Procès hirak: "Daba nta maghribi ?", cette question du juge qui a embrasé la salle d'audience
Jeudi 1 février 2018 à 22h17
" On essaie de faire pression sur la cour pour une question qui a été
comprise hors de son contexte", constate Hakim El Ouardi, substitut du
procureur général.
Nous sommes le jeudi 1er février. Il est presque 20h. A la salle 7 de la
cour d'appel de Casablanca, le président Ali Torchi interroge Mohamed
El Mehdani, un des 54 individus poursuivis dans le cadre des événements
d'Al Hoceima. L'accusé doit répondre de "la participation à des
rassemblements non déclarés", et à "l'incitation contre l'unité
territoriale du Royaume".
L'interrogatoire porte ainsi sur la participation d'El Mehdani aux
manifestations, sur les slogans entonnés, les drapeaux brandis
etc. L'échange est relativement calme...jusqu'à cette question du juge:
"Daba nta maghribi?", que l'on pourrait traduire par "Es-tu donc
marocain?" ou "Puisque tu es marocain..."
La question de trop? Elle a en tous les cas mis la salle en ébullition.
Dans leur box, des accusés crient leur indignation. Sur les bancs du
public, des proches s'agitent, excédés. Le brouhaha est général, sous le
regard désemparé du juge.
Scandalisée, Me Khadija Rougani utilise des mots durs: "La cour n'a pas
le droit de poser cette question accusatoire. Je demande à la cour de la
retirer et de s'abstenir de la poser au reste des accusés". Son
confrère, Mohamed Aghnaj évoque quant à lui "un litige non pas avec
l'accusation, mais avec le juge". Ici, c'est "la neutralité de la cour"
qu'il remet en cause.
Pour sa part, l'interrogé se dit "gêné par cette question qui lui
rappelle "l'interrogatoire de la BNPJ". S'il affirme être "100%
marocain", ElMehdhani confie se sentir "comme un invité" dans ce pays.
"Monsieur le président, si vous vous dites impartial, comment
pouvez-vous me poser une telle question?"
Nasser Zefzafi crie: "Monsieur le président, je ne vous permets pas de
mettre en doute mon nationalisme".
Au juge, il lance un ultimatum: "Soit
vous vous excusez, soit nous nous retirons de ce procès". Une requête
réitérée par la défense.
Le parquet intervient. "Requérir du président qu'il retire sa question
n'a aucun fondement dans la loi". "Je vois qu'on essaie de faire
pression sur la cour pour une question qui a été comprise hors de son
contexte", constate Hakim El Ouardi, substitut du procureur général.
Le magistrat plaide "le malentendu" qu'il explique par "la tension",
palpable, qui règne dans la salle d'audience. Le président,
explique-t-il, a posé une question sur le ton de l'affirmation, sans
"intention d'obtenir une réponse".
Pas de quoi convaincre Me Rougani, qui reproche à M. El Ouardi de
s'ériger en "avocat de la cour". Pour elle, "accusés, défense,
journalistes et toutes les personnes présentes ont entendu la même
chose".
Ali Torchi tente de calmer l'assistance. Il demande un moment de silence
pour qu'elle puisse entendre ce qu'il a à dire: "La cour ne met, n'a
mis et ne mettra point en doute le patriotisme de qui que ce soit. Nous
sommes tous marocains et tous patriotes."
Retirer la question ? S'excuser ? Il n'en est pas question. "La cour a
décidé de refuser" les demandes en ce sens, tranche M. Torchi. Et comme
promis, les accusés quittent la salle. Leurs proches font de même.
Agités, certains sont fermement accompagnés vers la sortie. L'audience
est alors suspendue. A sa reprise, les accusés sont tous là, dans le
box.
https://www.medias24.com/.../180147-Proces-hirak-Daba-nta-maghribi-cette-question...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire