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samedi 1 février 2025

10 choses à savoir sur Youssef Amrani, ambassadeur du Maroc à Washington

 

En Amérique latine, à l’Union européenne, en Afrique du Sud et maintenant aux États-Unis, le diplomate porte et a porté, parfois sur des terrains difficiles, la voix du Maroc. À Washington, il travaille à entretenir et renforcer une relation bilatérale particulièrement ancienne et solide.

Youssef Amrani, ambassadeur du Maroc à Washington, en janvier 2025. © Ambassade du Maroc aux USA

Youssef Amrani, ambassadeur du Maroc à Washington, en janvier 2025. © Ambassade du Maroc aux USA


Fadwa Islah,
Jeune Afrique, 30/1/2025

À 71 ans, Youssef Amrani fait aujourd’hui partie des figures incontournables de la diplomatie marocaine. Avec plus de quatre décennies d’expérience, il a occupé des postes clés à travers le monde, représentant le Maroc en Amérique latine, en Afrique et désormais aux États-Unis, où le roi Mohammed VI l’a nommé en octobre 2023. Derrière ce parcours, Amrani incarne aussi une nouvelle génération de diplomates ancrés dans leur temps, capables d’utiliser les outils numériques et les nouvelles technologies pour renforcer leur influence.

Pourtant, il a longuement hésité avant d’accepter de se prêter à cet exercice du portrait journalistique, jugeant l’introspection trop personnelle pour un homme qui a toujours œuvré dans la discrétion et l’ombre des négociations. « La passion qui m’anime dépasse les limites d’un récit personnel. Elle ne saurait être pleinement traduite à travers mon vécu, ma personne ou ma carrière », explique-t-il. À ses yeux, la diplomatie ne se mesure pas en exploits individuels, mais dans la force d’un engagement collectif. « Je suis convaincu d’être, comme beaucoup d’autres de mes collègues, le fruit d’une histoire façonnée par les rencontres, les expériences et les témoignages de confiance des hommes et des femmes qui m’ont entourés. »

À Washington, où il succède à Lalla Joumala Alaoui, il ne se contente pas des canaux diplomatiques traditionnels. Présent sur les réseaux sociaux, il suit et anticipe les tendances, dialogue avec les think tanks et autres cercles d’influence, et sait que l’image d’un pays se joue aussi sur le terrain digital. Il parle d’une diplomatie moderne, qui « encode et décode les relations internationales, comprend et influence les dynamiques ». Portrait d’un diplomate connecté, à la fois fin stratège, homme de terrain et esthète, qui continue, même après quarante-cinq ans de carrière, à réinventer son métier.

1. Tangérois

Né en septembre 1953, Youssef Amrani a grandi à Tanger, au nord du Maroc, qui avait alors le statut de « ville internationale ». De cette enfance dans cette cité charnière entre deux mers, la Méditerranée et l’Atlantique, deux continents, l’Afrique et l’Europe, carrefour de civilisations qui a inspiré de nombreux artistes, de Matisse à Hemingway en passant par Tennessee Williams, les Rolling Stones, Mohamed Choukri ou Paul Bowles, l’ambassadeur du royaume aux États-Unis conserve un accent chantant reconnaissable entre mille, typiquement tangérois. Mais aussi et surtout une ouverture d’esprit et une extraordinaire capacité à naviguer entre les mondes. « Tanger est une école naturelle de diplomatie, qui m’a ouvert les yeux sur des horizons qui reflètent l’ADN de notre pays : une vocation internationale, un ancrage africain et une identité unique, que beaucoup nous envient, à juste titre », nous dit-il.

