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jeudi 14 septembre 2017

Grève de la faim des prisonniers rifains : «La liberté ou la mort»

Par Oumaima Chaoui, Libération, correspondance à Casablanca
Manifestation du Hirak, le 11 juin à Imzouren.
Manifestation du Hirak, le 11 juin à Imzouren. Photo Fadel Senna. AFP
Plusieurs meneurs du Hirak, le mouvement de révolte qui secoue la région du Rif depuis un an, ont cessé de s'alimenter. Jeudi, leurs demandes de libération provisoires ont été rejetées.
Emprisonnés dans l’attente de leur procès, plusieurs meneurs du Hirak, le mouvement de contestation sociale et politique qui agite la région du Rif, dans le nord du Maroc, depuis près d’un an, ont entamé ces derniers jours une grève de la faim. Il est difficile de déterminer avec exactitude, entre les déclarations contradictoires des avocats et de l’administration pénitentiaire, combien d’activistes, parmi les 50 détenus dans la prison casablancaise d’Oukacha, ont cessé de s’alimenter. On sait néanmoins que Nabil Ahamjik, le bras droit de la figure centrale du Hirak, Nasser Zefzafi, jeûne depuis lundi, ainsi que deux autres figures du mouvement, Mohamed Jelloul et Rabii al-Ablak.
«C’est une grève de la faim illimitée, assure Mohamed Ahamjik, qui a rendu visite à son frère cette semaine. Ils demandent la libération de tous les prisonniers du Hirak.» Alors que la dernière manifestation du mouvement à Al-Hoceïma, l’épicentre de la révolte, remonte au 20 juillet, 350 personnes sont actuellement emprisonnées dans le Rif, selon les estimations du coordinateur du Comité de défense des détenus du Hirak, Rachid Belaali. Elles ont été arrêtées pour avoir participé à des manifestations interdites par les autorités, ou pour avoir appelé la population à se rassembler.
L’espace de quelques semaines, cet été, les militants détenus ont espéré une grâce royale. Quelque 58 d’entre eux, en majorité des jeunes et des mineurs, ont été libérés à l’occasion de la fête du Trône, dont Silya Ziani, chanteuse de 23 ans et figure médiatique du mouvement. Mais les cadres du Hirak sont restés derrière les barreaux. Pour les grévistes de la faim de Casablanca, le mot d’ordre est désormais «la liberté ou la mort», confirme l’un de leurs avocats, Khalid Omeza. La liberté ne semble pas d’actualité. La cour criminelle de Casablanca a refusé, ce jeudi, les demandes de libération provisoire de 18 membres du mouvement – dont Nabil Ahamjik – déposées par 57 avocats deux jours plus tôt, lors d’une séance houleuse. Devant les familles des militants, les nombreux journalistes et même les représentants du Conseil national des droits de l’homme, venus observer le déroulement du procès, l’équipe de défense a dénoncé à plusieurs reprises un «procès politique» et le placement en détention préventive des accusés, «injustifié».
Le représentant du ministère public s’est montré inflexible, soulignant la gravité des chefs d’inculpation, qui vont de «la participation à l’organisation d’une manifestation non autorisée» à «l’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat», crime passible de la peine capitale (sur laquelle le Maroc observe un moratoire de fait depuis 1993). La cour a cependant accédé à la demande de report des avocats : le procès a été reprogrammé au 3 octobre.
En revanche, la date du procès du leader du Hirak, Nasser Zefzafi, n’a toujours pas été officiellement annoncée. Il pourrait à lui seul rallumer la révolte du Rif, tant Zefzafi est devenu le héros des militants du mouvement. Selon MOmeza, le juge d’instruction chargé de l’enquête aurait réduit les charges retenues contre lui. Cette initiative aurait «déplu au procureur, qui a déposé un recours», assure l’avocat. Une illustration du «caractère politique de ces procès contre des gens qui n’ont fait que protester contre la situation de leur région», estime Ahmed El Haij, président de l’Association marocaine de droits de l’homme. C’est le signe, ajoute-t-il, que les «tentatives de médiation, menées par des figures de la société civile, n’aboutissent pas : l’Etat veut montrer qu’il ira jusqu’au bout». Autre signe de l’intransigeance des autorités, à Al Hoceima, les manifestations ont cessé, mais pas les arrestations. MBelaali recense entre trois et dix nouvelles interpellations chaque jour.

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