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RAP CONTESTATAIRE - Après avoir été empêché de
présenter son dernier album "Walou" à la librairie Al Karama à
Casablanca en 2014, Mouad Belrhouate alias "L7a9ed" (El Haqed, dans la
graphie web/SMS) revient vers ses fans, trois ans plus tard, avec un
nouvel album: "De Oukacha à Molenbeek". Produit en Belgique -où le
rappeur a récemment obtenu l'asile politique-, l'album est diffusé gratuitement sur YouTube depuis le 9 juin dernier, jour de l'anniversaire du rappeur.
Composé
de quinze titres, l'album fait le buzz sur Internet. De quels sujets
traite l'artiste dans cet album? Et qui est Mouad Belrhouate?
Qu'est-ce
qu'un homme révolté ?
Albert Camus (1913-1960), écrivain et romancier
français, considère que l'homme révolté est celui qui dit non. "S'il
refuse, il ne renonce pas: c'est aussi un homme qui dit oui, dès son
premier mouvement". Et qu'est-ce qu'un homme enragé? Mouad Belrhouate,
rappeur marocain, estime que l'homme enragé est celui qui est "indigné
par la situation dans laquelle se trouve son pays".
Plus connu sous son nom artistique de "L7a9ed" (l'enragé) est né en 1988, à Casablanca, dans une famille conservatrice. Il se considère comme un rappeur enragé. Ses chansons, rédigées en darija (dialecte arabe marocain), décrivent les souffrances des plus pauvres, des exclus, et leurs espérances. Au début de sa carrière, il puise son inspiration dans le quartier al Wifak, surnommée Oukacha (du nom de la prison civile de Casablanca) où il réside alors. "Ensuite, les choses ont évolué. Mes horizons se sont élargis au point de devenir un héraut de l'appel au changement au Maroc", racontait en 2016 le jeune rappeur au site d'information arabophone Al Aoual.
Plus connu sous son nom artistique de "L7a9ed" (l'enragé) est né en 1988, à Casablanca, dans une famille conservatrice. Il se considère comme un rappeur enragé. Ses chansons, rédigées en darija (dialecte arabe marocain), décrivent les souffrances des plus pauvres, des exclus, et leurs espérances. Au début de sa carrière, il puise son inspiration dans le quartier al Wifak, surnommée Oukacha (du nom de la prison civile de Casablanca) où il réside alors. "Ensuite, les choses ont évolué. Mes horizons se sont élargis au point de devenir un héraut de l'appel au changement au Maroc", racontait en 2016 le jeune rappeur au site d'information arabophone Al Aoual.
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Selon
lui, ses titres appartiennent au "Rap pénitencier" puisqu'il considère
le Maroc, et particulièrement son quartier (Oukacha), comme une prison à
ciel ouvert.
Inconnu du grand public, il a acquis de la
notoriété après son arrestation, le 10 septembre 2011. Artiste engagé
aux côtés du mouvement du 20 février 2011 (M20), il en devint le
porte-étendard, provoquant la colère des autorités marocaines. Interdit
de chanter, subissant de nombreuses tentatives d'intimidation, il ne
pouvait alors se produire dans aucun festival musical au Maroc.
'Plusieurs
jeunes multipliaient les allers-retours entre la prison et le
quartier", avait-il déclaré. Du quartier Oukacha à la prison d'Oukacha,
tel est le triste parcours des jeunes d'al-Wifak. Mouad Belrhouate n'en
fut pas épargné. Il est arrêté à trois reprises: la première fois pour
une prétendue dispute avec un membre de la jeunesse "royaliste". La
deuxième fois à cause du titre d'une de ses chansons, "Kilab Al-Dawla"
(Les chiens de l'État), où il dénonce la corruption au sein de la
police. Le rappeur est alors accusé d'"insultes à l'égard des autorités"
et "outrage à un corps constitué". Il sera condamné, le 11 mai 2012, à
un an de prison ferme. "Si je devais m'excuser auprès de quelqu'un, ce
serait les chiens. Eux au moins n'agressent personne", avait-il ironisé
au micro de France 24.
Lorsque Mouad sort de
prison, quelqu'un se présente à lui et lui propose d'enterrer la hache
de guerre, de tourner la page et d'entamer une nouvelle vie. Tous ses
désirs seraient des ordres, il lui suffisait de demander... Le rappeur
lui aurait répondu par le verset 33 de Sourate Youssef: "Ô mon Seigneur,
la prison m'est préférable...". Quelques jours plus tard, il est de
nouveau arrêté. Ce fut la troisième fois. Une fois de trop. La justice
l'avait accusé de vendre au marché noir des tickets de match de
football. Accusation démentie par le rappeur.
