Un mal français : entre le mal logement et les treize-mille morts de la rue
Se résigner au mal-logement ou mourir de froid et de misère
dans l’un des six pays les plus riches du monde. Trois rapports
implacables sur la triste situation française.
La Fondation Abbé Pierre vient de publier son 23e rapport sur le mal-logement. Comme
dans chaque édition, elle met l’accent sur un aspect du mal-logement.
Cette année c’est le surpeuplement qui fait l’objet de son attention.
Huit millions de personnes vivent dans des logements surpeuplés. Et il
faut préciser que le chiffre, lenteur de la production de données
fiables, date de 2013.
Le collectif Les morts de la rue a publié son rapport
en novembre dernier. Le collectif estime à treize mille le nombre de
personnes mortes dans la rue entre 2012 et 2016. En 2017 Cristina, âgée
de six semaines, a été la plus jeune à mourir dans la rue. Sur cette
liste elle est en compagnie d’une femme âgée de quatre-vingt-un ans.
Si tu manques de temps pour lire les cent-cinquante pages de ce rapport, un article techno fait le résumé en une page de la seule partie statistique.
L’ONPE, Observatoire national de la précarité énergétique, a publié un rapport sur son domaine de compétence. Ce n’est pas tout récent et les chiffres sont basés là-aussi sur le travail statistique de l’INSEE de 2013.
Si tu manques de temps pour lire les trente-cinq pages de ce rapport
réfrigérant, tu liras cet entretien d’une page qui donne LE chiffre à
retenir. Douze millions de personnes vivent dans la précarité énergétique :
« Quand il fait froid chez soi parce qu’on
n’a pas les moyens de payer, on n’est pas en situation de confort. On
n’est pas bien dans son logement. Il y a des impacts sur la santé. On
observe que chez ces ménages, il y a en moyenne 15% de plus de personnes
qui souffrent de migraines, d’anxiété, de dépression et de bronchites
chroniques. Il y a aussi quatre fois plus de symptômes de sifflement
respiratoire chez les enfants. »
Mets le nez dehors cette nuit et imagine que nous ayons quelques
semaines très froides. Tu songeras à raison aux personnes sans abri. On
estime que ce nombre se situe entre cent-cinquante et trois-cent-mille
selon la méthode de comptage. On s’accorde sur un chiffre supérieur à
cent-cinquante mille pour ceux qui sont complètement à la rue. Mais il
faut y ajouter ceux qui habitent un “logement non conventionnel”,
cabane, caravane ou camion, garage, entrepôt ou autre toit aussi
récupéré qu’inadapté. Les personnes vivant dans des bidonvilles sont
pour leur part de vingt mille à cinquante mille selon les estimations.
En janvier 1985 la température dans le département océanique où
j’habitais alors est restée stable à moins 20°C durant trois semaines.
Aujourd’hui plus d’un million de ménages ne se chauffent pas du tout et
cinq millions de ménages se chauffent mal. Si on traversait une période
très froide on peut craindre un grand nombre de morts parmi les pas et
les mal-chauffés. Il faudrait ajouter aux morts de froid les maladies à
issue fatale contractées en raison du froid.
On termine ce tour du froid politique avec les trois minutes d’une
vidéo de Gaspard Glanz consacrée aux exilés qui passent la nuit dehors à
Paris par moins dix degrés centigrades. Selon les associations
mille-trois-cents exilés vivent dehors à Paris ces nuits-ci.
J’utilise la locution “froid politique”. Car l’hiver, il fait froid
et personne ne peut en être surpris. Si l’on condamne des humains à
mourir de ce froid, c’est bien un choix politique. Où l’on envoie des
policiers, salariés avec nos impôts, déloger de pauvres bougres. Au lieu
d’utiliser ces impôts pour payer des maçons à construire des logements.
(...)
=> Vidéo : Gaspard Glanz Taranis avec trois autres films où tu verras notamment des policiers en pleine action humanitaire. Et des rats.
=> Photo : Rose Lecat dont la page FesseBouc mérite ta visite.
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