Justice
Procès des événements d’Al Hoceïma (A limage des procès mascarade de Gdeim Izik ! )
L’accusation se prévaut d’une vidéo anti Al Saâoud
La défense plaide la fabrication de pièces à charge
11 accusés sur 54 appelés à la barre par la Cour.
A
l’intérieur de la salle d'audience, une importante logistique a été
déployée dont des écrans géants pour permettre notamment la projection
de vidéos, de messages électroniques, de post sur Facebook (Ph. Jarfi)
L’audition
des accusés se poursuit devant la chambre criminelle de la Cour d’appel
de Casablanca depuis le vendredi 26 janvier 2018. Dans le procès des
événements d’Al Hoceïma, les audiences se muent, petit à petit, en une
ascension périlleuse: 11 d’entre eux sur 54 sont passés à ce jour à la
barre. Les derniers à être interrogés par la présidence sont Abdelkheir
Yasnari, Abdelhak Sadiki, Mohamed Fadili, Souleiman El Fahili et Mohamed
El Hanni.
A l’instar des autres
accusés, les appelés à la barre font face à de lourdes accusations comme
l’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat, outrage et violence
contre un corps constitué, rébellion armée, participation à une
manifestation sans autorisation… Et à chaque fois, avant de démarrer
l’interrogatoire, le président Ali Torchi, rappelle ces charges.
Le
premier accusé à se présenter durant l’audience du 30 janvier est un
père de famille âgé de 39 ans. Abdelkheir Yasnari est un boucher qui vit
à Al Hoceïma. Son casier judiciaire est vierge: «les armes blanches
sont mes outils de travail au quotidien, Monsieur le Président. Je ne
m’en suis jamais servi pour agresser quiconque». Voici donc le préambule
d’un accusé qui «réfute toutes les accusations» que lui reproche la
justice.
A commencer par la présumée
«participation à une rébellion armée». Abdelkheir Yasnari reconnaît en
revanche avoir pris part à un seul sit-in en mai 2017. «Nous ne sommes
pas des séparatistes. Notre patriotisme nous a motivés pour sortir dans
les rues. Surtout lorsque la majorité gouvernementale nous a
gratuitement accusés d’indépendantistes. J’ai manifesté spontanément
pour des revendications sociales et non pour faire plaisir à quelqu’un».
Le jeune homme va à plusieurs reprises déclarer «ne connaître aucun»
des accusés. Il ne se désolidarise pas pour autant de «la cause sociale»
prônée par ses compagnons de cellule.
La
Cour confronte l’accusé à deux pièces d’accusation: une vidéo et un
post sur Facebook. Elles sont projetées sur un grand écran. Il est
question dans le post de «constituer des comités populaires armés»
notamment. «Devant le juge d’instruction, vous avez déclaré que votre
post sur Facebook est une proposition pour contrer la criminalité à Al
Hoceïma», demande la présidence.
L’accusé
confirme en précisant qu’il a déclaré au juge «ce qu’il voulait
entendre. Les accusations étaient déjà toutes prêtes». Deux autres
détails. D’abord, le compte Facebook est ouvert au nom de Khaireddine
Yasnari et non pas Abdelkheir Yasnari. Ensuite, l’accusé insiste sur la
déclaration de vol de son téléphone portable. Sa plainte a été déposée
au commissariat à Al Hoceïma.
Le
tribunal projette ensuite la vidéo d’un terroriste vraisemblablement.
Elle a été envoyée à l’accusé via WhatsApp. La police judiciaire l’a
extraite de la carte mémoire du téléphone. Que montre la vidéo? Un jeune
homme menaçant avec un couteau à la main. Une mitraillette est en
arrière-plan. Pas de sons. L’un des accusés, Hamid Mehdaoui, crie depuis
son box: «Augmentez le son. J’ai peur»! Les avocats de la défense le
réclament aussi. La Cour refuse. Les accusés protestent avec véhémence
«au nom du droit à un procès équitable».
«Vous
pouvez m’expulser de l’audience Votre Honneur. Viendra un jour où la
vérité va éclater. Notre mouvement était pacifiste et civilisé. Nous ne
sommes pas des Houtistes comme tentent de le faire croire nos
adversaires», clame Nasser Zafzafi depuis son box non transparent. Ces
propos visent l’accusation.
L’audience
est levée dans un brouhaha général. Le procès reprend 15 minutes plus
tard. La présidence se ravise. La vidéo est audible cette fois-ci. Le
terroriste a un accent du Moyen-Orient. Il fait allégeance à Aboubakr Al
Baghdadi, le chef de Daech, et menace de tuer… les Al Saoûd! La famille
royale qui règne sur l’Arabie saoudite.
«Qu’est-ce
que j’ai à voir avec ce type? Lui, c’est un Koreïchi (Tribu arabe, les
Koreïch) qui profère des menaces et moi, je viens du Rif». Les avocats
de la défense protestent: «Cette vidéo a été diffusée entre 2011-2012
sur YouTube». Le procureur du Roi, Hakim El Ouardi, fait valoir que
«l’accusé a le droit de s’exprimer sur une preuve extraite de son
téléphone et qui est en lien avec son post sur Facebook».
L’accusation invite ses adversaires à dépasser ce point pour avancer dans l’interrogatoire.
Le bâtonnier Abderrahim Jamai s’indigne contre «une fabrication de preuve qui aurait pu pousser la Cour à renvoyer le dossier devant le tribunal anti-terroriste».
Le bâtonnier Abderrahim Jamai s’indigne contre «une fabrication de preuve qui aurait pu pousser la Cour à renvoyer le dossier devant le tribunal anti-terroriste».
Avec le risque,
déclare-t-il, «de voir demain l’accusation plaider sur la base de
preuves officielles». L’une de ses consœurs, Aïcha El Guelaf, fait
remarquer que «le post n’est pas daté et que la page en cause n’est pas
affichée dans sa totalité sur l’écran».
L’avocate
ajoute: «Où est donc ce prétendu flagrant délit électronique dont se
prévaut le ministère public?». La défense réclame une contre expertise
informatique. L’accusation s’y oppose «puisque la Cour s’est déjà
prononcée défavorablement sur cette demande». La présidence va maintenir
sa position. Me Abdelaziz Noudi se dit «surpris» de constater que
«seule l’accusation a le droit d'exposer ses moyens de preuve».
La défense a réclamé à plusieurs reprises à être «équipée à son tour» pour projeter ses documents numériques qui «sont au bénéfice des accusés». Mais en vain.
La défense a réclamé à plusieurs reprises à être «équipée à son tour» pour projeter ses documents numériques qui «sont au bénéfice des accusés». Mais en vain.
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