Moha
Oukziz, le 5/07/2017. France
L’intervention du Président
français devant le Parlement à Versailles à la veille du discours de son premier
ministre est une première dans l’histoire de la Ve République non pas parce
qu’il est intervenu devant les élus -ces prédécesseurs ont usé de leur droit
constitutionnel de s’exprimer devant les députés-, mais parce que c’est la
première fois que le Président de la République définit et prononce en place et
en lieu du Premier ministre le discours général de la politique du gouvernement.
Le lendemain, le Premier ministre quant à lui en tant que collaborateur prononce
le discours de la mise en place de la politique
présidentielle.
Le discours du Président qui vaut
discours de la politique générale du gouvernement est une première, néanmoins,
la rationalisation du pouvoir législatif n’est pas d’aujourd’hui, il s’agit même
de l’esprit de la Constitution du 4 octobre 1958 qui a réduit les pouvoirs du
législateur en la faveur de l’exécutif, manoeuvre de Charles de Gaulle à
laquelle les forces de l’opposition politique et sociale de l’époque ont été
farouchement opposé (voir les débats parlementaires précédant l’adoption de la
Constitution du 4 octobre 1958). Les études universitaires concernant les
institutions en France concluent que la tradition et l’héritage monarchiques en
France sont très forts et présents même actuellement. La forme républicaine de
l’Etat français est le fruit des luttes ouvrières de longue date même si la
classe ouvrière en France n’a jamais disposé des pouvoirs.
Le Président de la République,
pratiquement seul à la tête de l’exécutif, a livré son concept et les
orientations de sa politique générale. Il a privé, par le jeu constitutionnel,
les députés de toute discussion, parce qu’il est irresponsable devant le
Parlement et ne peut pas répondre aux questions des députés et en même temps
c’est bien le Président qui définit les orientations de la politique générale de
son gouvernement et le Premier ministre est ainsi réduit à un agent de l’Etat
dont la tache est d’appliquer ce que le Président souhaite au pays et au
peuple.
Le Président de la République a
pratiqué la rationalisation du pouvoir législatif que ses prédécesseurs ont
approuvé, autrement dit l’équilibre voulu par la Constitution de 58 entre le
pouvoir règlementaire et le pouvoir législatif conduit à réduire le législateur à une chambre
d’enregistrement des décisions et normes réglementaires et
législatives dont le Président maitrise l’élaboration, la présentation, la
promulgation et l’application. De bout en bout les pouvoirs sont concentrés à
l’Elysée. Ainsi le rôle et le pouvoir du Premier ministre sont vidés de toute
substance et il est réduit à un exécutant des choix
présidentiels.
Le pouvoir exécutif de la
République n’est plus dichotomique. Ce pouvoir dorénavant prend le dessus sur le
législateur par voie d’ordonnances comme le veut la volonté de la Constitution
mise en place en premier lieu par Charles de Gaulle. En second lieu par jeu de
conséquences, l’exécutif totalement présidentiel concentre les deux pouvoirs en
sa main jupitérienne.
Le Président de la République est
contre la protection qu’il qualifie d’assistanat et de charité, il est contre le
service public, il aspire à « l’esprit des lumières », à la « liberté forte », à
« l’efficacité », au « droit de faire » et à la « possibilité de faire ».
La liberté dans l’esprit et la
politique du Président, seul chef de l’exécutif, est celle de la liberté comme
c’est défini dans les lois décrets d’Allard et Le Chapelier de
1791.
La liberté au sens du chef de
l’exécutif, le Président de la République, est le synonyme de « laisser faire
laisser passer ». c’est aussi le synonyme au gout du chef de l’Etat d’exploiter
les salariés sans protection aucune. La liberté au sens du Président est
l’équité et non l’égalité des citoyens car cette dernière nuit aux règles du
marché et au libre échange. La solidarité et l’égalité ne vont pas de pair avec
la liberté des patrons que le Président s’est chargé de défendre en « un
taliban de l’économie du marché ».
La liberté dans le langage du
Président est celle de l’Ecole de Chicago née à Paris à laquelle
intellectuellement et politiquement adhère le chef de l’Etat. Von Hayek et
d’autres théoriciens du libéralisme sont contre l’autre courant libéral
interventionniste, c’est ce « chemin de l’efficacité » que Le Président de la
République veut faire emprunter au peuple français au nom de la
liberté.
Dans ce contexte, l’Etat aux yeux
du Président doit continuer à se réduire à arbitrer entre les salariés, le
peuple d’un côté et les patrons d’un autre côté et toujours en la faveur de ces
derniers. L’Etat doit continuer, aux yeux de l’exécutif, à abandonner d’être
règlementaire mais juste régulateur des enjeux politiques sociaux et économiques
en la faveur du marché et de la liberté du commerce et de l’industrie. L’Etat
doit continuer à être géré administré comme toute autre personne de droit privé,
comme toute entreprise, d’où la budgétisation des besoins collectifs et les
biens communs de la collectivité nationale.
Bref, l’Etat, toujours aux yeux
de Jupiter qui s’inspire des obscurités de «l’esprit des lumières» doit se
maintenir à ses seules fonctions régaliennes, c’est à dire à ses pouvoirs de
contraindre le peuple et de ne pas entraver la liberté du commerce et de
l’industrie comme c’était le cas au temps des «lumières». Le Président dans son
discours à Versailles croit avoir «la possibilité de faire » et réclame même
« le droit de faire » sans être interrogé comme c’était le cas à Versailles
d’hier et d’aujourd’hui. Et le Président ne manque pas de force et annonce sa
«liberté forte» au poignet serré d’achever toute protection sociale, tout droit
et liberté individuelle mais aussi toutes les libertés publiques, acquises par
des luttes ouvrières et faites de leurs sacrifices.
Le Premier ministre, pardon le
collaborateur du Président, observe que « nous dansons sur un volcan ». Ici le
« Nous » désigne le gouvernement, le Président et les classes dominantes. Le
volcan ne s’est jamais éteint, certes, espérons et œuvrons pour que les danses
et des ballets des patrons et de leur exécutif prennent
fin.
Il reste à signaler que les deux
forces d’opposition, PCF et FI, ne prétendent pas organiser le rapport de force
nécessaire à la lumière des luttes ouvrières et à la hauteur de cet instant
historique, de structurer les masses des salariés en force politique solide non
pas pas seulement mettre fin aux «danses» des dominants mais d’œuvrer à
l’accomplissement d’une autre société et l’aiguiller vers l’abolition de
l’exploitation des salariés.
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