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lundi 5 février 2018

Prisons : notre société enferme-t-elle trop ?



prison Reportage

Photo : meesh (CC BY 2.0)

Suite à plusieurs agressions récentes, la colère du personnel pénitentiaire a mis en lumière les difficultés du milieu carcéral. Selon Jean-François Penhouët, aumônier catholique des prisons depuis 2008 et aumônier national depuis 2015, il faudrait sortir du « tout-répressif ».

Quel regard portez-vous sur ce qu’il se passe actuellement dans les prisons ?
L’agression de Vendin-le-Vieil a mis au jour un problème beaucoup plus général et essentiel, celui de la surpopulation carcérale. Cette surpopulation concerne surtout les maisons d’arrêts, où sont accueillis des gens en attente de jugement ou qui ont écopé de courtes peines, comme c’est le cas à Fleury-Mérogis. Aujourd’hui, ceux qui remplissent nos prisons, ce sont surtout eux : des prévenus, des courtes peines, et des personnes malades psychiquement. Certains cas interrogent d’ailleurs sur ce qui relève du judiciaire et ce qui relève du psychiatrique. Beaucoup de personnes détenues, qu’il s’agisse de mineurs ou de majeurs, sont sous traitement. Il y a bien une prise en charge spécifique, mais qui reste minime et dans le cadre carcéral. Et l’on connaît aussi l’état de détresse de la psychiatrie en France…

En avril 2017, vous avez cosigné une tribune dans Le Monde, dans laquelle vous estimiez qu’il fallait « réduire de 15 000 le nombre de personnes détenues ». Quel écho a-t-elle eu ?
Disons que si nous avions été candidats aux élections, nous n’aurions jamais été élus ! Généralement, l’opinion publique réagit de façon passionnelle et pense difficilement d’autres sanctions que la prison. Beaucoup estiment que la justice est déjà trop laxiste. Ce qui est totalement faux. On n’a jamais autant emprisonné, et les peines n’ont jamais été aussi sévères. Au niveau des politiques, certains ont évoqué lors de la dernière campagne présidentielle l’idée de construire plus de prisons pour enfermer plus de gens. C’est une chaîne sans fin. Je crois que le gouvernement actuel souhaite développer les peines alternatives, mais les gens y sont peu préparés. La contrainte pénale – sanction pénale alternative à la prison qui permet au condamné de rester à l’extérieur de la prison tout en étant soumis à certaines obligations [Ndlr : mise en place par Mme Taubira] –, est par exemple assez peu prononcée. D’une part car les magistrats peuvent avoir peur de l’opinion publique et, d’autre part, parce que le ministère de la Justice manque de moyens pour accompagner les personnes condamnées.

Les surveillants disent qu’ils n’ont plus affaire au même public, que de plus en plus de détenus sont difficiles à « maîtriser ». Parleriez-vous de crise de l’autorité ?
Non, pas vraiment en ces termes. Dans les prisons, c’est bien l’administration pénitentiaire qui détient l’autorité et le pouvoir. Indépendamment du problème de surpopulation, l’enfermement de deux personnes dans 9 m2, comme c’est le cas à Fleury-Mérogis par exemple, génère de la violence. Pour les détenus, le surveillant est le représentant d’une institution oppressive. Beaucoup d’entre eux font bien leur travail et ne sont pas dans une répression constante, mais les conditions sont difficiles. Ce sont souvent des jeunes qui débutent dans la vie professionnelle, qui sont là parce qu’ils ont été reçus à un concours, et non par vocation. Ils sont surchargés de travail, et pourtant leurs tâches se limitent souvent, hélas, à l’ouverture et à la fermeture des portes. C’est vrai qu’à certains moments ils font face à des situations limites. C’était déjà comme ça lorsque j’ai commencé, car la prison n’est pas un lieu où les relations sont faciles. Effectivement, les syndicats pénitentiaires disent que la violence augmente, notamment au niveau des personnes radicalisées ou en voie de radicalisation. C’est sans doute vrai, mais ce phénomène dépasse largement les personnes radicalisées. Il y a souvent une violence a priori, un rejet en bloc de tout ce qui représente le système ou la société. Et cette violence est assez constante.

Selon vous, comment la situation peut-elle évoluer ?
Elle ne va pas s’améliorer d’un coup de baguette magique ! Ceux qui nous proposent des solutions miracles nous jettent de la poudre aux yeux. Il va falloir du temps, en particulier pour faire évoluer les mentalités. Il y a aussi la situation dont on hérite. À Fleury-Mérogis par exemple, la rénovation des bâtiments, qui a débuté il y a quasiment dix ans, n’est toujours pas achevée et un bâtiment est laissé à l’abandon depuis un an et demi… Comme pour les politiques, nous avons les prisons que l’on mérite.
Propos recueillis par MORGANE PELLENNEC
Photo : meesh (CC BY 2.0)

PDF de la Lettre hebdo n°3761 du 1er février 2018

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