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mardi 18 février 2025

Au Maroc, qui sont les ambassadrices du roi Mohammed VI ?

Fadwa Islah, Jeune Afrique, 16/2/2025

 Karima Benyaich, Nezha Alaoui M’hammdi, Samira Sitaïl… Au fil des ans, le roi du Maroc s’est constitué une véritable « dream team » diplomatique féminine. Aujourd’hui, elles défendent les intérêts du royaume dans les capitales les plus stratégiques.

Le roi du Maroc, Mohammed VI. © Montage JA

En matière de représentativité des femmes au sein de la diplomatie, la monarchie chérifienne a souvent fait figure de précurseur. Dès l’indépendance du Maroc, au moment où même les pays occidentaux qui se disent féministes ne comptaient que de très rares visages féminins pour incarner leur politique étrangère – la première ambassadrice française a, par exemple, été nommée en 1972 pour représenter le pays au Panama, et le titre d’ambassadrice était réservé aux épouses d’ambassadeurs jusque dans les années 2000 –, le roi Hassan II désignait Lalla Aïcha pour représenter le royaume à la tête de chancelleries parmi les plus convoitées : Londres, de 1965 à 1969, Athènes, de 1969 à 1970, puis Rome, de 1970 à 1973.

Tout un symbole, d’autant que la princesse s’était illustrée très tôt, dès la fin des années 1940, dans la lutte pour l’émancipation des filles marocaines, et tout particulièrement pour leur scolarisation. D’autres personnalités emboîteront le pas à la sœur du défunt souverain dans ce domaine hautement stratégique. À l’instar de Halima Ouarzazi qui, après un passage par l’ambassade du Maroc à Washington de 1959 à 1967 comme attachée culturelle, a été propulsée représentante du Maroc aux Nations unies, à New York, où elle sera élue en 1973 à la tête de la sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités.

Depuis son accession au trône en 1999, Mohammed VI a redéfini les contours de la politique étrangère marocaine en lui insufflant une dimension plus directe, décomplexée, en cohérence avec la nouvelle place du royaume sur l’échiquier géopolitique. Mais aussi en renforçant sa dynamique inclusive, dans le sillage de l’héritage en faveur des femmes laissé par son père, Hassan II, et son grand-père, Mohammed V.

Alors que la diplomatie mondiale reste encore un bastion masculin – à l’exception des pays scandinaves et des pays d’Europe de l’Est, où la parité est largement atteinte, la majorité des nations sont à la peine, avec trois quarts des ambassades dirigées par des hommes –, le monarque a placé de plus en plus de femmes aux avant-postes des grandes négociations et des relations stratégiques. À l’instar de Lalla Joumala Alaoui (cousine du roi Mohammed VI) à Londres puis à Washington, mais aussi Nezha Chekrouni ou encore Mounia Boucetta, qui ont été respectivement ministre déléguée ou secrétaire d’État auprès des Affaires étrangères. Des figures de proue, des profils expérimentés, mais aussi toute une nouvelle génération de femmes diplomates qui commence à se distinguer comme conseillères dans les ambassades ou au ministère. Encore loin des projecteurs, mais prêtes à prendre la relève.

Aujourd’hui, cette démarche tend à se renforcer avec une dream team d’ambassadrices marocaines déployées dans des chancelleries clés. Que ce soit dans les grandes capitales européennes comme Paris, Berlin ou Madrid, en Afrique subsaharienne, à Addis-Abeba, à Luanda et à Brazzaville, en Amérique latine, à Bogota, à Panama et à Santiago du Chili, ou en Australie, à Canberra, ce sont des femmes qui sont à la manœuvre. Même au Vatican, c’est désormais un visage féminin qui représente le royaume, avec la juriste Raja Naji Mekkaoui – qui s’était fait connaître en étant la première femme à animer une causerie religieuse devant le roi pendant le ramadan en 2003. Certaines très discrètement, de manière traditionnelle. D’autres d’une façon plus visible ou en sortant des sentiers battus. Mais toutes œuvrent activement pour la défense des intérêts du Maroc, épaulées dans leur action par l’administration centrale. Au total, le ministère des Affaires étrangères marocain compte 57 % d’hommes et 43 % de femmes. Portraits de six ambassadrices marocaines parmi les plus en vue.

Nezha Alaoui M’hammdi, à Addis-Abeba

Femme de tête, intelligente, déterminée et efficace, Nezha Alaoui M’hammdi est très discrète dans les médias. Pourtant, celle qui est ambassadrice du Maroc en Éthiopie et à Djibouti depuis 2016 est un personnage clef de la diplomatie marocaine, pour laquelle elle a joué un rôle important au moment du retour du royaume au sein de l’Union africaine, en 2017. Mais aussi dans le renforcement des relations avec Addis-Abeba, terrain qui n’est pas historiquement proche du Maroc comme pourrait l’être le Sénégal ou le Gabon.

