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Télégrammes

Les autorités espagnoles ont saisi une cargaison de poivrons en provenance du Maroc après avoir découvert des niveaux élevés de cadmium. Les poivrons marocains ont été saisis lors des contrôles aux frontières, les empêchant d'atteindre les rayons des supermarchés espagnols ou du reste de l'Union européenne. Manger des aliments ou boire de l’eau contenant des niveaux très élevés de cadmium provoque une grave irritation de l’estomac, entraînant des vomissements et de la diarrhée, et dans certains cas, peut entraîner la mort. De plus, la consommation de faibles niveaux de cadmium sur une longue période peut entraîner une accumulation de cadmium dans les reins, et si le niveau atteint un niveau suffisamment élevé, des lésions rénales.

lundi 24 mars 2025

Ces patrons marocains à la conquête du monde


Un reportage en deux volets de Jeune Afrique

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Adil Douiri, Zouhair Bennani, Mohamed Horani… Les recettes marocaines du succès à l’étranger 

Traditionnellement enclins à s’étendre en Afrique subsaharienne, de plus en plus de grands groupes issus du royaume mettent désormais le cap vers l’Europe ou les États-Unis. Et s’en félicitent. 

Bilal Mousjid, Jeune Afrique, 20/3/2025

Pendant plusieurs décennies, les success stories du capitalisme marocain furent incarnées par des figures aux parcours peu ou prou similaires : nés avant l’indépendance dans un milieu modeste ou pauvre, ils quittent leur village de naissance pour tenter leur chance à Casablanca, où ils finissent par bâtir des empires. En l’espèce, le fondateur de Ynna holding, Miloud Chaâbi, un berger devenu l’une des plus grosses fortunes du royaume, Mohamed Amhal, un aide épicier devenu prince des hydrocarbures à travers son groupe Somepi, ou encore Ahmed Oulhaj Akhannouch, fondateur du géant Akwa, sont des cas emblématiques.


De gauche à droite: Rita Zniber, Adil Douiri et Othman Benjelloun. © Mohamed Aly Diabate/ACF, DR, Bank of Africa. PHOTOMONTAGE JA.

Ces succès, comme ceux d’autres champions nationaux, ne se sont toutefois pas étendus au-delà des frontières du royaume sous la houlette des fondateurs. « Ils n’osaient pas, car ils ne croyaient pas en être capables », commente Zakaria Fahim, spécialiste en transmission d’entreprises familiales. C’est sous la direction d’une nouvelle génération que la plupart des grands groupes marocains ont franchi le pas de l’expansion à l’étranger, en se lançant d’abord à la conquête des marchés subsahariens, en particulier dans la finance et les télécoms. Avant de mettre le cap vers les pays du Nord. « Les enfants ont été les accélérateurs du développement de ces groupes. Comme ils ont été, pour beaucoup, formés en Europe et qu’ils y ont des partenaires, ils franchissent les frontières plus facilement », décrypte Zakaria Fahim, associé gérant au sein du cabinet BDO Maroc.

« Cela veut dire qu’ils ont pris confiance en eux et ont atteint une certaine dimension qui leur permet de lever des fonds. C’est un mélange de confiance, de taille critique et de capacité à profiter des marchés matures, grâce à leur compétitivité, leurs compétences et leur taille », nous expliquait récemment le ministre de l’Industrie, Ryad Mezzour.

Mohamed Horani à la conquête du monde

« S’il y a un groupe marocain dont l’expansion dans le monde doit nous inspirer tous, c’est HPS », lance d’emblée un homme d’affaires marocain. Né à Casablanca dans une famille très modeste du quartier populaire de Derb Fokara – littéralement « quartier des pauvres » –, Mohamed Horani a fondé Hightech Payment Systems (HPS), avec trois associés, en février 1995.

Trente ans plus tard, la start-up spécialisée dans la fourniture de solutions monétiques est devenue une multinationale qui équipe quelque 500 banques dans le monde, dont le géant HSBC, le français Crédit agricole ou encore DBS à Singapour. « Nos technologies sont utilisées dans 96 pays sur les cinq continents », se félicite le président du groupe, qui a fait l’acquisition, en août dernier, de l’irlandais CR2 Limited. Possédant déjà des bureaux en Afrique, en Europe, en Asie et au Moyen-Orient, HPS a annoncé ces deux dernières années de nouvelles ouvertures en Inde, au Canada et en Australie.

La recette de son succès ? « Nous nous distinguons par notre technologie. Entre 14 et 16 % de nos revenus sont investis dans la recherche et le développement », répond Mohamed Horani, qui vante également « la diversité du conseil d’administration, qui compte six administrateurs indépendants sur un total de dix ». « Il y a une diversité tant au niveau des générations qu’au niveau des nationalités des membres, de sorte que l’on ait des points de vue différents et ouverts sur le monde », poursuit le patron de la multinationale, qui affiche, fin 2024, des revenus de 1,25 milliard de dirhams (près de 120 millions d’euros), dont 65 % sont réalisés en dehors de l’Afrique.

Dislog, un modèle gagnant

L’expansion spectaculaire de HPS n’est pas sans rappeler, toutes proportions gardées, la trajectoire de Dislog, groupe spécialisé dans les métiers de l’hygiène, l’alimentation et la santé. Domiciliée, lors de sa création en 2004, dans un studio à Casablanca, l’entreprise de Moncef Belkhayat est aujourd’hui un des plus grands distributeurs en Europe, où elle revendique 20 000 points de vente et collabore avec de grandes enseignes comme Carrefour, Monoprix, Franprix, Auchan, Intermarché ou Casino. Une envergure acquise notamment grâce  au rachat, en 2024, de Chef Sam, un groupe espagnol partenaire de plusieurs marques dans neuf pays européens (Angleterre, Espagne, France, Pologne, Portugal, Roumanie et pays du Benelux).

« Au vu de notre expertise, de nos capacités et de nos ressources humaines, on s’est dit qu’on était capable de grandir à l’échelle internationale. Après une analyse du marché africain, marqué par l’instabilité tant au niveau douanier que tarifaire, dépourvu de profondeur pour des groupes comme le nôtre, nous avons décidé d’aller en Europe occidentale », confiait Moncef Belkhayat à Jeune Afrique en juillet dernier. Un choix payant, puisque Dislog Group tire aujourd’hui 20 % de son chiffre d’affaires (3,3 milliards de dirhams en 2023) de ses activités en Europe.

Label’Vie sur les pas de Carrefour

Dans la grande distribution, un autre champion national a planté, ces dernières années, son drapeau dans l’Hexagone : Label’Vie. Le groupe dirigé par Zouhair Bennani a conclu avec Carrefour un contrat de gestion de six hypermarchés en France, à Paris, Grenoble et Marseille. « Ils sont parmi les plus grands de France », s’enorgueillit le P-DG du groupe coté à la Bourse de Casablanca. Présent dans 33 villes du royaume à travers 270 magasins (Carrefour, Carrefour Market, Carrefour Express, Atacadao et Supeco) et en Côte d’Ivoire – où il est en concurrence avec Carrefour – Label’Vie a réussi à se frayer un chemin sur le marché tricolore en analysant les habitudes de consommation dans les zones d’implantation, en Afrique comme en France, où certains hypermarchés accusaient des contre-performances dont Carrefour peinait à trouver l’origine.

« La grande distribution représente 90 % de parts de marché en France, contre 20 % au Maroc et moins de 10 % en Côte d’Ivoire. Tous les acteurs présents sur ce segment ont donc des concepts préétablis et des modèles de distribution. Ils ont du mal à les modifier, car ils ont grandi grâce à eux, ont formé leurs équipes en fonction de ces modèles et s’en sont servis pour s’internationaliser », détaille Zouhair Bennani, qui met en avant, à l’inverse, l’approche plus pragmatique de Label’Vie, « qui a démarré de zéro et n’en est qu’à la deuxième génération » de gestionnaires de supermarchés.

Il faut dire aussi que les six magasins tricolores sont situés dans des quartiers populaires, où réside une population majoritairement musulmane, un argument clé dans l’expansion de Label’Vie en France. « Quand on veut s’implanter dans certains quartiers, à Marseille ou à Grenoble, on ne s’amuse pas, par exemple, à faire la foire au vin pendant le ramadan. Autrement, il ne faut pas s’étonner d’une baisse du chiffre d’affaires pendant cette période », illustre l’homme d’affaires, qui ne nie pas cette gestion spécifique.

« Cela compte, mais ce n’est pas tout. L’essentiel est de s’adapter aux différents clients », poursuit-il. Là encore, la stratégie semble porter ses fruits puisque les filiales ivoirienne et française généreraient, selon nos informations, 50 % des revenus du groupe, dont le chiffre d’affaires s’est élevé à 16,4 milliards de dirhams (1,5 milliard d’euros) en 2024, en hausse de 3,9 % par rapport à 2023. « Les filiales étrangères sont portées non par Label’Vie, mais par la holding mère [Retail Holding]. Leur potentiel est si important que je suis persuadé qu’elles vont dépasser les activités réalisées au Maroc », conclut Zouhair Bennani.

Mutandis comme un poisson dans l’eau aux États-Unis

Grande figure du monde des affaires au Maroc, le patron de Mutandis, Adil Douiri, est à l’affût d’acquisitions à l’étranger, mais pas quel qu’en soit le prix. L’Europe ? L’ancien ministre du Tourisme la juge quelque peu « molle ». L’Afrique subsaharienne ? « On a du mal », reconnaît-il. Son groupe possède bien Anny, une marque de conserve de sardines leader dans la région des Grands Lacs, mais il n’en tire pas de mérite particulier, car il en a hérité « en prenant le contrôle d’une conserverie marocaine fondée du temps de la colonisation et qui fournissait les colonies belges en Afrique ».

La véritable opportunité s’est concrétisée, en 2021, à travers le rachat – pour 406 millions de dirhams – de l’américain Season, marque leader de la conserve de sardines haut de gamme. Un choix audacieux, le marché de l’Oncle Sam n’étant pas très prisé par les investisseurs marocains. Pour le fondateur de CFG Bank, cette expansion sur le marché américain coule de source. « Le marché est très dynamique, très profond et de très grande taille. L’Europe est stagnante alors que l’Amérique se développe très vite avec un marché de consommateurs énorme. C’est peut-être le meilleur au monde avec les marchés asiatiques », explique l’ingénieur, dont la carrière a débuté, en 1985, chez BNP Paribas, où il a géré jusqu’en 1992 des portefeuilles investis aux États-Unis.

