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dimanche 8 novembre 2020

Sahara occidental occupé : Gdeim Izik, 10 ans déjà

Maroc / Sahara Occidental : Prisonniers de Gdeim Izik : Déjà 10 ans de détention arbitraire

Le 8 novembre 2020, 19 des militants sahraouis arrêtés à la suite du démantèlement du campement de Gdeim Izik auront passé dix années en prison. Une détention arbitraire, prononcée suite à un procès inéquitable et des allégations de torture. L’ACAT et l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (partenariat FIDH-OMCT) demandent leur libération, ainsi que des enquêtes indépendantes sur les allégations de tortures subies.

Il y a 10 ans, le 8 novembre 2010, les autorités marocaines démantèlent par la force le camp de Gdeim Izik, situé au Sahara Occidental, au sud de la ville de Laâyoune. A l’époque, 20 000 sahraouis s’y sont installés de manière temporaire, dans une mobilisation destinée à protester contre les discriminations dont les Sahraouis s’estiment victimes de la part du gouvernement marocain. Le 8 novembre, les forces de sécurité marocaines évacuent le camp de force. Des affrontements meurtriers éclatent dans le camp puis dans la ville de Laâyoune, entre forces de l’ordre et manifestants sahraouis, dans lesquels treize personnes, onze agents des forces de sécurité marocaines et deux militants sahraouis trouvent la mort.

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Parmi les centaines de manifestants arrêtés, 25 militants politiques ainsi que des défenseurs des droits sahraouis, considérés comme les meneurs du camp de protestation, sont accusés du meurtre des policiers.

Ainsi, le militant Naâma Asfari est arrêté dès le 7 novembre, la veille du démantèlement, passé à tabac et mis au secret. Vingt-deux autres prisonniers auraient été soumis pendant leur garde à vue à divers actes de torture et de traitements inhumains et dégradants, dont des violences sexuelles, des menaces, des coups répétés, des privations d’eau et nourriture, avant d’être forcés à signer des aveux sous la contrainte pour les crimes dont ils sont accusés. Le Comité Contre la Torture des Nations Unies a confirmé ces violations et condamné le Maroc dans ce contexte dans l’affaire Asfari en 2016.

Malgré la décision du CAT, les autorités marocaines ont toujours refusé de mener des enquêtes indépendantes sur ces allégations, ainsi que l’exclusion des informations obtenues en violation de la Convention Contre la Torture, comme exigé par le CAT. De plus, les détenus ont été transférés dans des prisons en dehors du Sahara Occidental, ce qui rend difficile les visites de leurs familles et est contraire au droit international humanitaire.

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Gdeim Izik : Le droit à la colère

La colère qui a permis de poser les termes du conflit

par Naâma Asfari à la prison de Kénitra, le 28 octobre 2020

Dans le célèbre passage de « La phénoménologie de l’esprit » qui est la dialectique de la maitrise et de la servitude, Hegel décrit le conflit entre deux individus menant à l’asservissement du plus faible. Je perçois d’abord l’autre comme une menace pour mon identité. S’engage alors une lutte à mort pour la reconnaissance à la suite de laquelle, le dominé reconnaît la supériorité du dominant. Mais cette relation n’est pas figée. Le dominant a en effet besoin du dominé pour être reconnu en tant que maître. En ce sens, il n’est pas autonome. Le dominé accède quant à lui à la reconnaissance de lui même à travers son travail qui lui permet de façonner son identité, niée d’abord par le dominant.

Aujourd’hui, on peut déchiffrer la lutte du peuple sahraoui dans les Territoires occupés à cette lumière. On peut lire au prisme de cette dialectique du dominant/dominé le mouvement de la résistance sahraouie, et faire la lumière sur l’évènement Gdeim Izik en 2010, moment historique dans le combat pacifique du peuple sahraoui. Pourquoi Gdeim Izik exprime-t-il une colère du peuple ? La colère, ce grand refoulé des trois dernières décennies « ni guerre, ni paix » revient au premier plan aujourd’hui avec ce qui se passe à Guerguerat depuis le 20 octobre 2020, une manifestation pacifique organisée par des civils venus des Campements de réfugiés sahraouis de Tindouf et des Territoires libérés pour célébrer Gdeim Izik et contester la présence négative de la MINURSO-Mission des Nations Unies pour l’Organisation du Référendum d’autodétermination pour le Sahara Occidental.