Cette ancienne ambassadrice du Maroc au Ghana, au Togo et au Bénin s’est beaucoup mobilisée en faveur d’une coopération plus fluide entre les deux pays, à travers notamment l’augmentation du nombre de vols pour faciliter les échanges. Ex-numéro 2 des Affaires africaines au ministère, et auparavant cheffe de service des relations Maroc-Parlement européen, cette experte de la négociation entrée au ministère en 1989 s’est formée en travaillant aux côtés de Taïeb Fassi Fihri, mais aussi de Youssef Amrani. Aujourd’hui, sa mission dépasse la simple diplomatie bilatérale. Dotée d’une expertise reconnue sur les questions africaines, celle qui est également chercheuse au Policy Center for the New South participe aux discussions sur les corridors économiques et la coopération Sud-Sud, où elle incarne la diplomatie proactive du Maroc sur le continent.

Zohour Alaoui, à Berlin

Petite fille du célèbre cadi Ben Driss Alaoui (cousin de Mohammed V), Zohour Alaoui est un pur produit des Affaires étrangères, dont elle a intériorisé les codes et les méthodes à travers une immersion précoce dans les cercles diplomatiques : fille de Moulay Driss Alaoui, proche d’Omar Bongo, qui fut ambassadeur du Maroc au Gabon pendant près de vingt ans, cette diplômée en droit public de l’Université Mohammed-V de Rabat et titulaire d’un Master of Arts in Liberal Studies de Georgetown University, a intégré le ministère en 1987. Elle y connaît une ascension rapide, dirigeant notamment la division de l’ONU et des organisations internationales. En 2006, cette femme de réseaux, mariée au PDG d’Intelcia, Karim Bernoussi, est nommée ambassadrice en Suède et en Lettonie, où elle renforce les liens bilatéraux et s’impose comme une interlocutrice incontournable sur les questions culturelles et économiques.

Sa fine connaissance des enjeux multilatéraux la mène ensuite, en 2011, à l’Unesco, où elle devient ambassadrice déléguée permanente du Maroc. Puis en 2018, à Berlin, où elle prend les rênes de l’une des ambassades les plus stratégiques du royaume en Europe. L’Allemagne, première puissance économique du continent, joue un rôle clé dans les relations Maroc-UE. Son arrivée intervient à un moment crucial, alors que Rabat et Berlin doivent renforcer leur coopération sur des dossiers sensibles tels que l’immigration, le climat et les échanges économiques.

Karima Benyaich à Madrid

Ambassadrice au style affirmé, Karima Benyaich est l’incarnation d’une diplomatie marocaine proactive, soucieuse de défendre les intérêts du royaume tout en consolidant les relations stratégiques avec ses partenaires européens. Depuis sa nomination en 2017 en tant qu’ambassadrice à Madrid, elle s’est imposée comme une figure centrale des relations diplomatiques entre les deux pays, mêlant fermeté et habileté dans un poste aussi prestigieux que délicat. Au cœur des tensions puis des rapprochements stratégiques entre les deux États, elle incarne une diplomatie marocaine plus affirmée et décomplexée.

Née à Tétouan en 1961, cette hispanophone, diplômée en sciences économiques de l’Université de Montréal, a grandi proche du sérail, après la mort de son père – médecin personnel du roi Hassan II – lors du coup d’État de Skhirat. De mère espagnole, elle s’est spécialisée dans le commerce et les finances internationales. Sa thèse portait sur l’incidence de l’intégration de l’Espagne et du Portugal dans la Communauté européenne sur l’économie marocaine. Ancienne directrice de la coopération culturelle et scientifique aux Affaires étrangères, elle est nommée ambassadrice au Portugal en 2008. Puis arrive à Madrid, dans un contexte de relations fluctuantes entre les deux pays.

Sa gestion de la crise diplomatique de 2021, née de l’accueil en Espagne du leader du Front Polisario, Brahim Ghali, a marqué les esprits. Ses déclarations parfois incisives – elle n’hésitait pas à dénoncer publiquement les décisions de Madrid perçues comme contraires aux intérêts marocains – lui ont valu le surnom de « Dame de fer » de la diplomatie marocaine. Membre du Comité Averroès, créé en 1996, pour promouvoir la coopération et l’entente entre les peuples espagnol et marocain, elle est également une cheville ouvrière du renforcement du partenariat stratégique entre Rabat et Madrid, notamment sur les questions migratoires, économiques et sécuritaires. Son rôle de médiatrice a permis de rétablir un dialogue constructif entre les deux royaumes, comme en témoigne la visite du président Pedro Sánchez à Rabat en 2022.

