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dimanche 4 février 2018

Récit d’un «règlement de compte» en plein Hirak, pendant le procès (suite)

(l'économiste, suite) 
 
Le procès des événements d’Al Hoceïma recèle tout ce que un chroniqueur judiciaire peut espérer. Du drame et du comique. Des effets de manche entre avocats adverses et des clashs avec l’accusation (voir ci-dessus). Mais aussi, et surtout, des interrogatoires d’accusés qui virent à des réquisitoires contre les «vraies causes de leurs arrestations».
Abdelkheir Yasnari, boucher, avance vers la barre des accusés pour être interrogé par la Cour. Le nom d’un commissaire de police, Issam Bouzidi, revient sans cesse dans ses déclarations. L’accusé se dit «victime d’un règlement de compte».  Abdelkheir Yasnari a eu, dit-il, «le malheur» de réclamer son dû à l’officier de police en poste à Al Hoceïma au moment des faits.
«C’est à partir de là que mes ennuis ont commencé. Le commissaire qui est l’un de mes clients n’a pas apprécié que je lui réclame ma créance. Il finira par me jeter ma viande à la figure», déclare l’accusé. «Je suis parti me plaindre à la police pour un vol. Elle m’a rétorqué d'aller me "plaindre chez Nasser Zafzafi’’, le leader des manifestants.
Abdelkheir Yasnari sera arrêté à son domicile juste après l’incident qui l’a opposé au commissaire en cause: «J’étais encore au lit. Laissez-moi tout vous raconter Messieurs les juges», supplie-t-il . Son interpellation se déroule devant sa femme et ses enfants «en pleurs». La police judiciaire ne l’aurait «pas informé sur les motifs» de son arrestation. Depuis lors, le mis en cause affirme «être victime de problèmes psychologiques, souffrir d’insomnie et prendre des médicaments».
Il évoque son transfert par avion militaire à Casablanca comme «un rapt». Abdelkheir Yasnari assure, à l’instar de tous les accusés interrogés à ce jour, «ignorer les motifs de son incarcération» lors de sa garde à vue et «n’avoir pas eu droit à un avocat et d'entrer en contact avec sa famille que trois jours» après son interrogatoire par la police judiciaire. «Relatez nous des faits qui sont dans votre intérêt», lui rétorque le président Ali Torchi.
La défense s’insurge. «Que veulent insinuer vos propos? La Cour fait défaut à sa neutralité et donne ainsi un aperçu de son futur jugement», clame Me Khadija Rougani. Le nom du commissaire, Issam Bouzidi, reviendra avec insistance lors de l’audition d’un autre accusé, celui de Souleiman El Fahili. Son témoignage portera des accusations encore plus graves.

(l'économiste, suite)

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