Le Maroc étant le leader mondial de la conserve de sardines et Mutandis étant lui-même producteur et exportateur de ce produit, l’ingénieur n’a pas hésité longtemps à racheter Season – un dossier qui lui a été présenté par Attijariwafa Bank et la banque américaine Raymond James. « Le prix auquel les consommateurs américains sont prêts à acheter une boite de conserve est beaucoup plus élevé que pour les consommateurs africains. S’il était possible, l’idéal serait même de prendre toutes les sardines marocaines et de les vendre aux États-Unis. C’est le débouché le plus rentable, celui qui produit le plus de richesses : le plus de marge brute pour les Marocains, le plus de salaire distribuable, le plus de réserve de changes de dirhams en devise… », énumère-t-il. La concurrence ? Elle vient en premier lieu de certains de ses compatriotes, ainsi que de producteurs asiatiques, notamment thailandais et chinois.

« Aux États-Unis, nous avons 25 % de parts de marché et 50 % sur le créneau de la conserve premium, que l’on peut définir comme étant vendue à plus de 2 dollars ou 2,50 dollars la boîte », détaille Adil Douiri. Sitôt le deal conclu, Mutandis a ainsi dédié une partie ses usines au marché américain. « La logique est simple : chaque kilogramme de poisson pêché dans la mer doit être transformé et vendu au prix au kilo le plus élevé pour le royaume du Maroc. Autrement, c’est dommage », conclut le banquier.

2/2
Othman Benjelloun et Rita Zniber : quand des capitaines d’industrie marocains ratent leur expansion en Europe 

À la tête de géants industriels ou financiers au Maroc, des patrons ont toutefois échoué à se développer en Europe. Plongée dans deux ratés emblématiques. 

Bilal Mousjid, Jeune Afrique, 21/3/2025 

Il est des dates qui marquent particulièrement l’histoire d’un groupe. Le 21 novembre 2007 en est une pour Bank of Africa (BOA). Ce jour-là à Londres, Othman Benjelloun célèbre, en grande pompe, le lancement de sa banque de droit britannique MediCapital Bank. Organisée à la Maison House de la City, la cérémonie réunit des personnalités du monde de la finance, des ministres, et des hommes de lettres, tous venus assister au coup d’envoi d’un des projets les plus ambitieux du doyen des banquiers marocains.

Seule banque maghrébine et d’Afrique francophone présente au cœur de la finance européenne, MediCapital Bank est spécialisée dans le corporate banking, la banque d’Investissement et de marchés. Son ambition est alors de servir de pont entre les investisseurs internationaux et les entreprises ou les banques africaines en ciblant particulièrement les opérations dont le montant va de 50 à 200 millions d’euros.

« De portée stratégique, ce nouveau projet du groupe BMCE Bank devrait être porteur de valeur ajoutée économique significative, à la fois pour le groupe et pour le Maroc, qui se veut être un acteur dynamique dans la promotion économique et politique de la région Méditerranéenne et du continent africain dans son ensemble », espérait alors BMCE Bank (aujourd’hui BOA).

Il était une fois MediCapital Bank

À la tête de l’empire FinanceCom – devenu depuis O Capital –, dont les activités vont de la finance au tourisme en passant par les télécoms ou encore le transport, Othman Benjelloun est à cette époque, un homme d’affaires qui réussit tout ce qu’il entreprend.

Après avoir ouvert plusieurs filiales de BMCE en Afrique subsaharienne, le banquier veut aller plus loin pour « permettre aux opérateurs africains d’avoir accès au marché international des capitaux pour financer leurs projets d’investissement et de développement et d’introduire les investisseurs étrangers sur le continent africain », indique un rapport de l’institution bancaire.

« Il était persuadé qu’il allait réussir », se souvient un ancien associé de Benjelloun. Mais c’est sans compter sur la crise financière qui bouleversera le monde à peine quelques mois après la création de MediCapital Bank. Conséquence : non seulement l’activité de la filiale ne décolle pas mais les pertes s’accumulent (près de 20 millions d’euros entre 2007 et 2008), plombant les comptes de la banque mère.

Trois ans plus tard, le milliardaire fait marche arrière et rebaptise la filiale BMCE Bank International, abandonnant toute l’activité relative aux marchés des capitaux et, par là même, ses ambitions africaines à partir de l’Europe.

Alors qu’elle tablait sur un profit allant jusqu’à 10 millions de dollars dès 2010, la banque n’a enregistré son premier résultat net positif (1,2 million d’euros) qu’en 2012. « Beaucoup parlent d’une perte de 65 millions d’euros dans ce projet mais cette aventure a coûté réellement le double à Benjelloun. Mais l’histoire retiendra qu’il a tenté l’aventure et que la BMCE s’est relevée après cet échec », relève son ex-associé.

L’échec n’a en tout cas pas freiné les ambitions du tycoon de la finance, qui a obtenu, en 2018, un agrément pour ouvrir une succursale à Shanghai, en Chine. « Bank of Africa Shanghai a adopté une gestion des risques optimisée et a représenté activement le groupe auprès des opérateurs économiques publics et privés chinois souhaitant investir sur le marché africain », indique rapport annuel de la banque relatif à l’exercice de 2023. La succursale a réalisé, « malgré un contexte peu favorable », un résultat net de 17,24 millions de dirhams contre 6,63 millions en 2022.

Le domaine viticole de Brahim Zniber, près de Meknès, en 2009. © Abdelhak Senna / AFP

La grande aventure de Rita Maria Zniber

Deux ans avant son décès, en septembre 2016, Brahim Zniber passe le témoin à son épouse, Rita Maria Zniber, à la tête de Diana holding. Actif dans l’agriculture, la distribution et l’industrie, l’empire du vin ne s’est alors jamais aventuré en dehors du royaume. À peine quatre mois après avoir pris les rênes du groupe, Rita Maria Zniber s’y attelle en jetant son dévolu sur le géant français Marie Brizard Wine & Spirits (MBWS, ex-groupe Belvédère), connu dans le monde entier pour sa marque de whisky William Peel, sa vodka Sobieski ou encore sa liqueur d’anisette Marie Brizard.

Durant le mois de septembre 2014, la nouvelle PDG acquiert 13,14 % du capital. Déjà actionnaire majoritaire, Diana Holding poursuit son offensive pour atteindre, en 2015, 16,61 % du capital et 16,47 % des droits de vote. Mais cette prouesse ne tardera pas à attirer l’attention du gendarme boursier français, qui soupçonne alors le groupe de délit d’initié.

L’autorité des marchés financiers (AMF) lui reproche « d’avoir acquis des titres de MBWS en utilisant plusieurs informations relatives au dépassement par cette société de son objectif de résultat avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements (EBITDA) ; au renforcement de sa structure financière, ainsi qu’à l’actualisation d’un plan stratégique annonçant de nouveaux objectifs et revoyant à la hausse les prévisions de chiffres d’affaires et d’EBITDA », retrace un document de l’AMF.

Commence alors la descente aux enfers pour le groupe viticole marocain et sa dirigeante. En avril 2017, les enquêteurs de l’AMF effectuent alors une visite au siège de MBWS pour « procéder à la saisie de toute pièce ou document utile à la manifestation de la vérité et susceptible de caractériser la communication et/ou l’utilisation d’une information privilégiée », y compris les téléphones portables de Zniber et de Hachem Belghiti, un de ses bras droits.

Le verdict tombe quatre ans plus tard : une sanction de 10 millions d’euros est prononcée à l’encontre est de Diana Holding, ainsi que 6 millions d’euros à l’encontre de Rita Maria Zniber – qui a toujours nié les faits qui lui ont reproché. Contestant la saisie de ses données, Rita Maria Zniber a saisi le 14 avril 2023 la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour « atteinte à la vie privée ».

Quelle que soit la décision de la juridiction internationale, la famille Zniber – qui ne détient plus aujourd’hui que 3,52 % du capital de MBWS – a perdu des dizaines de millions d’euros dans cette affaire. « L’opération Marie Brizard était sous-tendue par une stratégie solide qui aurait pu porter tous ses fruits. Si nous avions pu poursuivre notre politique et nos ambitions, si nous n’avions pas été freinés par des manœuvres douteuses, cela aurait été le jackpot. Cela n’a pas eu lieu. Il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur », réagissait, en 2023, la patronne de Diana Holding auprès de Jeune Afrique.


samedi 22 mars 2025

“Je suis un prisonnier politique” : Lettre de Mahmoud Khalil depuis un centre de détention de l’ICE

Mahmoud Khalil, Jacobin, 20/3/2025
Traduit par Fausto Giudice
Tlaxcala  

Mahmoud Khalil, qui a été détenu et visé par une procédure d’expulsion par l’administration Trump pour avoir dénoncé les atrocités commises à Gaza, a dicté une lettre au public depuis sa cellule de détention en Louisiane. 
Je m’appelle Mahmoud Khalil et je suis un prisonnier politique. Je vous écris depuis un centre de détention en Louisiane où je me réveille dans le froid et passe de longues journées à témoigner des injustices silencieuses commises contre un grand nombre de personnes privées de la protection de la loi.

Qui a le droit d’avoir des droits ? Ce ne sont certainement pas les êtres humains entassés dans les cellules ici. Ce n’est pas l’homme sénégalais que j’ai rencontré et qui est privé de liberté depuis un an, sa situation juridique étant dans l’incertitude et sa famille outre-océan. Ce n’est pas le détenu de vingt et un ans que j’ai rencontré, qui a mis les pieds dans ce pays à l’âge de neuf ans, pour être ensuite expulsé sans même une audience.

La justice échappe aux contours des centres d’immigration de ce pays.