De Oukacha à Molenbeek
"Pour
être sincère, je n'ai jamais eu l'intention de déposer une demande
d'asile politique, mais j'y étais obligé". Au site d'information
arabophone Al Aoual, il explique qu'il avait rejoint Bruxelles
pour donner un concert. Entre-temps, à sa recherche, la police s'était
rendue à son domicile. S'il revenait au Maroc, il serait encore une fois
arrêté.
À Bruxelles, Mouad Belrhouate ne perd pas son
temps, il sort un nouvel album. Sur la couverture de ce disque, on voit
au premier plan le buste nu de Mouad Belrhouate portant une casquette.
Il a la tête dans les étoiles et le regard semble appeler des lendemains
qui chantent. Au second plan, le ciel est nuageux, il s'agit peut-être
d'une journée d'été, puisque l'album est sorti au mois de juin. Au bas
de l'image se trouvent les initiales du titre de l'album qui forme le
mot "M3LM" (maître en la matière). Chaque lettre renvoie à un mot: "Men
3oukacha Li Molenbeek" (De Oukacha à Molenbeek).
"Oyez, Oyez braves gens! Arrêtez tout et écoutez attentivement puisqu'il revient. Mouad L7a9ed s'adresse à vous". Ainsi commence le rappeur l'une de ses chansons, "Insane" (Humain).
"Oyez, Oyez braves gens! Arrêtez tout et écoutez attentivement puisqu'il revient. Mouad L7a9ed s'adresse à vous". Ainsi commence le rappeur l'une de ses chansons, "Insane" (Humain).
Pour Mouad
Belrhouate, dans le monde arabe, "on est interdit de parole et de rêve
(...). Il est interdit de vivre. Nous sommes vivants, mais en train de
mourir, il est même interdit de réfléchir (...). Que de lignes rouges et
de vils dirigeants". Il n'est pas tendre avec ces derniers: "Ils ont
cultivé leur esprit, et nous, nous avons fait de l'ignorance une
profession de foi (...). Ils [les dirigeants] ont interdit la
philosophie, exigé le respect des diseuses de bonne aventure et ont fait
de la femme un pur objet sexuel".
Au Maroc, le
"printemps arabe" a accouché d'une nouvelle Constitution adoptée lors
d'un référendum avec un score qui se passe de tout commentaire (98%).
Mouad et les jeunes du mouvement M20 avaient appelé au boycott de ce
référendum. L7a9ed n'a d'ailleurs jamais cru aux sirènes électorales
dans le royaume aux mille contrastes. Le boycott des élections, telle
est sa profession de foi. Ce n'est donc pas une surprise s'il baptise
l'un des titres de son album "Boycottez", où il prononce ces
paroles: "Boycotte! Ne soit pas un esclave dans le souk. Lève ta tête
vers le haut et ne les laisse pas te mener à la baguette".
Mouad ne mâche pas non plus ses mots lorsqu'ils interpellent les médias audiovisuels marocains: "Ajoutez du maquillage! Appelez le dépannage! Des émissions anesthésiantes qui font la promotion de la bêtise et de l'ignorance". Les mots de L7a9ed ont toujours eu la puissance et la précision d'un projectile.
Mouad ne mâche pas non plus ses mots lorsqu'ils interpellent les médias audiovisuels marocains: "Ajoutez du maquillage! Appelez le dépannage! Des émissions anesthésiantes qui font la promotion de la bêtise et de l'ignorance". Les mots de L7a9ed ont toujours eu la puissance et la précision d'un projectile.
L7a9ed n'oublie pas, actualité
oblige, de consacrer un titre de son album au Hirak du Rif, sous le nom
de "Ana rifi" (Je suis Rifain), où il clame haut et fort son soutien à
ce mouvement de contestation pacifique. Un titre qu’il publie une
semaine avant le lancement de l’album. Un cadeau à ses fans.
Simulant
un appel téléphonique au Maroc, Mouad Belrhouate tombe sur le
répondeur. Il laisse un message comme introduction à son album: "Allô,
pourquoi tu ne réponds pas? Que t'ai-je fait? Tu m'as beaucoup manqué.
Tes quartiers, tes rues, et tous tes lieux me manquent. Circuler sur tes
sentiers me manque. (...) Je veux te dire que je pense à toi tout le
temps. Bref, j'ai terminé l'album, j'espère que tu l'aimeras et que tu
seras fier de moi. Ô mon pays, prends soin de toi".
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