2. Multiculturel

L’éducation reçue par Youssef Amrani est à l’image de sa ville natale : internationale. Après une scolarité primaire et secondaire à l’école Adrien Berchet, puis au lycée Regnault, établissements français à Tanger, il effectue ses études supérieures – licence en sciences économiques obtenue en 1978 – à Rabat, à l’université Mohammed V, puis aux États-Unis, à la Boston University School of Management. Un parcours à cheval entre plusieurs cultures, qui lui a permis de développer une solide base académique, mais également une capacité à s’exprimer aussi bien en arabe, qu’en français, en espagnol, en anglais et en italien. L’ambassadeur du Maroc à Washington passe ainsi de l’une à l’autre avec une aisance qui a de quoi déconcerter ses interlocuteurs, ajoutant à la maîtrise de ces langues une connaissance fine des cultures qu’elles véhiculent et de leurs codes.

3. Mentors de choc

Derrière l’humour et l’apparente bonhomie de l’ambassadeur Amrani se cache un fin stratège, un négociateur redoutable à l’esprit vif, capable de lire une situation et ses acteurs en un instant. Diplomate chevronné, il manie aussi bien l’art de l’influence que celui de la réserve. Un savoir-faire que cet homme, qui ne manque jamais de rappeler qu’il a eu « l’honneur indicible de servir deux souverains, feu Sa Majesté le roi Hassan II et Sa Majesté le roi Mohammed VI », a développé tout au long de sa carrière, aux côtés de figures d’exception qui lui ont transmis des valeurs et des compétences fondamentales.
Il évoque avec reconnaissance M’hamed Boucetta, qui lui a inculqué « le sens politique et l’amour de la patrie », et Mohamed Benaïssa, dont il admire « la finesse critique, l’élégance, la courtoisie et la curiosité pour l’Amérique latine et le monde hispanique ». Il retient également de Taïeb Fassi-Fihri une maîtrise inégalée de la négociation internationale et une approche minutieuse et substantielle des différents dossiers prioritaires de la diplomatie marocaine – et particulièrement ceux liés à l’Union européenne. Driss Alaoui Mdaghri, quant à lui, est décrit comme « un fin connaisseur du Maghreb et un manager hors pair ».
Ces mentors lui ont inculqué des principes qu’il juge essentiels à l’exercice diplomatique : « La diplomatie n’est pas pour les hésitants ou les craintifs. Ils m’ont appris à être curieux, à aller vers l’autre et à faire le premier pas. » Plus que de simples conseillers, ces personnalités ont été des guides, dont il reconnaît l’impact encore aujourd’hui : « Leur maîtrise des mots et leur charisme naturel m’ont marqué de tellement de manières et continuent d’être une référence pour moi. »

4. Famille istiqlalienne

Issu d’une famille istiqlalienne, avec un père inspecteur du parti pour toute la région nord du Maroc – par ailleurs chef d’entreprise – et une mère militante, le futur diplomate a baigné durant ses années de jeunesse dans une atmosphère très patriote. « J’ai grandi porté par une envie forte de vivre pour le drapeau qui est le nôtre, et qui ne m’a jamais quittée depuis, l’engagement citoyen et la lutte pour l’unité nationale étaient un sujet récurrent des dîners de famille », se souvient cet aîné d’une fratrie de six enfants – 5 frères et une sœur. « Ce cocon familial a été mon premier espace de socialisation et sans doute le plus structurant. Mes premières négociations, ce fut avec eux que je les ai menées. »

À la maison, il voit défiler régulièrement des leaders politiques emblématiques de l’époque, à l’instar d’Allal El Fassi, qui ont lutté pour la récupération des territoires usurpés par la colonisation et l’indépendance du Maroc. « Les voir à l’œuvre a été sans doute plus déterminant que je le pense dans cet amour que je porte au métier. Leurs expériences m’ont familiarisé avec les valeurs cardinales du diplomate que sont la persévérance, la détermination et la solidarité. »

