Propos recueillis par MORGANE PELLENNEC, TC, 1 Février 2018
Reportage
Suite à plusieurs agressions récentes, la colère du personnel
pénitentiaire a mis en lumière les difficultés du milieu carcéral. Selon
Jean-François Penhouët, aumônier catholique des prisons depuis 2008 et
aumônier national depuis 2015, il faudrait sortir du « tout-répressif ».
Quel regard portez-vous sur ce qu’il se passe actuellement dans les prisons ?
L’agression de Vendin-le-Vieil a mis au jour un problème beaucoup
plus général et essentiel, celui de la surpopulation carcérale. Cette
surpopulation concerne surtout les maisons d’arrêts, où sont accueillis
des gens en attente de jugement ou qui ont écopé de courtes peines,
comme c’est le cas à Fleury-Mérogis. Aujourd’hui, ceux qui remplissent
nos prisons, ce sont surtout eux : des prévenus, des courtes peines, et
des personnes malades psychiquement. Certains cas interrogent d’ailleurs
sur ce qui relève du judiciaire et ce qui relève du psychiatrique.
Beaucoup de personnes détenues, qu’il s’agisse de mineurs ou de majeurs,
sont sous traitement. Il y a bien une prise en charge spécifique, mais
qui reste minime et dans le cadre carcéral. Et l’on connaît aussi l’état
de détresse de la psychiatrie en France…
En avril 2017, vous avez cosigné une tribune dans Le Monde, dans laquelle vous estimiez qu’il fallait « réduire de 15 000 le nombre de personnes détenues ». Quel écho a-t-elle eu ?
Disons que si nous avions été candidats aux élections, nous n’aurions
jamais été élus ! Généralement, l’opinion publique réagit de façon
passionnelle et pense difficilement d’autres sanctions que la prison.
Beaucoup estiment que la justice est déjà trop laxiste. Ce qui est
totalement faux. On n’a jamais autant emprisonné, et les peines n’ont
jamais été aussi sévères. Au niveau des politiques, certains ont évoqué
lors de la dernière campagne présidentielle l’idée de construire plus de
prisons pour enfermer plus de gens. C’est une chaîne sans fin. Je crois
que le gouvernement actuel souhaite développer les peines alternatives,
mais les gens y sont peu préparés. La contrainte pénale – sanction
pénale alternative à la prison qui permet au condamné de rester à
l’extérieur de la prison tout en étant soumis à certaines obligations
[Ndlr : mise en place par Mme Taubira] –, est par exemple assez peu
prononcée. D’une part car les magistrats peuvent avoir peur de l’opinion
publique et, d’autre part, parce que le ministère de la Justice manque
de moyens pour accompagner les personnes condamnées.
Les surveillants disent qu’ils n’ont plus affaire au même
public, que de plus en plus de détenus sont difficiles à « maîtriser ».
Parleriez-vous de crise de l’autorité ?
Non, pas vraiment en ces termes. Dans les prisons, c’est bien
l’administration pénitentiaire qui détient l’autorité et le pouvoir.
Indépendamment du problème de surpopulation, l’enfermement de deux
personnes dans 9 m2, comme c’est le cas à Fleury-Mérogis par exemple,
génère de la violence. Pour les détenus, le surveillant est le
représentant d’une institution oppressive. Beaucoup d’entre eux font
bien leur travail et ne sont pas dans une répression constante, mais les
conditions sont difficiles. Ce sont souvent des jeunes qui débutent
dans la vie professionnelle, qui sont là parce qu’ils ont été reçus à un
concours, et non par vocation. Ils sont surchargés de travail, et
pourtant leurs tâches se limitent souvent, hélas, à l’ouverture et à la
fermeture des portes. C’est vrai qu’à certains moments ils font face à
des situations limites. C’était déjà comme ça lorsque j’ai commencé, car
la prison n’est pas un lieu où les relations sont faciles.
Effectivement, les syndicats pénitentiaires disent que la violence
augmente, notamment au niveau des personnes radicalisées ou en voie de
radicalisation. C’est sans doute vrai, mais ce phénomène dépasse
largement les personnes radicalisées. Il y a souvent une violence a
priori, un rejet en bloc de tout ce qui représente le système ou la
société. Et cette violence est assez constante.
Selon vous, comment la situation peut-elle évoluer ?
Elle ne va pas s’améliorer d’un coup de baguette magique ! Ceux qui
nous proposent des solutions miracles nous jettent de la poudre aux
yeux. Il va falloir du temps, en particulier pour faire évoluer les
mentalités. Il y a aussi la situation dont on hérite. À Fleury-Mérogis
par exemple, la rénovation des bâtiments, qui a débuté il y a quasiment
dix ans, n’est toujours pas achevée et un bâtiment est laissé à
l’abandon depuis un an et demi… Comme pour les politiques, nous avons
les prisons que l’on mérite.
Propos recueillis par MORGANE PELLENNECPhoto : meesh (CC BY 2.0)
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