C’était il y a dix ans. Des milliers de Sahraouis avaient installé un campement à Gdeim Izik, près de Laâyoune au Sahara occidental. Ils protestaient contre les discriminations des autorités marocaines à leur encontre, tel un soubresaut avant-coureur des printemps arabes qui s’apprêtaient à déferler dans le monde arabo-musulman. Le Maroc est la puissance occupante de ce vaste territoire au statut non réglé depuis le départ des colons espagnols il y a 45 ans.
Le 8 novembre 2010, des affrontements violents eurent lieu lorsque les forces de l’ordre marocaines procédèrent sans ménagement au démantèlement du camp. Bilan : treize morts dont onze policiers marocains et plus de 300 arrestations. Vingt-cinq Sahraouis, militants politiques, défenseurs de droits humains, dits du « groupe de Gdeim Izik » furent condamnés à de lourdes peines par un tribunal militaire en février 2013. Dix-neuf d’entre eux, recondamnés par la cour d’appel de Rabat en 2017, croupissent toujours en prison.
« Des aveux obtenus sous la torture »
« Les condamnations ont toutes été prononcées sur la base d’aveux obtenus sous la torture, à l’issue d’un procès inique », accuse Bernadette Forhan, présidente de l’Acat. Le comité contre la torture des Nations Unies avait d’ailleurs condamné le Maroc en décembre 2016, pour les allégations de torture pendant l’arrestation, l’interrogatoire et la détention, pour les aveux signés sous la torture, pour l’absence d’enquête sur ces allégations, etc. concernant Naâma Asfari, le plus connu des détenus de Gdeim Izik, mari de la française Claude Mangin.
Et, en juillet 2017, ce fut au tour du groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire et aux rapporteurs spéciaux sur la torture, les droits de l’homme, l’indépendance des juges et des avocats et celui pour la liberté d’expression, de s’inquiéter du caractère arbitraire de la détention des prisonniers de Gdeim Izik.
Trente ans de mission de maintien de la paix
« Il ne s’agit ici rien de moins que de procès politiques », poursuit Bernadette Forhan. « Plutôt que de chercher les responsables de la mort des onze membres des forces de l’ordre, le régime marocain a fait le choix d’instrumentaliser ce procès pour poursuivre des militants et défenseurs sahraouis en raison de leurs engagements et activités », dénonce-t-elle.
Depuis la marche verte menée en 1975 par Hassan II pour revendiquer la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, le royaume n’a cessé d’étendre son emprise sur ce qu’il considère comme « ses provinces du Sud », en dépit d’une présence depuis 1991 d’une Mission de maintien de la paix des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), dont le mandat a été une fois encore renouvelé pour un an en octobre dernier.
16 représentations diplomatiques ouvertes au Sahara occidental
La « marocanité » du Sahara occidental ne souffre aucune contestation pour le royaume. Et depuis le retour du Maroc au sein de l’Union africaine en 2017, Rabat ne cesse d’engranger de nouveaux soutiens. Quinze États africains ont ouvert depuis lors, des représentations diplomatiques à Laâyoune ou dans le grand port de pêche de Dakhla plus au sud, même lorsqu’ils n’ont pas de ressortissants sur le territoire. Le 4 novembre, l’Arabie saoudite a été le premier État non africain à venir gonfler les rangs en inaugurant un consulat à Laâyoune.
Et alors que pour manifester leur colère, en ce dixième anniversaire, des militants sahraouis bloquent le poste frontière de Guerguerat avec la Mauritanie, coupant la route aux camions sur cet unique axe sud-nord.
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