrer", se félicite Philippe Heusele, président du comité des relations internationales d’Intercéréales, le lobby français de la profession.


                        Macron, Anne Genevard etAkhannouch à l'ouverture du Salon


Des besoins "complémentaires"

Partenaire privilégié du Maroc, la filière céréalière française a fourni en 2023 plus de 50 % du blé tendre importé par le royaume. Malgré une diminution des exportations françaises en 2024 du fait d’une récolte moindre et de la forte concurrence internationale – en particulier de la Russie – le partenariat entre les deux pays demeure extrêmement dynamique, souligne le représentant de la filière.

"La France a une production excédentaire et les Marocains, qui consomment deux fois plus de blé que nous, ont besoin d’importer en grande quantité. La proximité géographique facilite le commerce et nous avons également les mêmes besoins qualitatifs", explique Philippe Heusele.

Un marché d’autant plus porteur que les besoins du Maroc ne cessent d’augmenter du fait de l’impact du réchauffement climatique. Le pays a connu en 2024 sa sixième année de sècheresse consécutive provoquant une chute de la production agricole, céréalière notamment. Enfin, en matière d’agriculture le Maroc possède un sérieux atout : il dispose de la deuxième plus grande réserve mondiale de phosphate, un composant essentiel des engrais, dont l’UE est l’un des principaux acheteurs. [NDLR SOLIDMAR : il ne “dispose” pas, il pille le phosphate du Sahara occidental occupé]

Pour autant, le partenariat avec le Maroc ne se limite pas aux seules questions transactionnelles. Il inclut également un volet recherche, notamment sur l’adaptation face au réchauffement climatique. "Le Maroc a une expérience de terrain dont nous pouvons bénéficier, sur les aspects techniques mais également sociaux et politiques", souligne Sandrine Dury, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, citant en exemple les projets communs sur l’adaptation de la culture des oliviers ou l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la gestion des troupeaux.

Les tomates de la discorde

Comme Philippe Heusele, Sandrine Dury se félicite de la place d’honneur faite au Maroc cette année au Salon de l’agriculture. Les producteurs de fruits et légumes se montrent quant à eux bien moins enthousiastes. Ces derniers dénoncent depuis des années une concurrence déloyale des produits marocains, importés massivement en Europe.

En 2012, Bruxelles et Rabat ont signé un accord de libre-échange permettant au Maroc d’exporter des fruits et légumes sans payer de taxes douanières. Produit phare de l’agriculture marocaine, la tomate a depuis envahi les étales européennes. En France, elle coûte de deux fois à deux fois et demie moins cher, en moyenne, que la tomate produite dans l’Hexagone.   

"Non seulement la main-d'œuvre chez nous est dix fois plus coûteuse, mais des travailleurs – souvent des femmes – sont parfois exploités pour ces récoltes au Maroc, sans même qu’on leur donne de contrat de travail", dénonce Claude Girot, de la Confédération paysanne. Très actif sur les questions de droits humains, ce syndicat a remporté en 2024 une bataille devant la justice européenne sur l’obligation d’étiquetage des produits récoltés au Sahara occidental par le Maroc.

Des pesticides interdits

Autre problème concernant les importations de produits marocains : celui des normes sanitaires. Car certains pesticides interdits dans l’Union Européenne sont encore utilisés au Maroc, comme le méthiocarbe ou le chlorpyrifos, détectés lors de tests menés sur des poivrons marocains. 

"Lorsque de tels produits sont détectés, les stocks peuvent être soit détruits soit renvoyés. Nous avons besoin d’une réglementation plus dissuasive, qui impose des sanctions financières aux importateurs de ces produits", affirme le député LR de la Loire Antoine Vermorel-Marques.

Ce fils d’agriculteur défend une proposition de loi visant à interdire en France l’importation de produits non-conformes aux règles sanitaires européennes, et non plus uniquement leur vente et leur distribution, comme stipulé par la loi Egalim.

"Cette mesure concerne de nombreux autres pays qui utilisent des produits interdits en Europe, comme le Kenya ou les États-Unis", précise l’élu. "Il ne s’agit pas d’une mesure contre le Maroc. Mais nous avons besoin de plus de contrôles. Il s’agit de la défense de notre santé publique et du travail de nos agriculteurs", conclut-il.

Adopté le 28 janvier par la commission des affaires économiques, le texte doit désormais être débattu devant l'Assemblée nationale.

Emmanuel Macron invite Mohammed VI au Salon de l’agriculture sur fond de tensions autour de l’accord de libre-échange avec le Maroc

Cette invitation, à laquelle le souverain marocain n’a pas encore répondu, intervient alors que les principaux syndicats d’agriculteurs français dénoncent la « concurrence déloyale » des tomates marocaines.

Alexandre Aublanc (Casablanca, Maroc, correspondance), Le Monde, 12/2/2025

Mohammed VI se rendra-t-il au Salon international de l’agriculture en compagnie d’Emmanuel Macron ? Selon nos informations, le président français a convié le roi du Maroc à assister à la grand-messe annuelle du monde agricole qui aura lieu à Paris du 22 février au 2 mars. Le monarque n’a pas encore répondu à l’invitation de l’Élysée, mais son déplacement officiel, s’il se confirme, serait son premier en France depuis 2018. [NDLR SOLIDMAR : le roi ne s’est pas rendu à Paris]

Le choix du Salon de l’agriculture n’est pas anodin. Pour la première fois, la manifestation mettra à l’honneur un pays, en l’occurrence le Maroc. Une décision qui « reflète l’importance des partenariats agricoles qui nous lient », expliquent les organisateurs. Difficile cependant de ne pas y voir le prolongement du rapprochement bilatéral conclu en 2024 à l’issue d’une séquence diplomatique en deux temps : la reconnaissance par Emmanuel Macron de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, en juillet, puis la visite du président français à Rabat, en octobre.

