Olivier Caslin et Jeanne Le Bihan, Jeune Afrique, 14/2/2025
Après s’être opposés lors de l’élection des responsables siégeant à la Commission paix et sécurité, Rabat et Alger vont à nouveau se retrouver face à face, samedi 15 février, pour la désignation de la nouvelle vice-présidente, représentant l’Afrique du Nord à la Commission. Les deux capitales ont mis tout leur poids dans la balance.
Les tensions entre les deux voisins ne se sont pas fait attendre très longtemps puisqu’elles ont éclaté dès l’ouverture du sommet, le 12 février. Dans le cadre de la 46e session ordinaire du Conseil exécutif de l’UA, les ministres des Affaires étrangères des pays membres devaient élire, le soir même, à bulletins secrets, les six nouveaux commissaires pour les quatre prochaines années. Selon le principe de rotation cher à l’UA, l’Algérie et le Maroc étaient en effet en lice pour l’un des deux sièges (sur quinze) réservés à l’Afrique du Nord au sein de la Commission paix et sécurité (CPS), au côté de l’Égypte. Arrivé au terme des trois ans de son mandat, le Maroc visait une réélection, face à la Libye et à l’Algérie qui, de son côté, cherchait à réintégrer cette instance exécutive de l’UA dans laquelle elle siégeait jusqu’en 2021.
Un match nul qui n’arrange personne
Après l’élimination de la Libye au troisième tour, l’Algérie remportait ensuite assez largement les scrutins suivants, provoquant même la sortie du Maroc au sixième tour, en recueillant 30 votes contre 17 pour son adversaire. Ne restait plus pour Alger qu’à obtenir, au round suivant, les deux tiers des suffrages des pays votants pour faire son retour à la CPS. Las, en captant seulement 32 voix sur les 33 nécessaires – suite notamment à l’abstention de 15 pays, tandis que deux autres préféraient ne pas participer à ce scrutin décisif – l’Algérie échouait dans sa quête. Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, quittait alors l’hémicycle, furieux.
Trois candidates au CV impeccable
Cette passe d’armes préfigure, pour beaucoup d’observateurs, ce qui pourrait à nouveau arriver, samedi 15 février, au moment d’élire la vice-présidente de la Commission de l’UA qui, là encore, pour des raisons de rotation géographique, reviendra à l’Afrique du Nord. Pour succéder à la Rwandaise Monique Nsanzabaganwa, trois femmes vont s’affronter, l’Algérienne Selma Malika Haddadi, la Marocaine Latifa Akharbach et l’Égyptienne Hanan Morsy. La première est bien connue à Addis-Abeba, puisqu’elle est ambassadrice de son pays en Éthiopie, tout en étant représentante permanente auprès de l’UA. La deuxième, également diplomate, a occupé le poste de vice-ministre des Affaires étrangères du Maroc, avant de présider la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA).
Les deux pays ont mené ces derniers mois une campagne intense, chacun avançant ses arguments : pour l’Algérie, les qualités intrinsèques de sa candidate, qui, de plus, connaît parfaitement les rouages de l’UA, où elle semble être très appréciée ; pour le Maroc, l’expérience de la sienne, ancienne ambassadrice et ex-secrétaire d’État, ainsi que le fait de n’avoir obtenu, depuis sa réintégration en 2017 dans l’organisation panafricaine, aucun poste de haute responsabilité. « Si ce n’est la fonction de directeur-général de la Commission de l’UA, occupé depuis 2021 par le Marocain Fathallah Sijilmassi », rappelle un diplomate.
Pour éviter tout nouveau blocage, les représentants des pays membres pourraient bien choisir de porter leur voix sur Hanan Morsy. Comme ses deux adversaires, l’Égyptienne présente un curriculum-vitae impeccable, elle qui a occupé de hautes responsabilités dans diverses organisations internationales, du FMI à la Banque mondiale, en passant par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA).
Elle vient également de démontrer son sens de la diplomatie. Hanan Morsy semble avoir en effet été invitée par l’administration panafricaine à assister au petit déjeuner, organisé le 14 février par la présidence tournante du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (Maep), occupée depuis février 2024 par le chef de l’État algérien, Abdelmadjid Tebboune, venu tout exceptionnellement à Addis-Abeba pour supporter la candidature de sa compatriote. Plutôt que de risquer de provoquer un éventuel incident diplomatique, la prétendante égyptienne a donc rapidement fait savoir que son emploi du temps ne lui permettait pas d’assister à l’événement.
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