Elle place l’épanouissement de l’élève au cœur de sa philosophie. Grâce
à des dispositifs innovants comme les écoles pionnières, des élèves du
primaire rattrapent en quelques semaines des années de retard dans
plusieurs matières. Le ministre de l’Éducation nationale souhaite
généraliser le modèle des écoles pionnières à l’ensemble des
établissements du pays.
Pour cela, il a unifié le statut des enseignants. Tous
désormais sont des fonctionnaires en bonne et due forme. Les
enseignants auront droit à une augmentation de salaire conséquente, à
des primes et à un suivi rigoureux de carrière. Toutes choses qui
n’existaient pas dans le passé. Un accord avait été trouvé entre les
deux parties le 14 janvier 2023.
Mais dès la publication du décret formalisant ces accords, les syndicats signataires ont retourné leur veste et
engagé une série de grèves. Plus question de valider les accords du 14
janvier. Les représentants des enseignants sont ravis bien entendu
d’empocher les augmentations et les primes prévues dans le décret, mais
sont vent debout contre la semaine de 30 heures et les évaluations de
leur performance, seule façon de mesurer les progrès des élèves, et une
des manières de justifier des promotions, des mobilités hiérarchiques et
autres changements d’échelle pour les professeurs.
Le ministre de l’Éducation nationale, Chakib Benmoussa, voit donc deux ans de travail partir en fumée à
cause de l’attachement viscéral des syndicats au statu quo. Or, quel
est-il ce statu quo ? Le petit Marocain ne sait ni lire, ni écrire, ni
calculer convenablement, et ce, à tous les cycles scolaires. Il traîne
des lacunes depuis le primaire dont il ne se débarrassera jamais. Cela
le rend particulièrement exposé à l’abandon scolaire. Que l’on prenne
n’importe quel outil international d’évaluation du niveau des élèves
(PIRLS, PISA, etc.) et le constat est le même.
On peut certes pointer du doigt une politique d’État, le peu de moyens injectés dans l’école publique, mais
il arrive un moment où il faut appeler les choses par leurs noms. Les
enseignants assument la plus grande responsabilité dans l’échec scolaire
de nos enfants. Un état d’esprit défaitiste s’est emparé d’un large pan
du corps enseignant. Une recherche de la sinécure, de la situation de
rente, un souci permanent d’éviter l’effort et l’excellence. La preuve,
les syndicats combattent une réforme qui prône le sérieux à la place du
laxisme, la méritocratie à la place de la rente et l’effort à la place
du moindre effort.
La réforme de l’école publique n’est pas une mince affaire. Et
celle dont on parle est l’ultime d’une longue liste de tentatives qui
se sont toutes soldées par des échecs. Que celle-ci tombe à l’eau et il
n’en viendra plus d’autres. Déjà, les lobbys ultra-puissants des écoles
privées rôdent avec gourmandise. La mort hypothétique de l’école
publique serait synonyme de milliards de dirhams de gains pour de grands
groupes financiers prêts à dépecer le mammouth. Ceux-ci voient en
l’enseignement un casino financé par des parents en détresse, crachant
du profit à n’en plus finir.
Le fait que Aziz Akhannouch arrache de façon cavalière le dossier des mains de Benmoussa, en
promettant de modifier le Statut unifié au bénéfice des syndicats est
une défaite pour le gouvernement. Au lieu de soutenir vaille que vaille
son ministre en y mettant tous les moyens de l’État, de la majorité
gouvernementale et des élus, car la réforme est juste, il a choisi la
voie de la facilité. Qui est en même temps celle de la mollesse. Son
recul affaiblit le prestige de l’Etat et démontre qu’on peut le défier
impunément.
Pour preuve, l’intervention d’Akhannouch n’a pas empêché les grèves de se poursuivre, au mépris des élèves. Cet
épisode démontre qu’une poignée de syndicats peut prendre en otage
l’avenir d’un pays tout entier et entraver ses générations futures.
Chakib Benmoussa, un technocrate, ne possède peut-être pas cet art de la
manipulation et de la division dont usent les politiques madrés
lorsqu’ils négocient avec les syndicats. Mais au moins lui a la volonté
sincère de changer les choses pour les classes populaires et moyennes.
Seules catégories exposées à la médiocrité de l’enseignement et dont les
enfants sont exclus de l’ascenseur social.
Si les élites et les décideurs parlent pour les écoles privées, qui assume le porte-parolat du système d’enseignement public ? Face
au recul d’Akhannouch, il faudra expliquer aux Marocains, si oui ou
non, le gouvernement veut aller au bout de ce chantier. Le plus
fondamental de l’histoire de ce pays. Mais également celui que l’on
prend le plus à la légère. Si ce n’est par impuissance, peut-être par
choix…
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