Le 8 mars, j’ai été arrêté par des agents du Département de la sécurité intérieure (DHS) qui ont refusé de me présenter un mandat et qui nous ont interpellés, ma femme et moi, alors que nous revenions d’un dîner. À présent, les images de cette nuit-là ont été rendues publiques. Avant que je ne sache ce qui se passait, les agents m’ont menotté et m’ont fait monter de force dans une voiture banalisée. À ce moment-là, ma seule préoccupation était la sécurité de Noor. Je ne savais pas si elle serait également emmenée, car les agents avaient menacé de l’arrêter pour ne pas m’avoir quitté. Le DHS ne m’a rien dit pendant des heures. Je ne connaissais pas la raison de mon arrestation ni si j’étais menacé d’expulsion immédiate. Au 26 Federal Plaza [à New York], j’ai dormi sur le sol froid. Tôt le matin, des agents m’ont transporté dans un autre centre à Elizabeth, dans le New Jersey. Là-bas, j’ai dormi par terre et on m’a refusé une couverture malgré ma demande.

Mon arrestation était une conséquence directe de l’exercice de mon droit à la liberté d’expression alors que je plaidais pour une Palestine libre et la fin du génocide à Gaza, qui a repris de plus belle lundi soir. Le cessez-le-feu de janvier étant désormais rompu, les parents à Gaza bercent à nouveau leurs enfants dans des linceuls trop petits et les familles sont obligées de choisir entre la faim et le déplacement ou les bombes. Il est de notre devoir moral de poursuivre la lutte pour leur liberté totale.

Je suis né dans un camp de réfugiés palestiniens en Syrie, dans une famille qui a été chassée de ses terres depuis la Nakba de 1948. J’ai passé ma jeunesse à proximité de ma patrie, mais loin d’elle. Mais être Palestinien est une expérience qui transcende les frontières. Je vois dans ma situation des similitudes avec le recours par Israël à la détention administrative - l’emprisonnement sans procès ni accusation - pour priver les Palestiniens de leurs droits. Je pense à notre ami Omar Khatib, qui a été incarcéré sans inculpation ni jugement par Israël alors qu’il rentrait chez lui après un voyage. Je pense au directeur de l’hôpital de Gaza et pédiatre Dr Hussam Abu Safiya, qui a été fait prisonnier par l’armée israélienne le 27 décembre et qui se trouve aujourd’hui dans un camp de torture israélien. Pour les Palestiniens, l’emprisonnement sans procédure régulière est monnaie courante.

L’administration Trump me prend pour cible dans le cadre d’une stratégie plus large visant à réprimer la dissidence. Les détenteurs de visas, les détenteurs de cartes vertes et les citoyens seront tous pris pour cible en raison de leurs convictions politiques. 

J’ai toujours pensé que mon devoir n’était pas seulement de me libérer de l’oppresseur, mais aussi de libérer mes oppresseurs de leur haine et de leur peur. Ma détention injuste est révélatrice du racisme anti-palestinien dont les administrations Biden et Trump ont fait preuve au cours des seize derniers mois, alors que les USA ont continué à fournir à Israël des armes pour tuer des Palestiniens et ont empêché toute intervention internationale. Pendant des décennies, le racisme anti-palestinien a motivé les efforts visant à étendre les lois et les pratiques usaméricaines utilisées pour réprimer violemment les Palestiniens, les Arabes usaméricains et d’autres communautés. C’est précisément pour cela que je suis pris pour cible.

Alors que j’attends des décisions juridiques qui mettent en jeu l’avenir de ma femme et de mon enfant, ceux qui ont permis que je sois pris pour cible restent confortablement installés à l’université de Columbia. Les présidents [Minouche] Shafik, [Katrina] Armstrong et la doyenne [Keren] Yarhi-Milo ont préparé le terrain pour que le gouvernement usaméricain me cible en sanctionnant arbitrairement des étudiants propalestiniens et en permettant que des campagnes virales de dénigrement - basées sur le racisme et la désinformation – continuent en toute impunité

Columbia m’a ciblé pour mon activisme, en créant un nouveau bureau disciplinaire autoritaire pour contourner les procédures régulières et faire taire les étudiants qui critiquent Israël. L’université Columbia a cédé aux pressions fédérales en divulguant les dossiers des étudiants au Congrès et en cédant aux dernières menaces de l’administration Trump. Mon arrestation, l’expulsion ou la suspension d’au moins vingt-deux étudiants de Columbia – dont certains ont été privés de leur diplôme de licence quelques semaines avant l’obtention de leur diplôme – et l’expulsion du président des SWC [Student Workers of Columbia] Grant Miner à la veille des négociations contractuelles en sont des exemples évidents.

Ma détention, si elle a un sens, témoigne de la force du mouvement étudiant pour faire évoluer l’opinion publique en faveur de la libération des Palestiniens. Les étudiants ont longtemps été à l’avant-garde du changement, menant la charge contre la guerre du Vietnam, se tenant en première ligne du mouvement des droits civiques et menant la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Aujourd’hui encore, même si le public ne l’a pas encore pleinement compris, ce sont les étudiants qui nous guident vers la vérité et la justice.

L’administration Trump me prend pour cible dans le cadre d’une stratégie plus large visant à réprimer la dissidence. Les détenteurs de visas, les détenteurs de cartes vertes et les citoyens seront tous pris pour cible en raison de leurs convictions politiques. Dans les semaines à venir, les étudiants, les défenseurs des droits et les élus doivent s’unir pour défendre le droit de manifester pour la Palestine. Ce qui est en jeu, ce ne sont pas seulement nos voix, mais les libertés civiles fondamentales de tous.

Sachant parfaitement que ce moment transcende ma situation personnelle, j’espère néanmoins être libre d’assister à la naissance de mon premier enfant.


vendredi 21 mars 2025

“Je suis là où je pense”
Walter Mignolo, penseur décolonial

À presque 84 ans (il les aura le 1er mai), Walter Mignolo peut faire état d’un curriculum et d’une bibliographie impressionnants. Né à Corral de Bustos, dans la pampa gringa chica argentine, ce fils de paysans italiens émigrés dans la province de Córdoba était un gringo aux yeux des criollos et des gauchos. Avec une licence de philosophie de l’Université de Córdoba, il décroche une bourse pour la France et s’embarque vers Paris quelques mois après le Cordobazo, l’explosion sociale. 

À Paris, il rejoint l’École des hautes études en sciences sociales et suit les cours de Roland Barthes,Gérard Genette, Algirdas Greimas et Oswald Ducrot. Le gringo est devenu un « Sud-Américain ». Muni d’un doctorat en sémiologie en 1974, il débarque aux USA après un bref crochet par Toulouse. De l’Université d’Indiana, il passe à celle du Michigan puis enfin à la Duke University de Durham, en Caroline du Nord, où il fera la plus grande partie de sa carrière universitaire. Lecteur de Foucault et des structuralistes, il bifurque vers ce qui deviendra l’école décoloniale, inspirée notamment par les écrits de Frantz Fanon. Aux USA, l’Italo-Argentin est devenu un Latino, ou un Hispanic. 

En plus de 40 ans, Mignolo a produit un corpus de textes (livres, articles, conférences) passionnants dans le cadre du réseau modernité/colonialité, un réseau informel de chercheur·es et de penseur·es principalement latin@s, éparpillé·es aux quatre coins des malnommées “Amériques”. 

Ses livres, publiés en anglais et en espagnol, ont été, pour certains, traduits dans d’autres langues, à l’exception…du français ! En effet, on ne trouve qu’un seul livre de Mignolo traduit en français, La désobéissance épistémique. Incroyable, mais vrai ! Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. 

Je vous propose donc, pour commencer, deux entretiens avec Walter Mignolo, datant de 2000 et 2007, qui vous permettront de découvrir le personnage et son œuvre. D’autres textes suivront, si nous parvenons à survivre.- Fausto GiudiceTlaxcala 

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mercredi 19 mars 2025

Appel de soutien maghrébin et international au militant des droits humains Fouad Abdelmoumni

Plus de 300 personnalités maghrébines et du monde entier ont signé ce texte-pétition de soutien au militant marocain des droits humains Fouad Abdelmoumni, condamné par le Tribunal correctionnel de Casablanca à six mois de prison ferme pour “diffusion de fausses informations”. [English version here]


Fouad Abdelmoumni, 66 ans, ancien secrétaire général de Transparency Maroc et militant des droits humains, a été condamné le 3 mars 2025, en première instance, à six mois de prison pour « diffusion de fausses informations » : le tribunal correctionnel de Casablanca lui reproche d’avoir relayé, sur sa page Facebook, des accusations d’espionnage de la France par le Maroc.

En 2021, une grande enquête, menée par un consortium de médias internationaux, avait conclu que le Maroc avait bien utilisé le logiciel Pegasus pour infiltrer les téléphones de nombreuses personnalités publiques marocaines et étrangères, dont celui du président français Emmanuel Macron. Mais le gouvernement marocain a démenti ce qu’il a qualifié « d’allégations mensongères et infondées », et a engagé plusieurs procédures judiciaires en France, en Espagne et en Allemagne contre celles et ceux qui ont pu mettre en cause le Maroc dans ces opérations d’espionnage. La justice de ces trois pays a jugé ces poursuites irrecevables.

Pour les faits qui lui sont reprochés, Fouad Abdelmoumni aurait dû être poursuivi sur la base du code de la presse, qui ne prévoit pas de peine de prison. Or, il a été inculpé sur la base du code pénal. Il sera détenu si le jugement est confirmé en cassation.

Nous, signataires maghrébin.e.s et internationaux, considérons que cette condamnation s’inscrit dans la politique répressive pratiquée par les régimes du Maghreb qui vise à faire taire toutes les voix réclamant la liberté d’expression, le respect des droits humains et la démocratie. Solidaires de Fouad Abdelmoumni, nous demandons l’annulation de sa peine et la libération de tous les détenu.e.s d’opinion au Maroc et dans les autres pays du Maghreb.

Signataires :

  1. Ahmed Abbès, mathématicien, directeur de recherche à Paris
  2. Souad Abdelmoumni, auto entrepreneur
  3. Hela Abdeljaoued, médecin, militante féministe et pour la défense des droits humains
  4. Mohieddine Abdellaoui, directeur d’ONG internationale
  5. Soukeina Abdessamad, journaliste, ex-secrétaire générale du Syndicat
  6. national des journalistes tunisiens (SNJT)
  7. Gilbert Achcar, professeur émérite, Université de Londres
  8. Lahouari Addi, professeur émérite Sciences Po-Lyon
  9. Abderezak Adel, universitaire retraité
  10. Sami Adouani, membre du comité directeur du FTDES
  11. Abderrahim Afarki, défenseur des droits humains
  12. Noureddine Ahmine, avocat au barreau d’Alger, militant pour les droits humains
  13. Ayad Ahram, défenseur des droits humains
  14. Khadija Aïnani, militante des droits humains, membre du bureau d’Euromed Rights
  15. Sanhadja Akhrouf, militante associative, féministe
  16. Cengiz Aktar, professeur de science politique, Université d’Athènes
  17. Greta Alègre
  18. Mourad Allal, directeur de centre de formation
  19. Tewfik Allal, militant associatif
  20. Abdelkerim Allegui, universitaire, militant des droits humains
  21. Hayet Amamou, universitaire et membre du comité directeur du FTDES
  22. Salah Aoufi, association VPJM
  23. Mehdi Arafa, ingénieur
  24. Pierre Arnoult, citoyen pour la liberté d’expression
  25. Sion Assidon, citoyen (Maroc)
  26. Noureddine Ayouch, président de société et d’association
  27. Boualam Azahoum, militant des droits de l’homme
  28. Yamina Baïr, journaliste
  29. Malika Bakhti, fonctionnaire à la retraite
  30. Etienne Balibar, professeur honoraire, Université de Paris-Nanterre
  31. Brigitte Bardet Allal, professeure de lettres classiques retraitée
  32. Sami Bargaoui, universitaire
  33. Yagoutha Belgacem, directrice artistique
  34. Brahim Belghith, avocat
  35. Fathi Bel Haj Yahya, écrivain
  36. Souhayer Belhassen, présidente d’honneur de la FIDH
  37. Habib Belhedi, cinéaste
  38. Farouk Belkeddar, militant associatif
  39. Jean Bellanger, syndicaliste
  40. Rabâa Ben Achour, universitaire
  41. Sana Ben Achour, juriste, universitaire, militante féministe
  42. Ali Ben Ameur, universitaire
  43. Malika Benarab-Attou, ancienne eurodéputée, militante associative
  44. Slim Ben Arfa, militant politique et associatif
  45. Bachir Ben Barka, universitaire retraité
  46. Madjid Benchikh, ancien doyen de la Faculté de droit d’Alger
  47. Rahamim Raymond Benhaïm, économiste
  48. Nourredine Benissad, avocat, ancien président Ligue algérienne pour la
  49. défense des droits de l’Homme
  50. Monia Ben Jémia, présidente de EuroMed Droits
  51. Asrar Ben Jouira, activiste tunisienne
  52. Younès Benkirane, auteur
  53. Zaineb Ben Lagha, universitaire
  54. Abdessatar Benmoussa ancien président de la LTDH, lauréat du Prix Nobel de la paix 2015
  55. Mounia Bennani-Chraïbi, universitaire
  56. Dounia Benqassem, historienne de l’art
  57. Ali Bensaad, professeur des universités, Paris-VIII
  58. Mohamed Bensaïd, médecin, défenseur des droits humains
  59. Sihem Bensedrine, présidente de l’Instance Vérité et Dignité (IVD),
  60. militante des droits humains
  61. Raja Ben Slama, universitaire
  62. Yassine Berrada, citoyen
  63. Hayat Berrada-Bousta, rédactrice du site Maroc Réalités
  64. Sophie Bessis, historienne
  65. Roland Biache, militant associatif des droits de l’Homme
  66. Fatma Bouamaide Ksila, militante des droits humains
  67. Mostafa Bouchachi, avocat, ancien président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH)
  68. Hajer Bouden, traductrice
  69. Mohamed Larbi Bouguerra, professeur des universités honoraire, membre de l’académie Beit al Hikma à Carthage
  70. Alima Boumediene Thiery, avocate
  71. Mouloud Boumghar, professeur de droit
  72. Bassam Bounenni, journaliste
  73. Omar Bouraba, président de l’association Libertés Algérie
  74. Lise Bouzidi Vega, cofondatrice de l’association Terre et liberté pour Arauco
  75. Rony Brauman, médecin, essayiste, ex-président de Médecins sans frontières
  76. Vincent Brengarth, avocat au barreau de Paris
  77. Omar Brousky, journaliste
  78. Françoise Carrasse, secrétaire administrative et militante
  79. Ignacio Cembrero, journaliste
  80. Nadia Chaabane, féministe
  81. Raja Chamekh, activiste tunisienne
  82. Mohammed Chaouih, président de l’Association des Marocains en France (AMF)
  83. Patrick Chemla, psychiatre honoraire des hôpitaux, psychanalyste
  84. Mouhieddine Cherbib, défenseur des droits humains (CRLDHT)
  85. Khadija Chérif, féministe, militante des droits humains
  86. Alya Chérif Chammari, avocate, militante féministe
  87. Philippe Chesneau, militant écologiste
  88. Kaddour Chouicha, coordonateur national du syndicat des enseignants du supérieur Algérie
  89. Cécile Coudriou, ancienne présidente d’Amnesty International France
  90. Patrice Coulon, militant des droits humains
  91. Ahmed Dahmani, économiste
  92. Pierre Daspré, secrétaire départemental de la fédération Var du PCF
  93. Ignace Dalle, ancien correspondant de l’AFP à Rabat
  94. Sonia Dayan-Herzbrun, sociologue
  95. Miguel Hernando De Larramendi Martinez, Catdraitico de Estudios Arabes e
  96. Islamicos Universidad de Castilla-La Mancha
  97. Chantal de Linares, militante associative
  98. Monique Dental, présidente fondatrice du Réseau féministe “Ruptures”
  99. Alexis Deswaef, avocat et vice-président de la FIDH
  100. Saïd Djaafer, journaliste
  101. Nacer Djabi, sociologue
  102. Nadir Djermoune, architecte-urbaniste
  103. Olivier Douville, directeur de publication, maître de conférences hors classe
  104. Bernard Dréano, président du CEDETIM
  105. Mohsen Dridi, militant associatif
  106. Nassera Dutour, Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA)
  107. Saïd El Amrani, journaliste et militants des droits de l’Homme (Bruxelles)
  108. Wadih El Asmar, président du Centre libanais des droits humains
  109. Ali El Baz, militant associatif
  110. Mouna El Banna, rédactrice en chef à RFI
  111. Latifa El Bouhsini, militante féministe
  112. Fayçal El Ghoul, universitaire
  113. Zied El Heni, journaliste, directeur de rédaction du site d’information
  114. indépendant Tunisian Press
  115. Nacer El Idrissi, président de l’Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF)
  116. Ihsane El Kadi, journaliste
  117. Suzanne El Kenz, écrivaine
  118. Driss El Korchi, militant associatif, N’Aoura Bruxelles
  119. Rachid El Manouzi, Forum euro-méditerranéen contre les disparitions forcées
  120. Mohamed El Moubaraki, secrétaire général du Forum marocain pour la vérité et la justice (section France)
  121. Adelhak El Ouassouli, enseignant chercheur et coordonnateur du Comité de coordination des familles des disparus et des victimes de la disparition forcée au Maroc
  122. Didier Epsztajn, animateur du blog « Entre les lignes, entre les mots »
  123. Jean Baptiste Eyraud, membre fondateur de Droit au logement (DAL)
  124. Fatiha Fadil, citoyenne
  125. Saïd Fawzi, secrétaire général de l’ASDHOM
  126. Sonia Fayman, sociologue, militante UJFP
  127. Larbi Fennich Maaninou, ancien président de l’ASDHOM et du Forum
  128. marocain pour la vérité et la justice
  129. Wahid Ferchichi, doyen de la Faculté des sciences juridiques, politiques
  130. et sociales de Tunis
  131. Chérif Ferjani, professeur honoraire, Université Lumière Lyon-II
  132. Irene Fernández-Molina, professeure de relations internationales, University of Exeter
  133. Abdelouhab Fersaoui, militant politique
  134. Christine Flori, bénévole La Cimade 83
  135. Jacqueline Fontaine, commission transnationale, Les Ecologistes
  136. Jacques Fontaine, géographe, militant internationaliste
  137. Sophie Fontenelle, citoyenne (France)
  138. Marie-Pierre Fournier, militante associative
  139. Souad Frikech, militantes des droits humains et des droits des femmes
  140. Samia Frawes
  141. Yosra Frawes, ancienne présidente de l’ATFD et militante des droits humains
  142. Ahmed Galaï, militant pour la défense des droits humains Tunisie
  143. Laurence Gall, thérapeute
  144. René Gallissot, professeur émérite de l’Université de Paris
  145. Saïda Garrach, avocate au barreau tunisien, féministe et militante des droits humains
  146. Vincent Gay, militant ATTAC France
  147. Vincent Geisser, président du Centre d’information et d’études sur les migrations internationales (CIEMI)
  148. Abddeslam Ghalbzouri, militant des droits humains
  149. Kamel Ghali, poète
  150. Zied Ghanney, vice-président du courant démocratique Tunisie
  151. Ahmed Ghouati, Consultant en éducation et formation
  152. Jérôme Gleize, conseiller de Paris, universitaire UPSN
  153. Frédéric Goldbronn, réalisateur de films documentaires
  154. Amel Grami, universitaire
  155. Sarra Grira, journaliste
  156. Daniel Guerrier, journaliste honoraire
  157. Youssef Habache, activiste, militant des droits humains
  158. Ratiba Hadj-Moussa, professeure au département de sociologie de
  159. l’Université York (Toronto)
  160. Ayachi Hammami, avocat, ancien ministre des droits de l’Homme, président de l’Instance nationale pour la défense des libertés et de la démocratie, Tunisie
  161. Zakaria Hannache, défenseur des droits humains
  162. Zaher Harir, président du Forum de solidarité euro-méditerranéenne(FORSEM)
  163. Fouad Hassam, militant syndicaliste
  164. Ezzeddine Hazgui, éditeur, libraire
  165. Abderrahmane Hedhili, président du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES)
  166. Guy Henry, citoyen, enseignant retraité
  167. Hélène Henry, militante LDH Evreux, enseignante retraitée
  168. Arsala Idder, militants des droits humains, ancien exilé
  169. Ahmet Insel, professeur des universités, Turquie
  170. Chaïma Issa, universitaire, activiste politique
  171. Mohamed Jaïte, avocat au barreau de Paris
  172. Abderrahim Jamaï, avocat, ancien bâtonnier
  173. Hayet Jazzar, avocate, féministe
  174. Kamel Jendoubi, ancien ministre, défenseur des droits humains
  175. Alain Jossec, retraité, militant de LFI
  176. Slaheddine Jourchi, écrivain, journaliste, défenseur des droits humains
  177. Neïla Jrad, féministe et militante politique
  178. Aïssa Kadri, professeur honoraire des universités
  179. Saloua Kammarti
  180. Majdi Karbai, ancien député, activiste tunisien
  181. Abdelhaq Kass, Forum marocain pour la vérité et la justice
  182. Salam Kawakibi, politologue, directeur du CAREP, Paris
  183. Habib Kazdaghli, historien universitaire
  184. Malek Kefif, militant des droits humains
  185. Charfeddine Kellil, avocat et membre du comité directeur du FTDES
  186. Myriam Kendsi, artiste peintre
  187. Assaf Kfoury, mathematician and professor of computer science, Boston University, USA
  188. Tahar Khalfoune, juriste
  189. Mohamed Khenissi, militant associatif
  190. Hosni Kitouni, auteur
  191. Ramy Khouili, militant des droits humains
  192. Mohamed Kilani, militant politique tunisien
  193. Abdellatif Laâbi, écrivain
  194. Jocelyne Laâbi, autrice
  195. Saïd Laayari, militant des droits humains
  196. Souad Labbize, auteure
  197. Mohamed Lachab, militant politique et des droits humains
  198. Kamal Lahbib, défenseur des droits humains
  199. Nadège Lahmar, chercheuse
  200. Annie Lahmer, conseillère régionale
  201. Ilyas Lahouazi, président du RCD-France
  202. Jaafar Lakhdari, entrepreneur
  203. Michel Lambert, gestionnaire, ancien directeur d’Alternatives Québec
  204. Olivier Le Cour Grandmaison, universitaire
  205. Hervé Le Fiblec, secrétaire national du SNES-FSU
  206. Renée Le Mignot, présidente honoraire du MRAP
  207. Bernabé López García, professeur Université Autónoma Madrid
  208. Michèle Loup, ancienne conseillère régionale d’IDF Les Ecologistes
  209. Adel Ltifi, historien
  210. Julien Lusson, CEDETIM
  211. Insaf Machta, universitaire
  212. Ahmed Mahiou, ancien doyen de la Faculté de droit d’Alger
  213. Mustapha Majdi, acteur associatif
  214. Mohammed Mahjoubi, défenseur des droits humains
  215. Gilles Manceron, historien
  216. Catherine Margaté, maire honoraire de Malakoff
  217. Patrick Margaté, militant PCF
  218. Gérard Rodriguez, militant progressiste et de gauche
  219. Lazhar Naceur Massi, Transparency Algérie
  220. Gustave Massiah, économiste, ancien président du CRID
  221. Jalel Matri, militant des droits humains
  222. Oumayma Mehdi, membre du comité directeur du FTDES
  223. Abdou Menebhi, Euro-Mediterraan Centrum Migratie & Ontwikkeling (EMCEMO), Amsterdam
  224. Marc Mercier, président d’honneur du réseau EuroMed France
  225. Roland Mérieux, co-président d’Ensemble !
  226. Aziz Messaoudi, militant associatif, membre du Conseil national de Transparency Maroc
  227. Karim Messaoudi, militant des droits humains
  228. Fabienne Messica, sociologue, militante des droits humains
  229. Omar Mestiri, militant des droits humains
  230. Safia Mestiri, ancienne présidente de section de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH)
  231. Umit Metin, coordonnateur de l’Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (ACORT)
  232. Jamal Mimouni, professeur, Université de Constantine-I
  233. Samira Mizbar, socio-économiste
  234. Najet Mizouni
  235. Aziz Mkichri, acteur associatif et des droits humains
  236. Khadija Mohsen-Finan, universitaire
  237. Maati Monjib, historien
  238. Jean-Michel Morel, journaliste
  239. Aïcha Moumen
  240. Dalila Msadek, avocate
  241. Jamel Msellem, président d’honneur de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme
  242. Naïk M’Sili, directrice exécutive Instants Vidéo Numériques et poétiques
  243. Abdullah Najib, militant associatif
  244. Hatem Nafti, essayiste
  245. Brahim Ouchelh, Association des parents et amis des disparus au Maroc
  246. Salah Oudahar, poète, ancien directeur artistique du Festival
  247. Strasbourg-Méditerranée
  248. Aline Pailler, journaliste
  249. Hervé Paris, Altercarto
  250. Aliki Papadomichelaki, économiste retraitée
  251. Pierre Prier, journaliste
  252. Aïssa Rahmoune, secrétaire général de la Fédération internationale des droits humains (FIDH), LADDH
  253. Lilia Rebaï, militante des droits humains
  254. Mahmoud Rechidi, secrétaire général du Parti socialiste des travailleurs (suspendu), Algérie
  255. Kahina Redjala, militante associative
  256. Charfeddine Refai, militant politique et des droits humains
  257. Rahim Rezigat, militant associatif
  258. Youcef Rezzoug, journaliste
  259. Younes Rhouma, militant associatif
  260. Fabrice Riceputi, historien
  261. Marguerite Rollinde, militante des droits humains, Amis du Maroc
  262. Messaoud Romdhani, activiste
  263. Pierre Rousset, militant associatif et internationaliste
  264. Khadija Ryadi, lauréate du prix des droits humains de l’ONU (2013), coordinatrice de la Coordination maghrébine des organisations des droits humains (CMODH)
  265. Lana Sadeq, présidente du Forum Palestine Citoyenneté
  266. Mohamed Sadkou, avocat au barreau de Rabat
  267. Arnaud Saint-Martin, sociologue et député LFI/NFP de Seine-et-Marne
  268. Ramy Salhi, directeur MENA EuroMed Droit
  269. Saïd Salhi, défenseur des droits humains
  270. François Sauterey, co-président du MRAP
  271. Marc Schade-Poulsen, chercheur invité, Université de Roskilde
  272. Bernard Schmid, avocat
  273. Aldja Seghir, enseignante, militante associative
  274. Michèle Sibony, Union juive française pour la paix (UJFP)
  275. Tahar Si Serir, militant du collectif Libérons l’Algérie
  276. Hichem Skik, universitaire et militant politique
  277. Mohamed Smida, militant associatif et politique
  278. Hamouda Soubhi, militant des droits humains
  279. Saïd Sougty, président de l’Association de défense des droits de l’homme au Maroc (ASDHOM)
  280. Jean Claude Soufir, praticien hospitalier honoraire
  281. Keltoum Staali, enseignante, écrivaine
  282. Claude Szatan, militant associatif
  283. Ahmed Tabbabi, activiste
  284. Taoufiq Tahani, universitaire
  285. Alaa Talbi, défenseur de droits humains, FTDES
  286. Khaoula Taleb-Ibrahimi, linguiste
  287. Hocine Tandjaoui, écrivain
  288. Nadia Tazi, philosophe
  289. Yassine Temlali, historien
  290. Fathi Tlili, président de l’Union des travailleurs immigrés (UTIT)
  291. Karim Touche, Réseau Euromed France
  292. Tarek Toukabri, président de l’Association des Tunisiens en France (ADTF)
  293. Mohamed Trabelsi, syndicaliste, ancien responsable à OIT et à ALO, ancien ministre
  294. Mokhtar Trifi, avocat, président d’honneur de la LTDH
  295. Françoise Valensi, médecin retraitée, militante des droits humains
  296. Patrick Vassallo, militant associatif et altermondialiste
  297. Marie-Christine Vergiat, LDH, EuroMed Droits, ancienne députée européenne
  298. Lilia Weslaty, rédactrice en chef adjointe du magazine Mawazin/AFA
  299. Michel Wilson
  300. Mourad Yefsah, consultant senior en systèmes d’informations.
  301. Mokhtar Zagzoule, enseignant chercheur UPS
  302. William Zartman, John’s Hopskin University
  303. Abdallah Zniber, militant de l’immigration
  304. Neïla Zoghlami, féministe, ancienne présidente de l’ATFD

mardi 18 mars 2025

Les Marocains d’Espagne face à une vie de labeur et de précarité

 

Les Marocains constituent la principale main-d’œuvre étrangère en Espagne avec plus de 340 000 personnes en âge de travailler, dépassant les Roumains qui étaient en tête du classement ces dernières années.

Fatima Kahoul Elhais a rejoint l’Espagne avec sa mère et ses frères et sœurs en 2003. « Mon père s’est installé ici plus tôt, dans les années 1990 », raconte à El Pais la jeune femme de 31 ans, résidant à Palencia. Comme elle, de nombreux Marocains ont choisi d’émigrer en Espagne pour se construire un meilleur avenir. Au fil des ans, leur nombre s’est considérablement accru, au point qu’ils sont devenus la principale main-d’œuvre étrangère du pays, devançant les Roumains qui occupaient la première place depuis 2012. Quelque 343 188 travailleurs marocains sont affiliés à la Sécurité sociale à fin janvier 2025, soit 24 400 de plus qu’en janvier 2024, 90 200 de plus qu’en 2019 et 158 500 de plus qu’il y a dix ans. Après les Marocains et les Roumains (329 809), suivent les Colombiens (217 070), les Italiens (189 975) et les Vénézuéliens (176 333).

Les raisons de cette immigration massive de Marocains en Espagne sont d’ordre économique : « Ils viennent en Espagne pour améliorer leur situation et celle de leur famille », explique Ahmed Khalifa, président de l’Association marocaine pour l’intégration des immigrés. Le responsable déplore la catégorisation sectorielle de la communauté marocaine. « Il y a des secteurs spécifiques dans lesquels on imagine qu’un travailleur marocain doit se trouver. Et ce sont des emplois aux conditions dures, très précaires. Ce sont des secteurs réservés aux immigrés. 33 % des Marocains affiliés à la sécurité sociale sont employés dans l’agriculture, l’élevage et la pêche, l’un des secteurs les moins bien rémunérés de l’économie (1 562 euros bruts, contre 2 273 en moyenne). Pour replacer ces chiffres dans leur contexte, il convient de noter qu’en moyenne, seuls 5 % du nombre total d’affiliés travaillent à la campagne.