Samira Sitaïl, à Paris

Autre « Dame de fer » de la diplomatie marocaine, l’ancienne journaliste Samira Sitaïl, dont la nomination à Paris en octobre 2023 marque une volonté d’affirmation du soft power marocain en France, et de déplacer l’action diplomatique sur le terrain des médias. Depuis, cette personnalité que l’on dit proche du sérail s’est imposée comme une figure clé du rapprochement entre Rabat et Paris. Dotée d’un style direct et incisif, elle a été choisie par Mohammed VI au pic des turbulences entre les deux pays, et au lendemain du séisme d’Al Haouz en septembre 2023, moment où elle s’était distinguée par ses sorties télévisées musclées.

Dès son arrivée, elle adopte un ton offensif, posant des lignes rouges claires et exigeant de Paris un alignement plus explicite sur la marocanité du Sahara. Son approche, combinant fermeté et pragmatisme, s’est avérée efficace : en 2024, la France finit par reconnaître officiellement la souveraineté marocaine sur le territoire saharien, marquant une victoire diplomatique majeure pour Rabat.

Née en 1964 à Bourg-la-Reine, en région parisienne, Samira Sitaïl grandit au sein d’une famille marocaine immigrée en France. Diplômée de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et de l’École supérieure de réalisation audiovisuelle, elle fait ses débuts à la télévision marocaine dans les années 1990. Très vite, elle devient un visage incontournable de la chaîne 2M, qu’elle contribue à moderniser et professionnaliser en tant que directrice de l’information.

Contrairement aux diplomates traditionnels, Samira Sitaïl ne cherche pas à arrondir les angles. Sur les plateaux télévisés français, elle défend les intérêts du Maroc avec aplomb et ne mâche pas ses mots. Cette approche décomplexée tranche avec la diplomatie plus feutrée qui a longtemps caractérisé les relations entre les deux pays. Son influence dépasse le cadre politique : elle œuvre aussi pour renforcer le soft power marocain en France, en s’appuyant sur la diaspora et en développant des initiatives culturelles et économiques. Pragmatique et connectée aux réalités des médias, elle impose un style diplomatique nouveau, où la communication devient une arme stratégique à part entière.

Farida Loudaya, à Bogota

Depuis sa nomination en 2017 comme ambassadrice du Maroc en Colombie et en Équateur, Farida Loudaya s’est imposée comme une actrice clé du renforcement des relations diplomatiques entre Rabat et l’Amérique du Sud. Combinant habileté diplomatique et expertise stratégique, elle a su faire progresser les intérêts du royaume, notamment sur la question du Sahara marocain.

Diplômée de l’École nationale d’administration (ENA) et titulaire d’un certificat en sciences politiques de l’Université Mohammed-V de Rabat, Farida Loudaya intègre le ministère des Affaires étrangères en 1995. Spécialiste des relations Maroc-Union européenne, elle est affectée aux ambassades du royaume à La Haye, puis à Paris où elle collabore avec Fathallah Sijilmassi. Son retour au Maroc, en 1999, marque une nouvelle étape dans sa carrière : elle rejoint la direction de la coopération bilatérale pour les affaires américaines avant d’en prendre la tête en 2011.

Envoyée à Bogota en 2017, elle est chargée de renforcer les liens bilatéraux et d’accélérer la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Son travail de fond porte ses fruits en 2021, lorsque la Colombie étend ses services consulaires aux provinces du Sud, reconnaissant ainsi de facto la souveraineté marocaine. Elle mène également un travail de lobbying intense auprès des institutions académiques et politiques, réorientant le débat sur le Sahara marocain vers une approche économique et géopolitique pragmatique.

Au-delà du dossier saharien, Farida Loudaya œuvre à intensifier la coopération économique et culturelle entre le Maroc et la Colombie. Elle est à l’origine de plusieurs accords dans les secteurs de l’agriculture, des énergies renouvelables et de la recherche universitaire. Son approche s’appuie sur la diplomatie d’influence : en tissant des liens solides avec des décideurs économiques et intellectuels, elle redonne au Maroc un statut d’acteur clé en Amérique latine.

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Saâdia El Alaoui, à Luanda

Saâdia El Alaoui, nommée ambassadrice du Maroc en Angola en 2016, est une figure montante de la diplomatie marocaine en Afrique subsaharienne. Issue d’une famille sahraouie et diplômée en sciences politiques de l’Université Mohammed-V, elle s’est illustrée par son approche méthodique et sa fine compréhension des enjeux régionaux.

Avant son affectation à Luanda, elle a occupé le poste d’ambassadrice en Norvège et en Islande, où elle a été décorée de la croix de l’Ordre royal du mérite en reconnaissance de son travail diplomatique. Sa nomination en Angola s’inscrit dans la volonté du roi Mohammed VI de renforcer la présence marocaine en Afrique subsaharienne et d’affermir les relations avec un pays clé du continent.

Reconnue par ses pairs pour sa rigueur et sa capacité à structurer les relations bilatérales, elle a contribué à apaiser la position angolaise sur des dossiers sensibles comme la question du Sahara.

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