A Paris, une importante délégation marocaine est attendue, alors que de part et d’autre les échanges agricoles ont bondi, tirés par la croissance des exportations françaises de céréales et par la hausse des exportations marocaines de fruits et légumes. Le regain de confiance entre les deux pays pourrait toutefois pâtir des nouveaux rapports de force syndicaux en France. Avec, en toile de fond, une poussée de la contestation contre l’accord agricole noué entre l’Union européenne (UE) et le Maroc. Symbole de la « concurrence déloyale » dont les agriculteurs de l’Hexagone se disent victimes : la tomate cerise marocaine, exemptée de droits de douane moyennant quotas.

Sur cette question, les sujets de friction des deux côtés de la Méditerranée ne sont pas nouveaux. Quand les producteurs marocains assurent respecter les normes européennes et vouloir être compétitifs, leurs homologues français leur reprochent l’utilisation d’insecticides interdits dans l’UE et le faible coût de leur main-d’œuvre, dont découleraient des prix cassés dans la grande distribution. Vendue en France à 0,99 euro, la barquette de 250 grammes de tomates cerises allongées produites dans la région d’Agadir, dans le sud du Maroc, ou dans celle de Dakhla, au Sahara occidental, cristallise toutes les tensions.[NDLR SOLIDMAR : 85% des volumes des tomates cerises vendues en France proviennent du Maroc].

Opérations coup de poing

L’exaspération des agriculteurs français a culminé en 2024. Des milliers de tomates marocaines avaient alors été déversées sur les routes et les parkings des supermarchés. En première ligne de ces opérations coup de poing, la Coordination rurale a réalisé une percée historique dans les chambres d’agriculture, laissant augurer d’un raidissement des positions syndicales françaises. Au marché Saint-Charles International de Perpignan, où transitent les tomates marocaines, des alertes ont été lancées ces derniers jours en prévision de possibles actions de représailles.

A cette colère, le score du Rassemblement national (RN) aux dernières législatives, qui a fait du parti présidé par Jordan Bardella le premier groupe politique au Palais-Bourbon, offre désormais un débouché politique. Sans en être à l’origine, la formation d’extrême droite entretient des liens étroits avec la Coordination rurale. Parmi les sympathisants du syndicat, 47 % des personnes sondées disaient vouloir voter pour le RN à l’élection européenne de juin 2024, selon le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Et de nombreux députés RN en milieu rural ont fait de la dénonciation des accords de libre-échange leur cheval de bataille.

Parmi eux, Hélène Laporte, élue du Lot-et-Garonne. Ce fief de la Coordination rurale abrite, après les Bouches-du-Rhône, les plus vastes cultures de tomates françaises. Récemment portée à la tête du groupe d’amitié France-Maroc à l’Assemblée nationale, la députée RN a répété ces derniers mois vouloir « engager un processus de révision des accords ». « Je pense notamment à celui qui nous lie au Maroc et qui prévoit des exonérations de droits de douane sur l’importation de tomates », a-t-elle déclaré dans l’Hémicycle le 15 janvier.

Le sujet a été abordé lors d’une rencontre entre Hélène Laporte et l’ambassadrice du Maroc en France, Samira Sitaïl, le 3 février à Paris. Officiellement, la position de Rabat est de s’en tenir à l’accord signé avec Bruxelles. « Nous ne voulons pas que les agriculteurs marocains soient tenus pour responsables de problèmes internes à la France ou à l’UE », indique une source marocaine.

« Relents protectionnistes »

Bien que le gouvernement français n’ait émis aucun signal en faveur de sa renégociation, l’épouvantail d’une remise à plat de l’accord est prêt à être agité côté marocain. Où l’on fait savoir que la renégociation, si elle avait lieu, devra porter sur tous les produits concernés. Au risque de nuire aux intérêts des grands gagnants du libre-échange entre les deux pays : les céréaliers français, qui ont fourni 45 % des importations de céréales au Maroc en 2022.

C’est dire combien les propos tenus par le plus médiatique d’entre eux, Arnaud Rousseau, n’ont pas été du goût des professionnels marocains. Devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, le 18 septembre 2024, le numéro un de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) avait affirmé son « ambition de rediscuter de l’accord » avec Rabat. Le président du conseil d’administration d’Avril Gestion, l’actionnaire commandité du groupe Avril (ex-Sofiprotéol), propriétaire au Maroc de Lesieur Cristal, était jusqu’à présent considéré comme un rempart face aux coups de boutoir des agriculteurs les plus radicaux.

Conscients de l’extrême sensibilité du dossier, les ministres de l’agriculture des deux pays ont relancé le comité franco-marocain de la tomate, en veille depuis 2020. La question agricole figurera également au menu des discussions de la prochaine réunion de haut niveau entre les deux gouvernements, qui doit se tenir au Maroc avant l’été. Elle devrait également être évoquée ces prochains jours à l’occasion d’une rencontre en France entre les ministres des affaires étrangères des deux pays, Jean-Noël Barrot et Nasser Bourita. Ce dernier avait dénoncé l’an passé les « relents protectionnistes » de l’Europe.

La question touche jusqu’au plus haut sommet de l’État marocain. Parmi les nombreuses filiales de la holding Siger, qui appartient au roi Mohammed VI, figurent les Domaines agricoles, l’un des principaux exportateurs marocains de fruits et de légumes en Europe. La visite d’État du souverain en France, qu’Emmanuel Macron avait annoncée pour 2025 lorsqu’il se trouvait au Maroc, est toujours d’actualité, fait-on savoir à Rabat.



 


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