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Le tribunal administratif de Rabat a rejeté le 18 février une demande du Groupe d’Action National pour la Palestine d’interdire l’entrée au Maroc à la ministre israélienne des Transports, Miri Regev, attendue à Marrakech pour participer à une conférence internationale sur la sécurité routière, et d’engager des poursuites contre elles pour crimes de guerre.

samedi 22 février 2025

Blé, tomates et phosphate : le Maroc, invité d'honneur du Salon de l'agriculture

  David RichFrance24, 21/2/2025

Pour son édition 2025, le Salon de l’agriculture déroule le tapis rouge au Maroc, choisi comme invité d’honneur de l'événement qui ouvre ses portes samedi près de Paris. Client privilégié de l’industrie céréalière française, Rabat est également l’un des principaux exportateurs de fruits et légumes dans l’Hexagone, à des prix très attractifs. Certains élus et agriculteurs dénoncent une concurrence déloyale.

Un agriculteur installe un système de goutte-à-goutte dans un champ de pommes de terre à Berrechid, province marocaine historiquement riche en blé en proie à la sécheresse, au sud-est de Casablanca, l

Un agriculteur dans un champ de pommes de terre à Berrechid, province marocaine au sud-est de Casablanca, le 7 février 2024. © Fadel Senna, AFP

Il s’agit d’un fait inédit en 61 ans d’existence. Le Salon de l’agriculture, qui ouvre ses portes samedi porte de Versailles, à Paris, a réservé cette année une place toute particulière au Maroc, invité d’honneur de l’édition 2025. Si la grande messe de l’agriculture propose chaque année la découverte de stands étrangers, jamais elle n’avait offert à l’un de ses hôtes un tel statut lors de cet évènement dédié, en premier lieu, au rayonnement des filières hexagonales.

À cette occasion, Emmanuel Macron a adressé personnellement une invitation au Roi du Maroc Mohammed VI, qui n’a pour l’heure pas confirmé sa présence.

Nouvelle lune de miel

Cet événement s’inscrit dans un contexte de réchauffement des relations diplomatiques et économiques entre Rabat et Paris, après une période de fortes turbulences. En 2021, le scandale des écoutes Pegasus puis la réduction du nombre de visas accordés par la France avaient jeté un sérieux froid entre les deux dirigeants, provoquant une crise inédite.

Mais la relation a connu une nette embellie au cours de la dernière année, marquée par une nouvelle visite d’État du président français qui a apporté son soutien à la souveraineté marocaine du Sahara occidental. Les deux pays ont récemment signé une série d’accords, parmi lesquels une nouvelle feuille de route sur le partenariat agricole.

Un réchauffement perçu avec enthousiasme par la filière céréalière française, qui compte Rabat parmi ses plus gros clients. "L’invitation du Maroc comme invité d’honneur au Salon de l’Agriculture est une très bonne chose. Même si nos pays ont connu des tensions, notre partenariat ne date pas d’hier et il est important de le célébrer", se félicite Philippe Heusele, président du comité des relations internationales d’Intercéréales, le lobby français de la profession.

Macron et Akhannouch à l'ouverture du Salon

Des besoins "complémentaires"

Partenaire privilégié du Maroc, la filière céréalière française a fourni en 2023 plus de 50 % du blé tendre importé par le royaume. Malgré une diminution des exportations françaises en 2024 du fait d’une récolte moindre et de la forte concurrence internationale – en particulier de la Russie – le partenariat entre les deux pays demeure extrêmement dynamique, souligne le représentant de la filière.

"La France a une production excédentaire et les Marocains, qui consomment deux fois plus de blé que nous, ont besoin d’importer en grande quantité. La proximité géographique facilite le commerce et nous avons également les mêmes besoins qualitatifs", explique Philippe Heusele.

Un marché d’autant plus porteur que les besoins du Maroc ne cessent d’augmenter du fait de l’impact du réchauffement climatique. Le pays a connu en 2024 sa sixième année de sècheresse consécutive provoquant une chute de la production agricole, céréalière notamment. Enfin, en matière d’agriculture le Maroc possède un sérieux atout : il dispose de la deuxième plus grande réserve mondiale de phosphate, un composant essentiel des engrais, dont l’UE est l’un des principaux acheteurs.

Pour autant, le partenariat avec le Maroc ne se limite pas aux seules questions transactionnelles. Il inclut également un volet recherche, notamment sur l’adaptation face au réchauffement climatique. "Le Maroc a une expérience de terrain dont nous pouvons bénéficier, sur les aspects techniques mais également sociaux et politiques", souligne Sandrine Dury, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, citant en exemple les projets communs sur l’adaptation de la culture des oliviers ou l’utilisation de l’intelligence artificielle dans la gestion des troupeaux.

Les tomates de la discorde

Comme Philippe Heusele, Sandrine Dury se félicite de la place d’honneur faite au Maroc cette année au Salon de l’agriculture. Les producteurs de fruits et légumes se montrent quant à eux bien moins enthousiastes. Ces derniers dénoncent depuis des années une concurrence déloyale des produits marocains, importés massivement en Europe.

En 2012, Bruxelles et Rabat ont signé un accord de libre-échange permettant au Maroc d’exporter des fruits et légumes sans payer de taxes douanières. Produit phare de l’agriculture marocaine, la tomate a depuis envahi les étales européennes. En France, elle coûte de deux fois à deux fois et demie moins cher, en moyenne, que la tomate produite dans l’Hexagone.   

"Non seulement la main-d'œuvre chez nous est dix fois plus coûteuse, mais des travailleurs – souvent des femmes – sont parfois exploités pour ces récoltes au Maroc, sans même qu’on leur donne de contrat de travail", dénonce Claude Girot, de la Confédération paysanne. Très actif sur les questions de droits humains, ce syndicat a remporté en 2024 une bataille devant la justice européenne sur l’obligation d’étiquetage des produits récoltés au Sahara occidental par le Maroc.

Des pesticides interdits

Autre problème concernant les importations de produits marocains : celui des normes sanitaires. Car certains pesticides interdits dans l’Union Européenne sont encore utilisés au Maroc, comme le méthiocarbe ou le chlorpyrifos, détectés lors de tests menés sur des poivrons marocains. 

"Lorsque de tels produits sont détectés, les stocks peuvent être soit détruits soit renvoyés. Nous avons besoin d’une réglementation plus dissuasive, qui impose des sanctions financières aux importateurs de ces produits", affirme le député LR de la Loire Antoine Vermorel-Marques.

Ce fils d’agriculteur défend une proposition de loi visant à interdire en France l’importation de produits non-conformes aux règles sanitaires européennes, et non plus uniquement leur vente et leur distribution, comme stipulé par la loi Egalim.

"Cette mesure concerne de nombreux autres pays qui utilisent des produits interdits en Europe, comme le Kenya ou les États-Unis", précise l’élu. "Il ne s’agit pas d’une mesure contre le Maroc. Mais nous avons besoin de plus de contrôles. Il s’agit de la défense de notre santé publique et du travail de nos agriculteurs", conclut-il.

Adopté le 28 janvier par la commission des affaires économiques, le texte doit désormais être débattu devant l'Assemblée nationale.


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