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lundi 8 avril 2019

REPORTAGE. Les réfugiés du Sahara occidental, entre espoir et impatience


Peu à peu les habitations en terre ont remplacé les tentes dans les camps de réfugiés sahraouis.


Peu à peu les habitations en terre ont remplacé les tentes dans les camps de réfugiés sahraouis. |  
 
 
OUEST-FRANCE
Après 43 ans, les Sahraouis exilés dans des camps près de la ville de Tindouf, en Algérie, se prennent à espérer un retour dans les territoires « occupés » par le Maroc. Mais malgré la reprise des négociations entre le royaume et le Front Polisario, les 21 et 22 mars en Suisse, malgré l’optimisme affiché par les négociateurs, la jeune génération s’impatiente. Elle se dit prête à reprendre les armes en cas de nouvelle déception.
Circulant entre les blindés capturés aux forces marocaines, Addou El Hadj, ancien combattant et conservateur du Musée national de la résistance sahraouie à Rabouni, près de Tindouf (Algérie), oscille entre consternation et fierté.
Consternation devant les armes et les méthodes employées pour réduire son peuple au silence entre 1975 et 1991. Et fierté devant l’arsenal que celui-ci, « entré dans le conflit avec quelques chameaux », a saisi et retourné contre l’ennemi pendant les années de guerre.
Quarante-trois ans de conflit en quelques dates. | OUEST-FRANCE
Plus de 25 ans ont passé depuis le cessez-le-feu de 1991, la partition du Sahara occidental par un mur de 2 700 km à travers le désert et l’installation d’une mission des Nations unies censée organiser un référendum d’autodétermination. Mission qui a échoué, de l’aveu même de son représentant à l’est du mur, le Palestinien Youssef Jedian, « en raison des obstacles posés par l’une des parties ».

180 000 réfugiés au milieu du désert

Malgré tout, depuis quelques mois, les signes d’une décrispation apparaissent. « La Commission des droits de l’homme des Nations unies à Genève a condamné le Maroc pour faits de torture », rappelle Abba Salek El Hassan, le président de la Commission nationale des droits de l’homme sahraouie.
Brahim Ghali, secrétaire général du Front Polisario et président de la République arabe sahraouie démocratique. | OUEST-FRANCE
« Et on a vu notre président Brahim Ghali aux côtés d’Emmanuel Macron et du roi du Maroc au dernier sommet Union africaine - Union européenne à Abidjan », ajoute le ministre des affaires étrangères de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Mohamed Salem Salek.
En décembre, des négociations ont ainsi pu reprendre sous l’égide de l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental. L’ancien président allemand Horst Kölher a organisé un deuxième round de discussions en Suisse, les 21 et 22 mars. Il espère bien réussir là où plusieurs de ses prédécesseurs ont échoué : trouver une issue à un différend qui maintient près de 180 000 réfugiés au milieu du désert depuis plus de 40 ans.

« Spoliation des ressources naturelles »

La pression est plus forte que jamais car après les options militaires et diplomatiques, le Front Polisario porte désormais sa lutte sur le terrain juridique et économique.

 De récents arrêts de la cour de justice de l’Union européenne reconnaissent ainsi que les accords commerciaux entre l’Union et le Maroc ne peuvent s’appliquer au territoire du Sahara occidental. Mettant les États membres et les entreprises européennes face à de possibles actions.
« Deux options sont à présent sur la table, explique Youssef Jedian : un statut d’autonomie au sein du royaume chérifien – la proposition marocaine – ou un processus d’autodétermination conforme aux résolutions des Nations unies datant de 1965 et 1966 – la revendication du Front Polisario. »


En janvier, le Maroc a libéré dix étudiants sahraouis condamnés à des peines de trois ans de prison. | OUEST-FRANCE
Le ministre des Territoires occupés, Bachir Mustapha Sayed, qui prend la parole assis à même le sol dans son salon, espère aussi des gestes de bonne volonté. Il évoque la libération des détenus politiques, la mise en place d’observateurs des droits de l’homme ou la fin de la « spoliation des ressources naturelles ».

27 années de lutte pacifique

En attendant, les habitants des cinq camps répartis sur une centaine de kilomètres au sud-est de Tindouf continuent de vivre dans des conditions « très, très difficiles ». Selon le président du Croissant rouge sahraoui, Bouhbeini Yahia, les rations d’eau et de produits frais sont très inférieures aux besoins. « 10 litres au lieu de 20 litres pour l’eau potable et 2 kg de fruits et légumes par personnes et par mois quand la norme d’urgence de l’OMS est de 10 kg. »
Sans possibilité de développer une agriculture, à part l’élevage de quelques chèvres et chameaux, sans perspectives d’emploi malgré une scolarisation jusqu’à l’âge de 17 ans, et toujours à la merci d’événements climatiques comme les inondations qui ont ravagé les maisons en 2015, les dizaines de milliers de jeunes nés dans ces camps commencent à s’impatienter.
Des dizaines de blindés s'alignent comme des trophées au Musée national de la résistance sahraouie. | OUEST-FRANCE
Comme Addou El Hadj, ils oscillent entre consternation et fierté. Fierté d’appartenir à « un peuple pacifique qui lutte sans violence pour sa libération depuis 27 ans », mais consternation et doute devant l’inefficacité de la méthode de leurs aînés. Alors qu’ils prennent peu à peu leur place dans les organisations de la RASD et de son parti unique, le Front Polisario, la très grande majorité d’entre eux se dit prête à reprendre les armes si une solution politique n’est pas trouvée rapidement.


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