5. Passionné

Avant de poursuivre : « Les observer m’a également permis d’affiner des compétences nécessaires en matière de leadership, de communication et de travail en équipe. » Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Youssef Amrani sait trouver les mots pour convaincre et mener les hommes. Ce dont témoignent de nombreuses sources aux Affaires étrangères, dont ses collaborateurs, qui parlent de lui comme d’un diplomate inspirant, passionné, mais aussi très exigeant. « La vie a cette vertu de rendre plus légers les défis lorsqu’on est animé par une passion sincère et un amour profond pour ce que l’on fait, et pour les gens avec qui on le réalise », répond à ce propos l’homme qui, après quarante-cinq ans de carrière, continue de vouloir toujours faire mieux. « Peut-être que je suis un éternel insatisfait, mais je ne considère rien comme définitivement acquis. Chaque réunion, chaque jour est une occasion de faire mieux, de faire plus… Je m’intéresse au moindre détail, à la virgule, convaincu que c’est souvent à la marge, là où on s’y attend le moins, que l’on peut entrevoir des progressions inattendues, celles qui font la différence. »

6. Transmission

Youssef Amrani a à cœur de transmettre aux jeunes générations son savoir et son savoir-faire acquis au cours de sa longue expérience. Il a ainsi conçu un Guide du diplomate marocain et a été parmi les initiateurs du projet de l’Académie, qu’il a suivi et piloté de près avec ses équipes durant ses précédentes fonctions au ministère des Affaires étrangères, pour en faire un tremplin de l’efficience diplomatique du royaume. « La transmission est nécessaire et essentielle. Je me fais un devoir d’accorder du temps et de l’attention aux nouvelles générations, qui d’ailleurs me le rendent bien, m’apprenant souvent à leur tour beaucoup de choses que j’ignorais », commente-t-il. « Aujourd’hui, nous avons un Institut de formation, de recherche et d’études diplomatiques au sein même du département. Je le considère comme le cœur battant de notre diplomatie, et je me félicite de voir chaque année de nouvelles promotions éclore de celui-ci ».

7. Esprit de corps

Aux côtés de cette volonté de transmission, Youssef Amrani accorde aussi beaucoup d’importance à l’esprit de corps et à la solidarité. « Nos collègues, c’est une deuxième famille. Ensemble, nous œuvrons pour une cause qui nous dépasse et, naturellement, nous apprenons à nous connaître et à nous apprécier au-delà des simples relations professionnelles. Dans une ambassade, jeunes et moins jeunes collaborent dans une harmonie que peu soupçonneraient. Une ambassade, c’est un petit Maroc en dehors du Maroc : avec la même culture du vivre-ensemble, la même solidarité et la même camaraderie qui font la richesse de notre pays. Plus une mission est délicate, plus nos rangs se resserrent autour de la cause que nous défendons : servir les intérêts de la nation sans faiblir face aux efforts, sans céder aux difficultés, et en ne concédant que ce qui est juste et nécessaire. »

Et de marteler : « Ces dernières années, nos diplomates marocains se sont forgé beaucoup de vécu et une expérience sans précédent. De la gestion de la crise du Covid-19 aux succès diplomatiques qui se sont enchaînés, ils ont été les artisans d’une politique étrangère que Sa Majesté le roi Mohammed VI a voulue profondément humaniste, solidaire et ancrée dans une logique de co-développement. Cette vision royale guide au quotidien l’action de notre large appareil diplomatique à travers le monde. »

8. Âme sœur

Youssef Amrani est marié à l’essayiste et médecin Asma Lamrabet, qu’il évoque avec pudeur. Il choisit ses mots avec précaution, mesurant le poids de chaque expression lorsqu’il s’agit d’évoquer celle qui partage sa vie. « Loin de moi l’idée de gérer quoi que ce soit dans cette relation de vie que j’ai avec Asma. Elle est pour moi ce que j’espère être pour elle : le compagnon, le confident, l’ami qu’on ne saurait espérer dans une vie. » Puis, avec une sincérité presque retenue, il ajoute : « Connaissant sa pudeur, elle me reprochera sans doute d’en avoir déjà trop dit. »

