La Dépêche | 6 septembre 2017
Propos recueillis par
Après avoir décroché le Prix Goncourt 2016, la journaliste et écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani publie Sexe et mensonges ce mercredi 6 septembre. Loin du roman, cet essai s'interroge sur la sexualité des Marocain(e)s. Entretien.
La version intégrale de cette interview a été publiée par notre partenaire Dîn Wa Dunia, dans le numéro d'été 21-22, en kiosque jusqu'à fin septembre 2017.
Vous publiez Sexe et mensonges, un livre-enquête sur la sexualité des Marocains. Pourquoi le choix de cette thématique?
Après la publication de mon premier roman, Dans le jardin de l’ogre,
je suis venue le présenter au Maroc. A cette occasion, j’ai rencontré
beaucoup de femmes, avec qui j’ai discuté longuement sur les questions
de sexualité. Leur discours m’a semblé à la fois très touchant,
très profond et très révélateur d’un certain état de la société. A
cette époque, le Maroc était secoué par de nombreuses affaires de
mœurs: le scandale "Much Loved", l’affaire des jeunes filles molestées
à Inzegane à cause de leurs jupes et, peu après, le lynchage d’un
travesti dans les rues de Fès. Je n’ai pas voulu écrire une enquête
sociologique, mais raconter comment j’avais vécu cette période à la
fois très violente et passionnante.
La présentation de votre livre-enquête semble faire le constat d’une féminité marocaine cantonnée à deux rôles: celui de la vierge ou de l’épouse. La réalité sociale marocaine n’est-elle pas bien plus complexe que cela?
Je défends exactement cette complexité. Je dis que c’est au regard
de la loi que les femmes marocaines sont reconnues soit comme des
vierges, soit comme des épouses, puisque la sexualité hors mariage est
interdite. On sait que l’âge moyen du mariage au Maroc est de 28 ans
et on ne peut pas nier qu’il y ait des femmes ayant vécu leur
sexualité avant cet âge-là. Ces dispositions législatives sont
complètement déconnectées des usages et de la réalité: ce sont les
lois d’un pays idéalisé qui n’existe pas, d’autant plus qu’il n’y a
pas que des vierges, des épouses et des femmes vivant leur
hétérosexualité hors-mariage, mais il y a aussi les homosexuels qui
vivent dans une totale clandestinité et dont les droits ne sont pas
reconnus.
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