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La résistance sahraouie à Gdeim Izik :  10ème anniversaire

Interview de  Claude Mangin*

Billets d’Afrique n°301, octobre 2020
Mensuel d’information sur la Françafrique édité par l’association Survie

*Épouse de Naâma Asfari, défenseur des droits humains, militant pour l’autodétermination du peuple sahraoui en prison au Maroc depuis 10 ans.

Vous militez depuis longtemps aux côtés des Sahraouis, le référendum d’autodétermination du peuple sahraoui est-il toujours d’actualité ?

En 1975, l’Espagne puissance coloniale qui occupe le  Rio de Oro depuis 1885 se retire du Sahara occidental, territoire non autonome inscrit parmi les territoires à décoloniser de l’ONU depuis 1963.

Contrairement à la parole donnée au Polisario, le Mouvement de libération du peuple sahraoui reconnu par la Communauté internationale, l’Espagne est remplacée par le Maroc suite à la fameuse Marche Verte, laissant le processus de décolonisation inachevé jusqu’à ce jour. Une puissance coloniale en remplace une autre. Cette marche, loin d’être pacifique, est précédée par l’armée marocaine qui massacre un nombre indéterminé de camps de nomades. Cette invasion soutenue par l’aviation française fait des milliers de victimes civiles par l’utilisation de bombes au phosphore. On parle d’un véritable génocide qui fait disparaitre le 1/4 de la population .

Elle marque le début d’une guerre dominée  par l’Armée de Libération Nationale qui connait bien le terrain et qui va durer jusqu’au cessez-le feu de 1991. Celui-ci est signé par le Maroc et le Polisario sous les auspices de l’ONU, avec l’engagement du Maroc d’organiser un référendum d’autodétermination qui n’a toujours pas été honoré.

Chaque année, depuis 1991, le Conseil de Sécurité prolonge le mandat de la MINURSO, Mission des Nations Unies pour l’organisation du référendum d’auto-détermination, mais ne se donne pas les moyens d’obliger le Maroc à l’organiser.

L’État français a souvent soutenu l’État marocain, y compris au niveau européen, est-ce toujours le cas en 2020 ?

L’État français sous tous les gouvernements se rend complice du Maroc et lui apporte tout son soutien au Conseil de sécurité par exemple en menaçant de mettre son véto si le mandat de la  MINURSO était élargi à la surveillance des droits de l’homme. Le dernier envoyé spécial du SG de l’ONU pour le SO, Horst Kohler, ex président allemand qui a réussi en 2018 a organisé 2 tables rondes réunissant le Maroc et le Polisario, ce qui n’était pas arrivé depuis 2012, n’a même pas été reçu par Mr Macron. Au niveau de l’UE, la France a fait appel quand la Cour Européenne de Justice par deux fois en 2016 et en 2018 condamne les accords Maroc-UE pour l’agriculture et la pêche car ils incluaient le Sahara occidental. Le lobbying marocain en France et en Europe est extrêmement puissant relayé par nombre de personnalités politiques, de journalistes, du showbiz et du monde des entreprises accueillis à bras ouvert au Maroc. Les services marocains détiennent des dossiers compromettants contre certains qui deviennent leurs obligés. L’image du Maroc en France est très soignée depuis 1999 début du règne de Mohammed VI. Aucune action en France, comme c’était le cas sous Hassan II, pour dénoncer le millier de prisonniers d’opinion du RIF ou l’emprisonnement de journalistes ni pour relayer les dénonciations des Mouvements marocains des droits de l’homme qui du fait de ce lobbying sont inaudibles. A fortiori, l’occupation du Sahara occidental est complètement absente de la presse française (sauf La Croix et L’Humanité) et d’émissions télévisées où des documentaires parlent des « Provinces du Sud » intégrées au Maroc.

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