Longtemps la peur a bien gardé le secret. On ne parlait pas de Tazmamart, cette prison secrète de la mort où, en 1973, le roi Hassan II avait fait enfermer, pour l'exemple, 58 officiers et sous-officiers militaires pour qu'ils meurent à petit feu, pour tenir un peuple en respect au bout de la terreur. 28 en sont sortis 18 ans plus tard.
Les prisonniers étaient enfermés 24 heures sur 24 dans des cellules étroites, sans lumière, avec peu de protection contre la chaleur ou le froid. L'un d'eux, Ahmed Marzouki, raconte, dans son livre "Tazmamart Cellule 10", ses 6 550 jours dans une cellule de béton, trois mètres de long sur deux et demi de large, avec un trou d'évacuation «pour nos besoins» et dix-sept petits orifices dans le mur pour ne pas étouffer dans le noir total. Il ne laisse rien de côté, ni l'invasion des insectes qui «transformaient le corps en une immense plaie»; ni les cheveux, barbes et ongles qu'ils ne peuvent couper et les transforment en «fantômes errants dans des grottes préhistoriques»; ni les conflits «dans cette jungle où beaucoup luttaient chacun pour soi»; ni les trois gardiens (sur quinze) qui faisaient entrer les médicaments et sortir les appels au secours. «Nous pouvions nous entendre mourir les uns après les autres», raconte Marzouki. Mohamed Chemsi succomba le premier, au bout de six mois. «Il commença à se cogner contre la porte de fer de sa cellule en appelant d'une voix désespérée Meriem, sa fille qu'il adorait».
35 corps reposent toujours sous une couche de chaux vive dans un coin du bagne, soit plus de la moitié des personnes incarcérées à Tazmamart durant les dix-huit ans d'existence de la prison.
Dans les années 1980, des rumeurs émergent sur l'existence d'une prison appelée Tazmamart. Les autorités marocaines (Makhzen) nièrent l'ensemble de ces allégations. Il fallut attendre la publication du livre "Notre ami le roi" par le journaliste français, Gilles Perrault en 1990 pour que le sujet atteigne un niveau politique.
En 1991, sous la pression de organisations internationales de défense des droits de l'Homme, le roi Hassan II fût contraint de fermer la prison et de relâcher les derniers détenus.
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