Avec l’intensification des crises en 2023 dans la région arabe, la faim s’est exacerbée, selon un rapport lancé aujourd’hui par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale (CESAO).
Le rapport, intitulé «Aperçu régional de la sécurité alimentaire et de la nutrition pour le
Proche-Orient et l’Afrique du Nord», met en garde contre le
fait que la région arabe demeure loin d’atteindre les cibles de sécurité
alimentaire et de nutrition des
Objectifs de développement durable d’ici à 2030.
En 2023, 66,1 millions de personnes, soit environ 14 pour cent de la
population de la région arabe, ont été confrontées à la faim. Le rapport souligne
que l’accès à une alimentation adéquate reste difficile pour des
millions de
personnes. Approximativement 186,5 millions de personnes – 39,4 pour
cent de la
population — sont confrontées à une insécurité alimentaire modérée
ou grave, soit
une augmentation de 1,1 point de pourcentage par rapport à l’année
précédente. Fait alarmant, 72,7 millions de personnes ont été
confrontées à une insécurité alimentaire grave.
Selon les analyses du rapport,
les conflit est le principal facteur de l’insécurité alimentaire et de
la malnutrition dans la région. Les défis économiques, les fortes
inégalités de revenus et les phénomènes climatiques extrêmes jouent
également un rôle important. La hausse
des prix des denrées alimentaires a aggravé la crise. En 2023, les
taux de
sous-alimentation dans les pays touchés par un conflit ont grimpé à
26,4 pour
cent, soit quatre fois plus que les 6,6 pour cent enregistrés dans
les zones
non touchées par un conflit.
Malheureusement, les indicateurs de sécurité alimentaire et de
nutrition devraient encore se détériorer à cause des conflits en cours associés aux sécheresses persistantes
dans de nombreuses régions de la région.
Principales conclusions au-delà de la faim
L’accessibilité
économique à des régimes alimentaires sains reste un problème crucial,
qui touche plus d’un tiers de la population de la région arabe. En 2022,
de nouvelles
données sur les prix des denrées alimentaires et des améliorations
méthodologiques ont révélé que 151,3 millions de personnes n’avaient
pas les moyens d’avoir accès à un régime alimentaire sain. Les pays
touchés par un conflit
affichent les taux les plus élevés, avec 41,2 pour cent de leur
population
n’ayant pas les moyens de s’offrir un régime alimentaire sain.
Le
rapport souligne que la région arabe continue de souffrir du triple
fardeau de la malnutrition, notamment les tendances haussières de
l’obésité chez les enfants et les adultes, de l’émaciation et des
carences en nutriments telles que l’anémie chez les femmes.
Bien que des progrès aient été accomplis en termes de réduction des taux de retard de
croissance de 28 pour cent en 2000 à 19,9 pour cent en 2022, la réalisation des
objectifs nutritionnels dans la région arabe reste un
défi. La prévalence de l’émaciation chez les enfants a également dépassé la
moyenne mondiale, les pays à faible revenu affichant les taux les plus élevés
(14,6 pour cent).
En
2022, 9,5 pour cent des enfants de moins de cinq ans étaient en
surpoids, soit près du double de la moyenne mondiale. Il s’agit là
d’une augmentation de 8 pour cent depuis l’année 2000, les taux les plus
élevés étant observés en Libye, en
Tunisie et en Égypte.
Selon
l’Aperçu régional de la sécurité alimentaire et de la nutrition pour le
Proche-Orient et l’Afrique du Nord, la prévalence de l’anémie chez
les femmes âgées de 15 à 49 ans était de 33,2 pour cent en 2019, ce qui
est supérieur à la
moyenne mondiale, les taux les plus élevés étant enregistrés dans
les pays à
faible revenu (43,9 pour cent).
En dépit de quelques améliorations, les taux d’obésité chez les adultes dans les États arabes restent alarmants, avec
une prévalence de 32,1 pour cent en 2022, soit plus du double de la moyenne
mondiale. Les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure affichent
les taux les plus élevés (33,8 pour cent), avec l’Égypte, le Qatar et le Koweït en tête.
Favoriser la transformation agroalimentaire grâce à un financement
innovant
Le thème du rapport de 2024, «Financer la transformation des systèmes agroalimentaires pour la sécurité alimentaire et la nutrition»,
souligne la nécessité d’une stratégie globale pour atteindre l’ODD 2:
Faim zéro. Il met l’accent sur la nécessité de transformer et de
renforcer les systèmes agroalimentaires, de s’attaquer aux inégalités et
de veiller à ce que des régimes alimentaires
sains soient abordables et accessibles à tous.
L’Aperçu régional de la sécurité alimentaire et de la nutrition 2024 pour la
région NENA lance un appel urgent à un financement plus
important et plus
rentable. Il recommande des mécanismes de financement innovants —
tels que les dotations en capital, le financement basé sur les
résultats, le financement climatique, les échanges de créances, les
engagements
préalables sur le marché et les incubateurs d’innovation — pour
combler le déficit de financement. Le rapport met en évidence la
nécessité d’adapter ces approches aux capacités financières de
chaque pays et d’aligner les objectifs des parties prenantes afin de
préserver les systèmes agroalimentaires. Il appelle, en plus, à la mise
en place d’environnements réglementaires favorables et à l’amélioration
des politiques dans le but d'attirer les capitaux vers ces
instruments innovants.
«Il
est à présent crucial d’optimiser l’utilisation des ressources
publiques existantes et d’obtenir des financements supplémentaires pour
impulser des effets
positifs au niveau des systèmes agroalimentaires, socio-économiques
et environnementaux. Les
instruments financiers innovants sont essentiels pour transformer
les systèmes agroalimentaires dans les États arabes et combler le
déficit de
financement», a déclaré le Sous-Directeur général de la FAO et
Représentant régional de la
région NENA, Abdulhakim Elwaer, dans l’avant-propos conjoint du
rapport, aux côtés de la Directrice régionale
de la Division Proche-Orient, Afrique du Nord et Europe du FIDA,
Dina Saleh; le
Directeur régional de l’UNICEF pour le Moyen-Orient et l'Afrique du
Nord, Edouard Beigbeder; la
Directrice régionale du PAM pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord
et l’Europe de l’Est, Corinne
Fleischer; la directrice régionale de l’OMS pour la Méditerranée
orientale, Dr. Hanan Balkhy; et la secrétaire exécutive de la CESAO,
Rola Dashti.
Les
agences onusiennes affirment que les conclusions du rapport
donneront un nouvel élan à la transformation des systèmes
agroalimentaires dans la région arabe, en créant des systèmes
agroalimentaires plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et
plus durables pour les populations et la planète.
S’appuyant
sur les conclusions du rapport, les agences onusiennes ont
publié la «Déclaration du Caire sur le financement de la
transformation des
systèmes agroalimentaires dans la région du Proche-Orient et de
l’Afrique du Nord» lors de l’événement de lancement organisé
aujourd’hui. Dans cette déclaration, elles assurent leur engagement à
approfondir la collaboration entre elles et avec les banques de
développement
internationales et régionales, le secteur privé et les gouvernements
nationaux.
Cet effort de collaboration vise à développer, augmenter et déployer
des
ressources financières supplémentaires pour soutenir la
transformation des systèmes agroalimentaires régionaux afin de parvenir à
la sécurité
alimentaire et à la nutrition.
Les
agences des Nations Unies proposent également de lancer des
plateformes de financement collaboratif. Ces initiatives se feront
en collaboration avec les gouvernements bénéficiaires, les
partenaires de développement et de financement pour atteindre
l'ODD2.
Glossaire des termes clés
- Régimes
alimentaires sains: cela inclut quatre aspects essentiels: la diversité
(au sein des groupes alimentaires et entre eux), l’adéquation
(suffisance de tous les nutriments essentiels par rapport aux besoins),
la modération (aliments et nutriments ayant de faibles résultats sur la
santé) et l’équilibre (apport en énergie et en macronutriments). Les
aliments consommés doivent être sûrs.
- Faim: sensation
inconfortable ou douloureuse causée par une insuffisance d’énergie
causée par l’alimentation. Dans ce rapport, le terme faim est synonyme
de sous-alimentation chronique et est mesuré par la prévalence de la
sous-nutrition (PoU).
- Malnutrition: état physiologique anormal
causé par un apport inadéquat, déséquilibré ou excessif de
macronutriments et/ou de micronutriments et/ou par une maladie qui
entraîne une perte de poids. La malnutrition comprend la sous-nutrition
(retard de croissance et émaciation), les carences en vitamines et
minéraux (également appelées carences en micronutriments) ainsi que le
surpoids et l’obésité.
- Insécurité alimentaire modérée: niveau
de gravité de l'insécurité alimentaire des personnes confrontées à des
incertitudes quant à leur capacité à obtenir de la nourriture et
contraintes de réduire, à certains moments de l’année, la qualité et/ou
la quantité de nourriture qu’elles consomment en raison d’un manque
d’argent ou d’autres ressources. Il s’agit d’un manque d’accès régulier à
la nourriture, qui diminue la qualité de l’alimentation et perturbe les
habitudes alimentaires. Elle est mesurée à l’aide de l'échelle de
l’insécurité alimentaire vécue et contribue à suivre les progrès
accomplis dans la réalisation de la cible 2.1 de l’ODD (indicateur
2.1.2).
- Insécurité alimentaire grave: niveau de gravité de
l'insécurité alimentaire auquel, à un moment donné de l’année, les gens
ont manqué de nourriture, ont connu la faim et, dans les cas les plus
extrêmes, sont restés sans manger pendant un jour ou plus. Elle est
mesurée à l'aide de l’échelle de l’insécurité
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