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mercredi 28 février 2018

Au Maroc, pas de place pour les journalistes indépendants



L’arrestation récente de plusieurs journalistes en lien avec les événements d’Al-Hoceima constitue la dernière illustration du dispositif serré de contrôle des médias mis en place par le pouvoir marocain. Celui-ci utilise selon les cas le boycott publicitaire, les campagnes calomnieuses ou le recours juridique dans un contexte où, malgré la récente réforme du Code de la presse présentée comme moderne, sont réintroduits dans le Code pénal les délits de presse.

Au Maroc, une génération de journalistes aguerris aux nouvelles technologies est pourtant en train de prendre la relève. En se libérant partiellement des contraintes économiques des entreprises de presse, ces micromédias relaient la parole populaire. Les journalistes essaiment surtout dans les régions, loin des grands centres urbains. Le hirak (mouvement) du Rif leur a donné l’occasion de s’illustrer. Pour faire face à l’omerta des médias audiovisuels publics et à la propagande menée par la presse proche du pouvoir, ce mouvement social a forgé ses propres outils de communication. Pariant sur la puissance des réseaux sociaux, des médias web régionaux ont couvert ce mouvement social depuis son lancement en octobre 2016. Le pouvoir est en train de sanctionner lourdement cet engagement. Actuellement, sept journalistes professionnels et journalistes-citoyens de la presse locale ou animant des pages d’information sur des réseaux sociaux ont été arrêtés en lien avec les événements dans la région d’Al-Hoceima : Mohammed Asrihi, Jawad Essabiri, Houcein El-Idrissi des sites d’information Rif24 et Rif Press, Abdelali Haddou de la web télévision Araghi TV, Rabii Lablaq correspondant de Badil. Ils sont poursuivis pour atteinte à la sécurité de l’État1. Leur démarche s’inscrit ainsi dans les pas des journalistes indépendants qui les ont précédés, tels que Ali Anouzla.

Une prétendue exception marocaine

Ali Anouzla est un journaliste marocain en liberté provisoire. Le directeur du site web Lakome est poursuivi depuis trois ans dans le cadre de la loi antiterroriste pour une affaire remontant à septembre 2013. Son procès n’a jamais commencé2. En août 2015 et malgré une situation juridique pesante, Anouzla décide de relancer son influent média. Sa ténacité contraste avec un paysage médiatique discipliné. « Vassalisées par le truchement d’éditeurs/journalistes, de subventions et autres en amont, les entreprises de presse sont sous le contrôle du pouvoir », décrit Ahmed Hiddas, professeur à l’Institut supérieur d’information et de communication (ISIC) de Rabat3.
Les autorités brandissent quant à elles l’élément de langage récurrent sur « l’exception marocaine » dans une région hostile aux médias. « Aucun journaliste n’a été emprisonné pour ses écrits depuis 2013 », martèle le gouvernement. Ce n’était pas faux jusqu’à récemment, mais cette situation n’était pas le résultat d’un élargissement des espaces de liberté d’expression. Au contraire, à partir de 2010, l’État a utilisé de nombreux moyens pour clore la parenthèse de la presse indépendante. 

Lire l'article : https://orientxxi.info/fr/auteur/salaheddine-lemaizi

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