Derrière cette réserve transparaît une admiration profonde pour le parcours et les engagements de son épouse. Médecin de formation, militante engagée pour une lecture progressiste et inclusive de l’islam, elle a mené ses combats intellectuels avec une constance rare. « Ses sacrifices ont été nombreux. En tant que médecin, elle a souvent dû interrompre ses activités pour me suivre dans les quatre coins du monde. » Pour autant, elle n’a jamais cessé d’œuvrer : à Mexico, Bogota, Santiago du Chili, elle s’est investie bénévolement en tant que médecin, tout en poursuivant ses recherches et en publiant des ouvrages qui ont marqué le débat sur l’islam et la place des femmes.

Une vision qui résonne avec celle de Youssef Amrani, qui défend une diplomatie moderne et inclusive. « Les femmes jouent un rôle croissant dans cette transformation. Leur présence dans des postes stratégiques enrichit notre diplomatie d’une sensibilité nouvelle, d’approches innovantes et de compétences solides. » Pour lui, l’intégration des femmes dans les sphères de décision diplomatique n’est pas seulement un progrès, mais une nécessité.

9. Priorités à Washington

Avant sa nomination en octobre 2023 comme ambassadeur du Maroc aux États-Unis, Youssef Amrani s’est forgé une carrière diplomatique de près de quarante-cinq ans, occupant des postes stratégiques au sein du ministère des Affaires étrangères, au Cabinet royal, ainsi que dans plusieurs ambassades, en Amérique latine et centrale (Colombie, Équateur, Panama, Chili, Mexique), mais aussi en Afrique du Sud (2019-2023). Un poste particulièrement sensible, Pretoria étant l’un des plus farouches opposants à la position marocaine sur le Sahara.

À Washington, Youssef Amrani s’attelle à consolider et amplifier l’alliance historique qui lie le Maroc aux États-Unis, la plus ancienne qu’ait connue l’Amérique. « Le Maroc, rappelle-t-il, n’a pas seulement été le premier pays au monde à reconnaître les États-Unis en 1777. Nous sommes le partenaire qui n’a jamais failli. » Ce partenariat stratégique s’articule autour de trois piliers : la coopération militaire, avec African Lion, l’exercice le plus important du continent, la relation économique, après vingt ans d’accord de libre-échange, et la défense du Sahara marocain, dans la continuité de la reconnaissance américaine de 2020.

Diplomate de terrain et fin connaisseur des cercles d’influence américains, Youssef Amrani privilégie une approche directe : rencontres avec les responsables politiques et économiques, plaidoyer dans les think tanks, dialogue permanent avec la diaspora marocaine. « Chaque journée est différente, mais toutes sont guidées par une même mission : renforcer ce partenariat stratégique unique. » Sa priorité ? Ancrer durablement le Maroc comme un acteur clé dans la stratégie américaine en Afrique et dans la région Mena.

10. Une part de rêve

Derrière l’homme de terrain et l’analyste des hautes sphères qu’est Youssef Amrani, il y a un esprit sensible, passionné d’art et de nature. Peinture, jardinage, pêche… il a de nombreux passe-temps et centres d’intérêt, sans doute plus que ce que son temps libre lui permet. « Rester connecté à ces activités m’a permis de garder une part de rêve dans un monde où les réalités vous rattrapent toujours trop vite. L’art est une échappatoire de l’esprit qui m’a toujours fasciné. Un tableau de Glaoui ou de Chaïbia parle du Maroc bien plus qu’un discours ne peut le faire », souligne celui qui s’évertue à partager son intérêt pour la peinture avec ses petits-enfants Yanis et Kenza en les emmenant notamment visiter des musées. Lorsqu’il n’est pas en train de défendre les intérêts du Maroc sur la scène internationale, il trouve refuge dans les couleurs et la structure, des prétextes uniques pour « voyager avec les sens ».

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