Source : Lesinfos.ma
13/04/2018
Bien qu’aucune exécution n’ait été enregistrée depuis 25 ans au Maroc, le Royaume refuse de rendre officielle l’abolition de la peine de mort, se classant ainsi parmi les maillons faibles d’une Afrique en mutation en termes de droits humains et de droit à la vie plus spécifiquement. Détails.
Le
rapport d’Amnesty International sur l’application de la peine de mort
dans le monde vient de paraître. Si l’Afrique subsaharienne est perçue
comme une « lueur d’espoir » par l’organisation internationale, du côté
de l’Afrique du Nord et plus particulièrement du Maroc, les choses
semblent se compliquer.
En effet, l’Afrique subsaharienne a réalisé d’importantes avancées avec une diminution nette du nombre de sentences capitales prononcées dans la région, pendant qu’en Afrique du Nord la tendance serait plutôt à la hausse.
En effet, l’Afrique subsaharienne a réalisé d’importantes avancées avec une diminution nette du nombre de sentences capitales prononcées dans la région, pendant qu’en Afrique du Nord la tendance serait plutôt à la hausse.
La Guinée, à titre d’exemple, est devenue le
vingtième État de la région à avoir aboli la peine capitale et ce, pour
tous les crimes. Le Kenya lui emboîte le pas en supprimant le recours
obligatoire à la peine capitale en cas de meurtre. Le Burkina Faso et le
Tchad pourront aussi rejoindre le classement. Et pour cause, des
projets de lois ayant été déposés dans ce sens pour supprimer cette
sentence. « Du fait des progrès enregistrés en Afrique subsaharienne,
cette région continue de représenter une source d’espoir en ce qui
concerne l’abolition. Les dirigeants de certains pays de la région ont
pris des mesures qui permettent d’espérer que le châtiment le plus
cruel, inhumain et dégradant qui soit, sera prochainement aboli », a
déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty international.
Le Maroc, hésitant certes mais pas uniquement !
L’Afrique
du Nord de son côté, et plus spécifiquement le Maroc, reste à la traîne
en refusant d’officialiser sa position contre cette sentence, qui n’a
pourtant pas été appliquée depuis 25 ans, mais qui reste toutefois
prononcée dans les tribunaux du Royaume en se basant sur le code pénal
en vigueur. D’ailleurs, le mois dernier, la Chambre criminelle de
première instance près de la Cour d’appel de Rabat a condamné à la peine
capitale un accusé poursuivi pour homicide volontaire et mutilation de
cadavre. En 2017, plus de 95 personnes auraient été condamnées à mort au
Maroc. Bien que les chiffres ne soient pas officiels, les autorités
ayant « omis » de les transmettre à l’organisation internationale, ils
illustrent l’hésitation du Royaume à franchir le pas et à abolir
définitivement la peine capitale. Cette hésitation n’est pas anodine. Le
Maroc semble vouloir garder « sous le coude » cette peine, surtout dans
un contexte où les protestations sociales secouent le pays. De plus,
plusieurs officiels ne semblent pas « motivés » par l’abolition, à
l’instar de El Mostapha Ramid – Ministre d’Etat chargé des Droits de
l’Homme – qui, paradoxalement, fait partie des opposants les plus
farouches à l'abolitionnisme. « Comme énoncé dans nombre de conventions
internationales et régionales, le principe du droit à la vie n’est
nullement en contradiction avec la peine de mort, mais il est soumis à
des règles et des conditions », expliquait-il notamment lors d’un débat
pour le moins houleux devant la chambre des Conseillers. En d’autres
termes, bien que la Constitution insiste sur le droit à la vie, pour le
Ministre du parti de la lampe, la peine de mort n’en serait pas une
contradiction mais une variante indéfectible.
Promesses non respectées
En
2016, le Maroc s’était abstenu pour la sixième fois, lors du vote pour
un moratoire universel sur les exécutions, pendant que ses voisins,
l’Algérie et la Tunisie, l’avaient soutenu. Pourtant, en 2012, le pays
avait officiellement accepté plusieurs recommandations des Nations Unies
qui n’ont pas été respectées au final. Ainsi, le Royaume s’engageait à
reconsidérer sa position sur la peine de mort en ratifiant le deuxième
protocole facultatif du pacte international relatif aux droits civiques
et politiques, chose qui n’a toujours pas été faite six ans plus tard,
malgré les appels du pied de plusieurs associations abolitionnistes. En
2014, le Parlement n’a finalement pas adopté les propositions de loi du
parti de l’USFP visant à supprimer la peine capitale.
Non
seulement le Maroc fait la sourde oreille et ne respecte pas ses
engagements sur le papier, mais le nombre de détenus dans les couloirs
de la mort des prisons de Kénitra et de Meknès, spécifiquement, continue
à croître. Plusieurs organisations internationales dénoncent par
ailleurs les conditions de détention et l’incertitude inhumaine dans
laquelle sont enfermés ces prisonniers qui vivent chaque jour avec la
certitude que c’est le dernier. En campant sur sa position, le Maroc
risque, au même titre que les pays qui refusent de franchir un cap
essentiel en matière de respect de droits humains, de se retrouver isolé
dans un continent où l’abolition est de plus en plus normalisée.
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