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mardi 13 février 2018

Interview – L’eurodéputé Miguel Viegas : «Le Maroc a une influence sur l’UE»


Viegas Maroc
L'eurodéputé Miguel Viegas mène une bataille contre la désinfiromation. D. R.
L’avocat du Front Polisario près la Cour européenne de justice, Gilles Devers, soupçonne la Commission européenne de chercher le moyen d’intégrer les produits du Sahara Occidental dans les accords UE-Maroc, actuellement en discussion sans le consentement du peuple sahraoui. Avez-vous connaissance d’un tel complot ?

Miguel Viegas : Oui mais seulement par la presse et par nos amis sahraouis qui nous ont alerté sur cette situation. Nous avons déjà interpellé la Commission européenne sur ce sujet en exigeant la divulgation publique du mandat sur la renégociation de l’accord d’association entre le Maroc et l’UE qui continue en secret.

Qui en Europe cherche à spolier le peuple sahraoui de ses ressources ? Autrement dit, l’Europe peut-elle encore cautionner la colonisation par le Maroc du Sahara Occidental ?
Le Maroc a une grande influence au sein de l’Union européenne. Beaucoup de députés ignorent complètement l’enjeu du Sahara Occidental et son occupation illégale. Notre devoir – et c’est ce que nous faisons – est d’interpeller le plus grand nombre de députés du Parlement européen et leur faire part des faits, de l’histoire et des résolutions des Nations unies. C’est l’objectif de l’intergroupe du Sahara Occidental qui réunit des dizaines de députés de plusieurs pays et de divers groupes politiques. Il faut faire basculer le rapport de force qui, aujourd’hui, est favorable au Maroc. Il faut donc mener cette bataille contre la désinformation.

Comment une telle forfaiture est-elle possible sur un continent qui fait des droits de l’Homme l’un de ses principaux leitmotivs ? L’Union européenne est-elle un ensemble néocolonialiste ?
Nous savons parfaitement que pour cette UE, le respect des droits de l’Homme est une notion toute à fait relative qui se plie souvent devant ses intérêts économiques et politiques. Nous voyons cela dans la politique de migration ou dans le Fonds européen d’action externe qui est un instrument créé au service et dans l’intérêt des multinationales. Il faut donc mobiliser aussi l’opinion publique pour faire pression sur le pouvoir politique. Au Portugal, l’exemple de Timor prouve l’importance de l’opinion publique internationale qui a dénoncé pendant des années l’occupation de l’Indonésie et le piétinement de tous les droits du peuple de Timor oriental, aujourd’hui indépendant depuis 2002.

Que fait particulièrement le groupe auquel vous appartenez pour permettre à la cause sahraouie d’enregistrer des percées significatives au sein de l’Union européenne et de rendre justice au peuple sahraoui ?
Nous travaillons de pair avec le représentant légitime du peuple sahraoui, le Front Polisario. Cet aspect est très important parce que nous estimons que l’Union européenne devrait en faire de même, notamment quand il s’agit de négocier les ressources du Sahara Occidental. En collaboration avec le gouvernement sahraoui, nous dénonçons toutes les illégalités commises par le gouvernement du Maroc ainsi que toute la répression commise contre le peuple martyrisé des territoires occupés. Nous exigeons une renégociation sérieuse de l’accord d’association UE-Maroc, dans le cadre d’une lutte plus vaste qui devra aboutir, tôt ou tard, à la reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique.

L’Union africaine vient de sommer le Maroc de s’engager dans des pourparlers sérieux avec le Sahara Occidental pour la tenue d’un référendum et mettre fin à sa colonisation. La RASD a déclaré qu’elle est prête mais pas le Maroc, qui a émis des réserves, comme à l’accoutumée. Quel serait, selon vous, le scénario probable dans le cas où le Maroc refuserait de se plier à la décision de l’UA ?
Sur la pression économique et diplomatique de la part de l’Union européenne pourra mener le Maroc à négocier une solution politique. Nous sommes convaincus que ni le Maroc ni l’UE ne veulent la confrontation. J’ajoute aussi que les peuples sahraoui et marocain aspirent certainement à une paix juste et durable qui permette aux deux Etats de vivre ensemble en toute harmonie.
Propos recueillis par Sadek Sahraoui

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