Les Marocains sont également plus nombreux dans le travail domestique, l’hôtellerie et la construction, alors qu’ils sont presque inexistants dans les banques, les médias et les écoles », s’indigne Fatima Kahoul Elhais. « La campagne est toujours très dure. Ici, il faut supporter la chaleur, la pluie, tout ce qui arrive », explique Elwali Bocharga, 33 ans. La plupart des ouvriers marocains travaillant dans les champs sont exploités, « gagnant 15 ou 20 euros par jour. Nous ne pouvons pas permettre cela », s’offusque Mohammed Alami, président de l’Association des amis du peuple marocain (ITRAN). Anas Khouader, 27 ans, souligne pour sa part la difficulté pour les diplômés marocains de trouver un emploi en Espagne. « J’ai étudié dans une école espagnole au Maroc et j’ai un diplôme en relations professionnelles à l’université de Grenade, mais je ne trouve pas de travail dans mon domaine », déplore ce résident de Grenade. « Nous voulons travailler, comme tout le monde ».

Les Marocains forment la plus grande communauté étrangère en Espagne. Selon les données de l’INE, le pays comptait 111 043 Marocains en 1998, devant les Britanniques (75 600) et les Allemands (60 495). En 2022, ils demeurent en tête du classement avec 883 243 résidents, selon les dernières données de l’INE. « Beaucoup de Marocains s’occupent de personnes âgées et ne sont pas déclarés à la sécurité sociale, mais ils ne le signalent pas pour ne pas perdre leur emploi. Ils souffrent de racisme sur leur lieu de travail, ce qui affecte également leur accès au logement », fait-on observer. Malgré ces difficultés, les Marocains continueront à immigrer en Espagne : « Le besoin de main-d’œuvre de l’Espagne maintiendra l’attrait des travailleurs marocains vers des secteurs intermédiaires, comme les chauffeurs et les soudeurs, qui sont exactement le type d’emplois dont on a besoin en Espagne, et qui sont difficiles à pourvoir ».

Source: bladinet, 17/3/2025

lundi 17 mars 2025

بيان/Déclaration / declaración


بيــــــــــــان

منعت سلطات الاحتلال المغربية اليوم السبت 15 مارس 2025، وفدا قانونيا دوليا يمثل الرابطة الدولية للمحامين من أجل الصحراء الغربية و المجلس العام للمحامين الإسبان من دخول مدينة العيون المحتلة، وأعادته على نفس الطائرة إلى مطار لاس بالماس في جزر الكناري. ضم الوفد المحاميات  دولوريس ترافيسو دارياس، فلورا ماريرو راموس، والفني سيلفستر سواريث فرنانديث. وكان الوفد يهدف إلى الاطلاع على أوضاع المدنيين الصحراويين تحت الاحتلال، خاصة وضع الأسرى في سجون الاحتلال المغربي، وإعلان التضامن معهم ومع عائلاتهم.
يأتي هذا المنع في إطار سياسة عزل المنطقة واستمرار الحصار العسكري والإعلامي المفروض منذ 2014، والذي منع سابقًا وصول مقرري الأمم المتحدة والمنظمات الحقوقية الدولية، بما فيها المفوضية السامية لحقوق الإنسان، إلى الإقليم المحتل.
هذا الإجراء يؤكد زيف ادعاءات الديمقراطية وحقوق الإنسان التي تروج لها سلطات الاحتلال، ويكشف عن القمع الذي يتعرض له الصحراويون، فضلًا عن خوف السلطات من كشف هذه الأوضاع دوليًا. كما يحرم المنع الشعب الصحراوي من إيصال صوته للعالم، ويعيق الكشف عن معاناتهم الاجتماعية والسياسية والاقتصادية.
تعرب رابطة حماية السجناء الصحراويين في السجون المغربية عن قلقها البالغ إزاء هذه الممارسات، التي تتنكر للقانون الدولي وتستخف بجهود الأمم المتحدة. ندين منع الوفد الدولي، ونؤكد أن هذه الإجراءات تُظهر تخلّي سلطات الاحتلال عن التزاماتها بموجب القانون الدولي لحقوق الإنسان، وتحول دون تقييم أوضاع حقوق الإنسان في الصحراء الغربية بشكل مباشر.
لذلك، نحث المجتمع الدولي على اتخاذ إجراءات فاعلة لإلزام سلطات الاحتلال بوقف هذه الممارسات وضمان احترام حقوق الإنسان. كما نطالب الدول الأعضاء في الأمم المتحدة بالضغط لرفع الحصار العسكري والإعلامي عن الصحراء الغربية المحتلة، وندعو المنظمات الحقوقية ووسائل الإعلام الدولية إلى التضامن مع الشعب الصحراوي في
مواجهة القمع المنظم.

رابطة حماية السجناء الصحراويين بالسجون المغربية 

العيون المحتلة / الصحراء الغربية
السبت 15 مارس 2025
 

Déclaration

Aujourd’hui 15 mars, les autorités d'occupation marocaines ont empêché une délégation juridique internationale représentant la Ligue internationale des avocats pour le Sahara occidental et le Conseil général des avocats espagnols, d'entrer dans la ville occupée d'El Ayoun. Elles les ont renvoyées sur le même vol à destination de l'aéroport de Las Palmas dans les îles Canaries. La délégation était composée des avocates Dolores Travieso Darías, Flora Marrero Ramos, et du technicien Silvestre Suárez Fernández. La délégation avait pour objectif d'évaluer la situation de la population civile sahraouie sous occupation, en particulier celle des prisonniers dans les geôles de l'occupation marocaine, et de déclarer leur solidarité avec eux et leurs familles.
Cette interdiction s'inscrit dans le cadre d'une politique d'isolement de la région et de la poursuite du blocus militaire et médiatique imposé depuis 2014, qui a précédemment empêché l'accès des rapporteurs des Nations Unies et des organisations internationales de défense des droits de l'homme, y compris le Haut-Commissariat aux droits de l'homme, au territoire occupé.
Cette mesure confirme le caractère fallacieux des allégations de démocratie et de respect des droits de l'homme promues par les autorités d'occupation, et révèle la répression subie par les Sahraouis, ainsi que la crainte des autorités de voir ces conditions exposées au niveau international. En outre, cette interdiction prive le peuple sahraoui de la possibilité de faire entendre sa voix au monde et entrave la révélation de leurs souffrances sociales, politiques et économiques.
La Ligue pour la protection des prisonniers sahraouis dans les prisons marocaines (LPPS) exprime sa profonde préoccupation face à ces pratiques, qui bafouent le droit international et méprisent les efforts des Nations Unies. Nous condamnons l'interdiction de la délégation internationale et affirmons que ces mesures démontrent l'abandon par les autorités d'occupation de leurs obligations en vertu du droit international des droits de l'homme, et empêchent une évaluation directe de la situation des droits de l'homme au Sahara occidental. 
Par conséquent, nous exhortons la communauté internationale à prendre des mesures efficaces pour obliger les autorités d'occupation à cesser ces pratiques et à garantir le respect des droits de l'homme. Nous appelons également les États membres des Nations Unies à faire pression pour lever le blocus militaire et médiatique sur le Sahara occidental occupé, et nous invitons les organisations de défense des droits de l'homme et les médias internationaux à se solidariser avec le peuple sahraoui face à la répression organisée. 
La Ligue pour la protection des prisonniers sahraouis dans les prisons marocaines 
El Ayoun occupé / Sahara occidental  
 Samedi 15 mars 2025

Declaración

Hoy, 15 de marzo de 2025, las autoridades de ocupación marroquíes impidieron la entrada a la ciudad ocupada de El Aaiún a una delegación jurídica internacional representante de la Liga Internacional de Abogados por el Sáhara Occidental, en colaboración con el Consejo General de Abogados Españoles. Las autoridades las devolvieron en el mismo vuelo con destino al aeropuerto de Las Palmas, en las Islas Canarias. La delegación estaba compuesta por las abogadas  Dolores Travieso Darías, Flora Marrero Ramos, y el técnico Silvestre Suárez Fernández. El objetivo de la delegación era evaluar la situación de la población civil saharaui bajo ocupación, en particular la de los prisioneros en las cárceles de la ocupación marroquí, y declarar su solidaridad con ellos y sus familias. 
Esta prohibición se enmarca en una política de aislamiento de la región y en la continuidad del bloqueo militar y mediático impuesto desde 2014, que anteriormente ha impedido el acceso de los relatores de las Naciones Unidas y de las organizaciones internacionales de defensa de los derechos humanos, incluido el Alto Comisionado para los Derechos Humanos, al territorio ocupado. 
Esta medida confirma el carácter falaz de las alegaciones de democracia y respeto a los derechos humanos promovidas por las autoridades de ocupación, y revela la represión sufrida por los saharauis, así como el temor de las autoridades a que estas condiciones sean expuestas a nivel internacional. Además, esta prohibición priva al pueblo saharaui de la posibilidad de hacer oír su voz en el mundo y obstaculiza la revelación de sus sufrimientos sociales, políticos y económicos. 
La Liga para la Protección de los Presos Saharauis en las Cárceles Marroquíes (LPPS) expresa su profunda preocupación ante estas prácticas, que violan el derecho internacional y menosprecian los esfuerzos de las Naciones Unidas. Condenamos la prohibición de la delegación internacional y afirmamos que estas medidas demuestran el abandono por parte de las autoridades de ocupación de sus obligaciones en virtud del derecho internacional de los derechos humanos, e impiden una evaluación directa de la situación de los derechos humanos en el Sáhara Occidental. 
Por lo tanto, exhortamos a la comunidad internacional a tomar medidas efectivas para obligar a las autoridades de ocupación a cesar estas prácticas y garantizar el respeto de los derechos humanos. También hacemos un llamado a los Estados miembros de las Naciones Unidas a presionar para levantar el bloqueo militar y mediático sobre el Sáhara Occidental ocupado, e invitamos a las organizaciones de defensa de los derechos humanos y a los medios de comunicación internacionales a solidarizarse con el pueblo saharaui frente a la represión organizada. 

