- Nathalie Janne d’Othée
- 23 février 2018
Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et financières, fiscalité et douanes, répondait ce 8 février [1] à deux questions qui lui avaient été posées sur l’application de la décision de la Cour de Justice de l’UE du 21 décembre 2017 [2]
aux relations commerciales entre l’UE et le Maroc. Cette dernière
rappelle en effet que l’Accord d’association UE-Maroc ne s’applique pas
au territoire du Sahara occidental et que le Maroc n’a le droit
d’exploiter les ressources de ce territoire qu’avec le consentement et
au bénéfice du peuple sahraoui. Dans sa réponse, le Commissaire européen
préconise une solution calquée sur la situation des colonies
israéliennes. Mais cette solution est-elle réellement probante ?
Application du modèle « colonies israéliennes »
Pierre Moscovici souligne que les produits du Sahara occidental ne
peuvent pas bénéficier du tarif préférentiel appliqué en vertu de
l’accord UE-Maroc. Les douanes marocaines sont responsables de la
vérification de l’origine. Et si les douanes d’un Etat membre ont des
doutes « raisonnables » sur l’origine d’un produit, elles peuvent
interroger leurs homologues marocains en vertu du principe de
coopération administrative repris dans le Titre V du Protocol 4 de
l’Accord UE-Maroc.
Il s’agit du même système appliqué dans l’Accord d’association
UE-Israël pour exclure les produits des colonies israéliennes du
bénéfice du tarif préférentiel. Or, suite à l’entrée en vigueur de
l’accord en 2000, le système avait rapidement montré ses failles et
cela, pour la raison simple qu’Israël ne considère pas les colonies
comme extérieures à son territoire. Pour remédier à ce
dysfonctionnement, l’UE et Israël ont conclu un arrangement technique en
2005 selon lequel l’UE établit une liste des codes postaux des colonies
israéliennes, régulièrement mise à jour, tandis qu’Israël s’engage à ce
que le code postal du lieu de production soit apposé sur les
marchandises. La charge de la preuve repose dès lors entièrement sur les
douanes des Etats membres qui doivent vérifier à chaque lot si la
marchandise provient d’une localité israélienne ou du Territoire
palestinien occupé.
Le problème qui va se poser avec le Maroc sera similaire. Le Maroc
considère en effet le Sahara occidental comme faisant partie intégrante
du territoire marocain. Si on suit la logique mise en œuvre dans le
cadre de l’Accord d’association UE-Israël, il serait donc nécessaire
d’établir avec le Maroc un arrangement technique permettant aux
autorités douanières européennes d’identifier les produits du Sahara
occidental afin de les exclure du tarif préférentiel. Mais ce système
est loin d’être infaillible.
Limites de l’arrangement technique
Depuis qu’il est établi en 2005, l’arrangement technique UE-Israël montre ses limites [3].
Premièrement, les douanes européennes n’ont pas le temps de vérifier
chaque lot de marchandise, devant privilégier le bon fonctionnement du
libre-échange. Les procédures de vérifications sont longues et certains
produits, comme les fruits et légumes, ne peuvent être bloqués trop
longtemps. Deuxièmement, l’UE doit sans cesse mettre à jour la liste des
codes postaux de colonies en perpétuel essor. Or en 2013, Israël a en
outre introduit un nouveau système de codes postaux à 7 chiffres,
rendant le travail de suivi de ceux-ci encore plus difficile pour les
autorités européennes. Enfin, les fraudes à l’origine sont nombreuses et
difficiles à vérifier. L’origine des produits agricoles est
particulièrement difficile à retracer étant donné leur fongibilité. Et
souvent, les entreprises exportatrices présentes dans les colonies ont
également des sites de production à l’intérieur des frontières
internationalement reconnues d’Israël, ce qui leur permet de mêler les
produits des colonies avec les autres produits pouvant bénéficier de
tarifs préférentiels.
L’étiquetage correct des produits sahraouis
Dans sa réponse au Parlement européen, Pierre Moscovici rappelle
également les obligations des Etats membres en matière d’indication de
l’origine des produits, qui doit être claire et non trompeuse pour les
consommateurs.
Lire l'article https://www.cncd.be/Sahara-occidental-occupe-la
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