Source : LesInfos.ma
26/06/2018
Après l'annonce des très attendus résultats du baccalauréat, la question de « l'après » se pose pour bon nombre de jeunes bacheliers. Ils rejoignent les rangs des universités et traînent durant leurs études supérieures des années de lacunes non comblées. Des enseignants des facultés de la capitale dénoncent un système scolaire en faillite, qui grève la formation et l'enseignement au Maroc.
187.138 candidats au baccalauréat ont obtenu le précieux sésame ! Un
diplôme décroché, en juin 2018, par plus de 57% des inscrits du secteur
privé et public. Le taux de réussite est remarquable, s'enthousiasme le
ministère de l’Éducation nationale, qui souligne l'amélioration de 7
points par rapport à l'année précédente (50,28%). Cette année encore
certains brillants éléments se sont notamment distingués en obtenant des
moyennes records (19,44 !) lors de cet examen. Les félicitations sont
manifestement de rigueurs ! Pour autant, certaines voix s'élèvent et
questionnent la qualité et le bien-fondé de ces formations...
A Rabat, de nombreux professeurs universitaires dénoncent un effet
boule de neige et déplorent le niveau des jeunes fraîchement diplômés.
« Le niveau est désastreux !», s'indigne le professeur S. Fort de plus
d'une trentaine d'années d'expériences et d'enseignement dans une
filière scientifique, l'universitaire explique avoir assisté à une chute
vertigineuse et regrettable du niveau de l'enseignement. « Mes
étudiants d'aujourd'hui seraient tout bonnement incapables de traiter
les sujets que je donnais à leurs homologues dans les années 1980 »,
assène-t-il. Un très grand nombre de jeunes bacheliers des filières
scientifiques, particulièrement prisées, manque des bases les plus
élémentaires, avance l'un de ses confrères, le professeur M. Ce dernier
relève régulièrement « les perles » de ces étudiants en première année,
car « il préfère en rire », avoue-t-il gêné, à défaut d'en pleurer... Il
reconnaît néanmoins que la situation reste critique et s'interroge,
comme son homologue, sur le parcours de ces jeunes étudiants. « Comment
ont-ils fait pour obtenir leur bac ? Pour passer de classes en classes,
sans avoir valider ces acquis de base ?! », déplorent les professeurs,
qui y voient une faille majeure et symptomatique d'un système scolaire
en perdition.
Une habitude bien ancrée
L'un des éléments de réponse a été formulé personnellement par l'un des
étudiants du professeur S. Pris la main dans le sac lors d'un examen,
ce dernier, l'air contrit, s'excuse auprès de son enseignant : «
Désolé, mais c'est comme ça qu'on a toujours fait... Nous avons passé
notre scolarité à tricher », reconnaît l'étudiant. Un aveu de faiblesse
qui se vérifie dans de nombreux cas de figures, déclarent les
enseignants dépassés. Pour ces universitaires, ce fléau connaît des
origines multiples, imputables aux « différents camps » : des étudiants
désinvoltes ou au contraire soumis à de trop fortes pressions et qui
« n'étudient que pour les notes », un corps professoral dénué de moyens
ou démissionnaire qui « exerce cette formation sans conviction ni - dans
certains cas -, compétences » ainsi que des administrations scolaires
qui louent la culture du classement et sacrifient la qualité de
l'enseignement sur l'autel de la performance et concurrence entre les
établissements scolaires.
Si le ministère de l’Éducation nationale déploie sans cesse de nouveaux
dispositifs techniques, humains ou légaux pour lutter contre la fraude
lors de l'examen du baccalauréat, ce phénomène semble rester néanmoins
ancré dans les modalités de fonctionnement d'un trop grand nombre
d'étudiants, agissant devant des enseignants désabusés... Cette année
encore, 1267 cas de fraudes ont été enregistrés, soit un recul de près
de 20% par rapport à l'année précédente, avance un Mustapha Khalfi,
ravi. Toutefois, combattre la triche à la dernière étape du parcours
secondaire consiste à regarder le problème par le petit bout de la
lorgnette. Pour le Professeur S, il n'y a pas de « discontinuité » et
l'école autant que l'université ne pas des « îles désertes ». En
tolérant ces failles, nous creusons chaque jour les sillons d'une
société à plusieurs vitesses et mettons indiscutablement des bâtons dans
les roues de ce développement auquel le Maroc aspire tant...
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