La Liga para la Protección de los Presos Saharauis en las Cárceles Marroquíes 

El Aaiún ocupado / Sáhara Occidental  
Sábado, 15 de marzo de 2025

dimanche 16 mars 2025

Faire de Dakhla le “Benidorm” du Sahara occidental : l’écran de fumée de l’occupation marocaine

La ville de Dakhla, située au Sahara occidental, est occupée par le Maroc, qui s’est lancé dans une stratégie visant à stimuler le tourisme dans la région, alors que les dénonciations de la population sahraouie se poursuivent.

Asier Aldea, elDiario.es, 6/3/2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane

 L’auteur a été refoulé du Sahara occidental par la police marocaine en février dernier.

Dakhla (Sahara occidental occupé) - À peine deux heures après que des dizaines de touristes étaient descendus de l’avion Ryanair pour visiter Dakhla, une des villes occupées par le Maroc du Sahara occidental, la famille de Lahbib Ahmed Aghrishi a de nouveau dénoncé sa disparition. Deux fois par semaine, ils se rassemblent à l’entrée de l’ancienne boutique d’Ahmed, aujourd’hui fermée par la police, pour exiger une réponse. Munis d’affiches à son effigie, de banderoles et d’un mégaphone, ses proches expriment leur angoisse après trois ans de silence de la part des autorités marocaines.


La famille de Lahbib Ahmed Aghrish brandit sa photo devant son ancien magasin, fermé par la police marocaine, après trois ans sans nouvelles de lui. Photo Asier Aldea

Le magasin est situé dans l’une des rues principales de la ville, à proximité de la plage et du marché. La plupart des gens qui marchent près d’eux semblent ignorer la protestation, à l’exception des approches timides de quelques connaissances. C’est une partie de l’arrière-boutique où le Maroc ne veut pas voir arriver ces touristes qui débarquent à Dakhla sans beaucoup d’informations sur la charge symbolique de leur voyage. De l’autre côté de la ville se trouve le décor où Mohamed VI tente d’orienter ses visiteurs : une vitrine d’offres touristiques d’hôtels, de plages, de surf et de dunes que le gouvernement marocain utilise pour tenter de séduire le visiteur étranger. La promotion de Dakhla comme attrait pour les voyageurs masque les allégations d’enlèvements, d’abus policiers et de persécution de la population sahraouie vivant dans les territoires occupés de l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental.

À leur arrivée dans la ville côtière, les touristes sont accueillis par un immense drapeau marocain déployé à l’aéroport, où un panneau leur souhaite également la bienvenue : « Bienvenue à la destination touristique de Dakhla Oued Eddahab », peut-on lire sur le panneau, qui est également rédigé en anglais, en français et en arabe. Divers symboles le long des rues revendiquent la marocanité supposée de la zone occupée, des affiches montrant le territoire du Maroc et du Sahara occidental unis en un seul pays, aux avenues portant le nom des anciens rois de la dynastie alaouite, tels que le boulevard Hassan II ou Mohamed V. L’image du monarque actuel, Mohammed VI, est omniprésente.

Parmi les voyageurs, on note une certaine méconnaissance de la région. Plusieurs ont souligné le prix du voyage comme l’une des principales raisons de vouloir visiter la région - moins de 60 euros aller-retour, bien qu’il y ait des offres allant jusqu’à 14,99 euros pour un aller simple. Un touriste finlandais dit qu’il passera quelques nuits à Dakhla, profitant du faible coût du vol, et qu’il visitera ensuite Marrakech. « Je ne sais rien de la ville », dit-il avant de monter dans l’avion, en parlant de Dakhla. Sur le chemin de l’avion, un couple de Colombiens explique avec enthousiasme qu’il a réservé quelques nuits dans un bungalow construit dans le désert après avoir trouvé une bonne affaire. Un autre couple, espagnol celui-là, est un peu inquiet. Ils ont appris l’expulsion d’un journaliste espagnol. Mais, avouent-ils, ils ont choisi cette destination pour une seule raison : « C’était bon marché ».

L’engagement du Maroc en faveur de la touristification de Dakhla, qui compte déjà plus de 20 hôtels et résidences de vacances, vise à transformer la ville occupée en une sorte de Benidorm. L’investissement dans cette tentative de création d’un nouveau paradis pour les voyageurs se fait au détriment de familles comme celle d’Ahmed.

Les voix réduites au silence

Naama Ahmed Aghrishi, frère du Sahraoui disparu, a une date gravée dans son esprit : le lundi 7 février 2022. C’est la dernière fois qu’il a eu de ses nouvelles. « Jusqu’à présent, nous savons seulement qu’il a disparu. Nous ne savons pas s’il est mort ou vivant. La police prétend qu’un témoin qui se promenait sur la plage ce jour-là l’a tué plus tôt et s’est ensuite suicidé, mais le rapport d’autopsie montre que le témoin a été tué après avoir été torturé », dit-il.

Ahmed, dont la mère et la grand-mère vivaient dans l’ancienne colonie espagnole et possédaient des cartes d’identité espagnoles, affirme que la police a pendant tout ce temps empêché et dissimulé toute preuve susceptible de faire la lumière sur ce qui s’est passé. La famille espère toujours le retrouver, mort ou vif. Malgré les pressions constantes, Ahmed n’envisage pas de quitter le Sahara occidental : « Non, non, ici jusqu’à notre mort. Notre maison est ici, nous sommes nés ici ».


Photo Asier Aldea

Selon Enna Mohamed Salek Hbibi, le fait d’être une militante sahraouie a également un impact sur son éducation et son économie. Elle dit avoir été privée d’une bourse universitaire après avoir obtenu son baccalauréat en 2014. « En 2015, on m’a refusé une bourse à la faculté des sciences en raison de mon militantisme étudiant et de mes publications sur Facebook », se plaint-elle. Elle et ses frères et sœurs ont été catalogués comme « enfants d’une famille séparatiste », explique la militante. Cette identification, explique-t-elle, implique de traîner une marque qui leur ferme l’accès à l’emploi et entraîne un harcèlement, une surveillance stricte et des interrogatoires sans fin chaque fois qu’ils se déplacent dans le territoire.

« On nous interdit l’accès aux ressources du Sahara occidental, qui sont pillées ; on nous refuse le droit à l’éducation, aux soins de santé, à l’accès à certaines spécialisations universitaires et un blocus économique nous est imposé. Nous sommes confrontés au déplacement forcé, à l’emprisonnement, à la torture et au meurtre », prévient-elle. La discrimination et les difficultés d’accès à la formation professionnelle et à l’enseignement universitaire pour le peuple sahraoui ont été dénoncées par l’ECOSOC (Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU).  Au Sahara occidental, il existe un système organisé sous le nom de “kartiya”, une allocation mensuelle d’environ 200 euros pour les personnes sans ressources. Cependant, les organisations sahraouies dénoncent le fait que ces ressources sont utilisées par l’Etat marocain pour exercer un chantage et des pressions sur les populations qui ont besoin de cette aide, « décourageant ou punissant leur participation aux manifestations et aux mouvements sociaux ».

Le Collectif des défenseurs des droits de l’homme au Sahara occidental (CODESA), principale organisation d’activistes au Sahara occidental occupé, fait état d’une “répression systématique” de la part des forces d’occupation marocaines. « La zone est fermée et les observateurs internationaux ne sont pas autorisés à y pénétrer. De 2014 à aujourd’hui, environ 350 observateurs et journalistes ont été expulsés par la police marocaine », explique Babouzeid Labbihi, membre et ancien président du groupe. « Les manifestants sont empêchés de passer, les maisons des militants des droits humains sont assiégées, et les prisonniers politiques et leurs familles subissent une répression constante », poursuit-il.

En 2024, le CODESA a documenté dans son rapport annuel 30 cas de prisonniers politiques sahraouis emprisonnés par le Maroc, avec des peines allant de dix ans à la prison à vie. « Au cours des trois dernières années, la police a arrêté de nombreux Sahraouis pour rien. Par exemple, pour avoir travaillé comme pêcheur sans permis, ils sont condamnés à cinq ans de prison », critique Ahmed.

Lorsqu’on interroge un militant sahraoui sur sa vie dans les territoires occupés du Sahara, il est fréquent qu’il mentionne avoir subi des détentions arbitraires lors de ses manifestations pour l’autodétermination. Beaucoup d’entre eux mentionnent avoir été victimes de torture ou de mauvais traitements. Un rapport récemment publié par ACAPS et NOVACT indique que 10 hommes et 6 femmes ont été arrêtés ou détenus illégalement pour la seule année 2023.

Des “complices du régime”

Salamu Hamudi, responsable des affaires politiques à la délégation du Front Polisario en Espagne, explique que « le Maroc a appliqué trois types de stratégies. La première est l’occupation militaire. Ensuite, il a promu une politique démographique dans le but d’injecter des colons dans le territoire afin de transformer les Sahraouis en citoyens de seconde zone. La troisième est la promotion du tourisme, qu’il développe actuellement », explique-t-il. Le représentant du Polisario soutient que le plan marocain consiste en un « investissement économique agressif » qui vise à « faciliter le non-paiement des impôts par les entreprises afin de laver l’image de la ville de Dakhla et de la transformer en une sorte de Benidorm, où tout est beau, les dunes, les vagues, le surf, les hôtels cinq étoiles... ».

En octobre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé illégaux les accords de pêche et d’agriculture conclus par les États membres de l’UE avec le Maroc. « Dakhla est une ville militaire illégalement occupée et le territoire jouit d’un statut juridique qui le définit comme un territoire non autonome en cours de décolonisation, dont le peuple sahraoui doit encore décider de l’avenir de ses ressources naturelles. En attendant, le droit international est très clair : les ressources naturelles ne peuvent pas être exploitées, et il ne peut y avoir aucun type de relation commerciale avec le Maroc si cette activité doit inclure le territoire du Sahara occidental, sinon c’est illégal », affirme-t-elle. L’ouverture d’un vol direct entre Madrid et Dakhla par Ryanair début janvier a été un chant de sirène pour les touristes, mais elle a aussi donné lieu à des épisodes d’expulsions de journalistes étrangers, de députés et d’eurodéputés qui voulaient sortir du récit officiel marocain.

« L’argent généré reste entre les mains du Maroc. Le citoyen sahraoui ne profite pas de ses ressources naturelles, il n’est pas impliqué dans l’exploitation, il n’est même pas embauché. La plupart des personnes qui travaillent dans les hôtels ou dans d’autres activités sont des Marocains », prévient le représentant du Polisario.

