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samedi 12 avril 2025

“La nuit nous emportera”, de Mahi Binebine : une ode lumineuse à l’amour maternel

 Yasmine Youssi, Telerama, 9/4/2025

Les bonheurs de l’enfance dans les ruelles du Marrakech des années 1960-1970, les combats d’une “mère courage” abandonnée par son mari… un récit intense, tendre, teinté d’humour, par le grand romancier marocain Mahi Binebine.

Des plus grands auteurs du royaume, le Maroc, invité d’honneur du Festival du livre de Paris, a étrangement oublié d’inclure dans sa délégation l’un de ses meilleurs écrivains : Mahi Binebine (qui signera néanmoins son livre sur le stand de son éditeur français, Robert Laffont, le dimanche 13 avril, de 10 heures à 12 heures*). Oubli d’autant plus regrettable que ce dernier atteint la quintessence de son art avec ce nouveau roman. L’histoire qu’il y déroule, avec un extraordinaire talent de conteur, ressemble à s’y méprendre à la sienne — lui dont le père était le bouffon de Hassan II et le frère, ancien militaire, emprisonné au bagne de Tazmamart [pendant 18 ans, NdE SOLIDMAR] pour avoir participé à la tentative de coup d’État contre le souverain, le 10 juillet 1971. Mais il est moins question de ces deux-là, ici, que de sa mère, Mamaya, dont il dresse un portrait d’une délicatesse à pleurer. Celui d’une femme qui fait face, autant qu’elle peut, pour maintenir les siens à flot, alors que son mari l’a abandonnée en lui laissant la charge de ses cinq enfants.

Sans mièvrerie aucune, d’une écriture classique mâtinée de réalisme poétique et de cet humour typique de Marrakech qui s’amuse à tout tourner en dérision, Binebine livre des pages magnifiques sur la beauté d’une mère, l’amour maternel, la douceur de l’enfance. Et tous ses bonheurs simples, qu’il s’agisse de l’affection d’un chien au « pelage truité d’un roux sale » ou des jeux dans un ruisseau « dont les rives tenaient leur verdeur du souvenir de l’eau qui les avait jadis bordées ». Ce faisant, l’auteur nous tient en haleine, cette quiétude, on le sent, volera bientôt en éclats, le drame, en embuscade, attend son heure. Elle sonne lorsque la grande histoire s’en vient percuter le récit, laissant Mamaya exsangue, à bout de souffle. Ce dont son cadet ne se remettra jamais, lui qui dit écrire « pour habiller de feu les ombres du passé, leur insuffler une voix et les écouter chanter ».
*Une autre occasion de rencontrer Mahi Binebine à Paris : le 15 avril à 19h à l'Institut du Monde Arabe, Rencontre modérée par Zineb Soulaimani. Entrée libre dans la limite des places disponibles. Itinéraire [NdE SOLIDMAR]


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