AFP,
Une "bombe à retardement" et une question à "prendre très au
sérieux": au Maroc, le chômage touche plus de quatre jeunes urbains sur
dix, une problématique au centre des préoccupations sociales qui
nourrit frustration et mécontentement populaire.
Sept ans après le Mouvement du 20 février, version marocaine
du Printemps arabe, l'avenir de la jeunesse est plus que jamais
d'actualité dans le royaume, agité ces derniers mois par des mouvements
de protestation menés le plus souvent par des jeunes au chômage.
Selon les données du Haut-commissariat au plan (HCP)
publiées au cours de la semaine écoulée, le Maroc a enregistré à
fin 2017 un taux de chômage de 10,2 % contre 9,9 % une année auparavant.
Surtout, celui-ci touche principalement les jeunes âgés de 15 à 24 ans
(26,5 %), avec un taux qui culmine à 42,8 % en milieu urbain.
Ce chômage des jeunes "n'est pas un phénomène récent, mais
il a tendance à devenir structurel avec la déperdition scolaire et la
faible diversification du tissu productif national", explique à l'AFP
Ahmed Lahlimi, le Haut-commissaire au plan.
"La précarité de l'offre d'emploi n'encourage pas
l'investissement des ménages dans l'enseignement de leurs enfants. Cela
participe à la déperdition scolaire", ajoute-t-il.
'A la rue !'
Le fléau est aussi lié à "la transition démographique" de ce
pays de près de 35 millions d'habitants, qui tend "à recomposer la
pyramide des âges (...), avec de plus en plus de jeunes arrivant sur le
marché du travail", souligne l'économiste Larbi Jaidi.
L'économie marocaine, bien que portée par une croissance de
4 % en 2017 contre 1,2 % l'année précédente, "n'a pas créé suffisamment
d'emplois par rapport au nombre de jeunes arrivés sur le marché du
travail", poursuit M. Jaidi.
Selon les données du HCP, les diplômés sont, par ailleurs, davantage exposés que les personnes n'ayant suivi aucune formation.
Au tournant de la décennie, les gouvernements ont tenté
d'apaiser les tensions sociales avec la promesse d'embauches dans la
fonction publique. Et, dans les rues de la capitale Rabat, entre
bâtiments administratifs et immeubles Art-déco, les "diplômés chômeurs"
continuent, des années plus tard, à réclamer leur "droit" à intégrer
cette fonction publique, gage de sécurité de l'emploi.
Diplômés mais souvent peu qualifiés, ils pâtissent des
défaillances du système éducatif et de son inadéquation avec le marché
du travail.
"Tu fais des études, après tu te retrouves à la rue !", se
lamente Achraf, 25 ans, titulaire d'une licence en gestion. "C'est la
faute du gouvernement !", accuse ce diplômé sans emploi qui dit
manifester depuis deux ans "sans résultat".
Le chômage touche aussi de plein fouet les femmes, avec un
taux de 14,7 % contre 8,8 % chez les hommes. Un écart qui s'explique en
partie par la tendance des parents à "favoriser les garçons au détriment
des filles", sans compter les discriminations en termes de salaires,
décrypte M. Lahlimi.
'Système D'
La presse locale tire régulièrement la sonnette d'alarme sur
le chômage des jeunes, qualifié de "bombe à retardement" qui nourrit
"mécontentement et frustration".
Le roi Mohammed VI a lui-même reconnu dans un discours en
octobre que les progrès enregistrés ne profitent pas aux "jeunes, qui
représentent plus d'un tiers de la population". "Parmi eux, nombreux
sont ceux qui souffrent de l'exclusion, du chômage", a-t-il dit.
Le mois dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a de
son côté appelé les autorités du royaume à "réduire les niveaux
toujours élevés de chômage, notamment chez les jeunes". Une question à
prendre "très au sérieux", a prévenu la Banque mondiale.
In fine, les demandeurs d'emploi, diplômés ou pas,
découragés par d'interminables recherches infructueuses, optent souvent
pour le "système D".
"La seule possibilité d'insertion des jeunes, quand ils
arrivent à s'insérer, c'est le marché de l'informel, avec une très
grande précarité en termes d'emploi et de revenu, ainsi qu'une absence
de protection sociale", soutient M. Jaidi.
C'est le cas de Mehdi, 28 ans, qui distribue dans le vieux
Rabat des prospectus deux demi-journées par semaine, pour une
cinquantaine d'euros par mois, tout en déposant ici et là son CV.
"Je n'ai pas de contrat de travail, pas de couverture
médicale", souffle ce jeune Marocain qui a suivi une formation en
cuisine il y a quelques années, mais qui n'a jamais trouvé d'emploi dans
"son domaine".
11/02/2018 16:23:26 -
Rabat (AFP) -
© 2018 AFP
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