Bien que ce nombre puisse paraître faible, ajouté à ceux de beaucoup d’autres personnes, il nous aide à regarder là où beaucoup préfèrent ne pas regarder.

« Nous conseillons aux touristes de ne pas rester dans leur zone de confort, dans l’écran de fumée que crée le Maroc, mais de se promener dans la ville, de parler aux gens ordinaires, d’aller au marché, de visiter les boutiques les plus humbles, de se rendre dans les endroits les plus vitaux et les plus importants. Ils découvriront alors qu’il s’agit d’un territoire occupé militairement et qu’eux-mêmes, ces mêmes touristes qui ont voyagé ici, font partie d’un grand théâtre et sont, dans une certaine mesure, complices de ce régime », conclut-il.

 

samedi 15 mars 2025

Hicham Jerando, l’ennemi public du Makhzen : “Je crains pour ma vie. Je pourrais finir comme Khashoggi”

Le régime marocain a arrêté quatre membres de sa famille à la suite d’allégations lancées depuis l’exil. Hicham Jerando parle à El Independiente

Francisco Carrión, El Independiente, 12/3/2025
Traduit par Tafsut Aït BaâmraneTlaxcala


L’opposant marocain Hicham Jerando

Il accumule des centaines de milliers de visionnages sur sa chaîne Youtube [149 000 abonnés]. Ses harangues anti-corruption désignent et couvrent de honte les chefs de l’establishment marocain. Hicham Jerando, qui vit au Canada, est devenu l’ennemi public numéro un de la monarchie de Mohammed VI. Jusqu’à quatre membres de sa famille, dont une nièce de 14 ans, ont été arrêtés par les autorités du pays dans une affaire qui illustre le niveau de répression de l’autre côté du détroit de Gibraltar..

« Ils paient le prix de mon activisme », se plaint Jerando dans un entretien accordé à El Independiente. « J’ai des centaines de milliers de followers sur YouTube et TikTok et cela fait trois ans que je dénonce la corruption au Maroc », affirme-t-il. Le 1er mars, la brigade nationale de la police judiciaire de Casablanca a arrêté sa sœur, son mari et ses deux neveux. « L’un d’eux a 22 ans et Malak 14 ans. Ma sœur et ma nièce ont été libérées cette semaine, mais elles n’auraient pas dû être détenues un seul jour en vertu de la loi », dit Hicham. Elles sont poursuivies pour complicité présumée d’outrage à un organe constitutionnel, diffusion de faux faits portant atteinte à la vie privée d’autrui et participation au délit de menace. Malak et sa mère sont toujours poursuivies et doivent comparaître devant le tribunal lundi prochain.

Selon les autorités judiciaires, Malak aurait acheté des puces électroniques pour aider la famille à communiquer avec Hicham, que le tribunal considère comme un fugitif. Originaire de Nador, dans le nord du Maroc, Hicham vit depuis des années à Toronto, où il dirige une entreprise de confection. « Ils sont particulièrement nerveux maintenant parce que j’ai touché un point sensible. J’ai commencé à parler du système judiciaire et de la corruption qui règne dans les services secrets et parmi ceux qui appliquent la loi », déclare-t-il dans une conversation avec ce journal.

Son cas montre les nouvelles limites de la persécution arbitraire des familles et des enfants dans le but de harceler les opposants et de terroriser tout le monde.

Le dernier signe de la répression

Son cas est devenu le dernier signe de la répression qui étouffe toute liberté publique au Maroc. « De temps en temps, il donne des informations très intéressantes sur certaines personnes corrompues au Maroc, mais elles sont généralement trop vagues et trop personnelles pour être crédibles. Le fait qu’ils persécutent ses proches au Maroc, arrêtant même sa nièce de 14 ans sur la base d’accusations absurdes, indique clairement qu’il est perçu comme l’un des principaux ennemis publics du makhzen aujourd’hui », explique l’économiste Fouad Abdelmoumni, une figure de l’opposition marocaine qui est également jugée pour ses déclarations critiques. Le 3 mars, il a été condamné à six mois de prison sans sursis pour « diffusion de fausses allégations ». « Son cas montre les nouvelles limites de la persécution arbitraire des familles et des enfants dans le but de harceler les opposants et de terroriser tout le monde », a-t-il déclaré.

Jerando dit que, suite à l’arrestation de ses proches, il a choisi de quitter le Canada. Par peur, il refuse de révéler où il se trouve actuellement. « Je crains pour ma vie. J’ai reçu de nombreuses menaces et ils ont essayé de m’acheter, mais je ne peux pas abandonner le combat », déclare-t-il. « Vous vous rappelez ce qui est arrivé à Jamal Khashoggi?  Je peux finir comme lui », prévient-il, en référence au journaliste saoudien assassiné en 2018 au consulat saoudien d’Istanbul et dont le corps n’a jamais été retrouvé. « Ils ont surveillé ma maison et ont posé des questions sur mon fils quand ils l’ont vu dans la rue ».

Le dissident pointe directement du doigt le makhzen, le cercle proche de Mohammed VI qui dirige “de facto” le pays. Et un homme en particulier : Abdellatif Hammouchi, le chef de la police et des services de renseignement marocains. « Ce sont eux qui dirigent le pays. Le roi est absent et malade. Ils profitent de cette période pour faire ce qu’ils veulent. Pour avoir publié un simple tweet, certains ont été envoyés en prison pendant cinq ans, où ils ont été torturés », a dénoncé l’homme d’affaires, qui a également accusé les principales figures du système judiciaire. « Ce sont eux qui ont intenté jusqu’à quatre procès contre moi au Canada, les mêmes qui ont signé des choses horribles contre leur propre peuple et ceux qui ont pris le pouvoir sous prétexte de l’état de santé du roi ».

Le premier ministre, « l’homme le plus corrompu du Maroc »

Jerando exonère Mohamed VI de toute responsabilité dans la chasse qu’il dit subir. « La réalité, c’est qu’il n’est pas au pouvoir, même s’ils veulent le prétendre. Il est aux Émirats arabes unis depuis longtemps. Il ne dirige rien », dit-il, inquiet de la dérive de son pays d’origine. « Le Maroc est dans une très mauvaise situation. La corruption a atteint des niveaux très dangereux. La torture existe toujours, les gens ne peuvent pas s’exprimer. Il y a beaucoup de gens en prison pour un tweet ou un simple “like” et en même temps il y a des dirigeants qui ont volé des millions. En Espagne, ils le savent bien. Il suffit de poser la question au ministère des finances et de voir combien de manoirs ils possèdent en Espagne et combien ils détiennent dans les banques espagnoles ».

« Le Premier ministre Aziz Akhannouch est l’une des personnes les plus corrompues du pays. Il possède la plus grande compagnie de gaz du Maroc, des usines de dessalement, des centres commerciaux et des franchises Zara. On ne peut pas être au gouvernement et posséder autant de choses en même temps. C’est un exemple clair de conflit d’intérêts ».

L’ennemi du makhzen avoue que sa décision de parler vient de la conviction que « les gens doivent faire quelque chose ». « Je sais qu’il n’y a pas de fin à tout cela. Si vous regardez les médias gouvernementaux au Maroc, tout le monde m’attaque. Les médias libres et les gens parlent de moi en bien. Si vous consultez l’une de mes publications, vous verrez que 90 % des commentaires sont en ma faveur parce que les gens savent ce qui se passe mais ne peuvent pas s’exprimer. Tout le monde me dit : « Tu parles à notre place. Nous ne pouvons pas dire ce que tu dis ».

Jerando, qui a quitté le Maroc en 2010, compare le règne de la terreur au Maroc à l’Espagne de Franco. « Les gens sont déprimés et déçus, mais ils ne peuvent rien faire », dit-il. Il n’hésite pas lorsqu’on lui demande si le Maroc est une dictature. « Comment appelez-vous un système qui censure, condamne les gens à la pauvreté et où les prix ne cessent d’augmenter alors que tout le monde doit se taire », grommelle ce Rifain qui se dit solidaire de leur cause. « Ils ont organisé des manifestations pacifiques et ont été condamnés à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison ».


Hicham Jerando

Cyber-activisme pour “délégitimer le régime”

La fixation des autorités marocaines sur Jerando l’a transformé en symbole parmi les dissidents punis à l’intérieur du pays. « Son cas est symbolique, vraiment révélateur et expressif. Il montre à quel point le régime prend au sérieux le discours de la cyber-opposition. Cela signifie que le cyberactivisme est efficace pour délégitimer le régime et montrer aux gens les tristes réalités de la corruption et de la répression dans le pays », explique à ce journal Maati Monjib, historien marocain, un autre opposant qui fait face à des persécutions judiciaires et à des représailles telles que l’expulsion de l’université où il travaillait.

« ça signifie également que le régime se sent politiquement faible. Si ce n’est pas le cas, pourquoi a-t-il si peur des quelques courageux qui disent la vérité sur ses politiques impopulaires, y compris son étroite collaboration en matière de sécurité avec le gouvernement extrémiste de Netanyahou ? Je dois vous rappeler ici que le peuple marocain est le plus propalestinien de la région. Le peuple marocain est réellement choqué par le fait que Netanyahou soit traité diplomatiquement et dans les médias locaux d’orientation mukhabbaratiste comme un leader international ami du gouvernement marocain. Le peuple marocain éprouve une réelle sympathie pour la tragédie palestinienne, contrairement au Maroc officiel, qui est le régime arabe le plus proche d’Israël avec les Émirats et l’Égypte d’Al Sissi », ajoute Monjib.

Jerando se dit prêt à tout sacrifier. « Je savais que je devrais le faire lorsque j’ai commencé tout ça. Je dois sacrifier mon entreprise, ma famille et moi-même, mais quelqu’un doit le faire », explique-t-il. « Je suis devenu dangereux parce que je donne des noms et des détails sur ce que font les personnes importantes du régime. Je ne parle pas de la corruption en général, mais de personnes spécifiques. Personne n’est venu dire que ce que je dénonce n’est pas vrai. Ils savent parfaitement que ces informations proviennent de l’intérieur du système. Il s’agit d’une kleptocratie ».