Blog du Réseau de solidarité avec les peuples du Maroc, du Sahara occidental et d'ailleurs(RSPMSOA), créé en février 2009 à l'initiative de Solidarité Maroc 05, AZLS et Tlaxcala
Crise du bétail : le Maroc se tourne vers l’Australie Le Maroc prévoit d’importer jusqu’à 100.000 moutons vivants d’Australie chaque année, une priorité urgente avant l’Aïd Al-Adha. Cette décision vise à compenser la forte baisse du cheptel national due à la sécheresse. Les experts critiquent l’échec du plan “Maroc Vert”, accusé d’avoir aggravé la crise de l’élevage. Ils dénoncent aussi le manque de soutien aux éleveurs locaux, la spéculation et la priorité donnée aux cultures d’exportation au détriment de la sécurité alimentaire nationale.
L’ancien président du
gouvernement espagnol parraine un livre qui vante les mérites de l’occupation
marocaine du Sahara occidental, l’ancienne colonie espagnole
Choyé et apprécié par les
autorités marocaines, José Luis Rodríguez Zapatero s’est fait une place de l’autre
côté du détroit. L’ancien
président du gouvernement est devenu un habitué des conférences et des
événements officiels du régime de Mohamed VI, au point de devenir l’un des
principaux porte-parole des thèses du makhzen, le cercle du roi qui
dirige les destinées du Maroc. Dans son rôle de lobbyiste alaouite, le
socialiste fait maintenant ses débuts en tant que préfacier d’un livre publié
en Suisse qui chante les bienfaits de l’occupation marocaine du Sahara
occidental, l’ancienne colonie espagnole et le dernier territoire d’Afrique
en attente de décolonisation.
« Tout au long de ma vie et dans
mes différentes fonctions, d’abord en tant que secrétaire général du Parti
socialiste ouvrier espagnol (2000-2011), puis en tant que président du
gouvernement espagnol (2004-2011) et maintenant en tant qu’ancien président, j’ai
effectué de nombreux voyages au Maroc. Pendant plus de vingt ans, ces voyages m’ont
permis de découvrir de près la réalité d’une terre riche et diversifiée et de
compter parmi mes bons amis des citoyens marocains du nord comme du sud »,
écrit Rodríguez Zapatero dans le prologue de Sahara marocain, terre de
lumière et d’avenir publié par les éditions Favre.
Cet ouvrage de 315 pages a été
écrit en français par Jean-Marie Heydt, professeur à l’université d’Oujda
(Maroc). Il vise à promouvoir la souveraineté marocaine sur le Sahara
occidental, un territoire non autonome selon l’ONU, dont la population
autochtone - répartie entre les zones occupées, les camps de réfugiés de
Tindouf (Algérie) et la diaspora - se sont vu refuser le droit à l’autodétermination.
Heydt est l’auteur d’autres panégyriques antérieurs sur le Maroc, dont Mohamed VI : la vision
d’un roi, actions et ambitions, publié par le même éditeur en 2019.
La préface
signée par Rodríguez Zapatero
« Les provinces du sud »
Avec les anciens ministres José
Bono et María Antonia Trujillo, résidente au Maroc, Zapatero est l’un des
visages des liens étroits établis entre le PSOE et la monarchie alaouite. Dans la
préface de l’ouvrage, l’ancien président adopte le langage que le Maroc tente
de promouvoir sur la scène internationale. Il parle des « provinces du sud »
pour désigner les territoires occupés du Sahara et se vante de ses
pérégrinations en tant qu’invité d’honneur du régime.
L’ouvrage dont il rédige le
préambule est réalisé, comme le reconnaît son auteur, à partir du contenu et
des informations fournies par les gouverneurs et les fonctionnaires du Sahara
occupé ainsi que par les organismes d’État et par Mouhsine El Yazid, consul
honoraire du Maroc à Lausanne et coprésident - avec Laurent Wehrli, député
libéral-radical du Canton de Vaud - de l’Alliance
Suisse-Maroc. Il ne s’agit donc pas d’un ouvrage universitaire et il n’a
pas l’intention d’être rigoureux car il ne dispose pas de témoignages
indépendants. En effet, l’auteur avertit le lecteur que tout au long du texte,
il est fait référence à Mohamed
VI, « le prince des croyants », et s’excuse en affirmant que «
pour les Marocains, le roi est considéré comme un membre de leur famille et
cette osmose est aussi spirituelle que patriotique, affective, religieuse et
historique ». Heydt dit du souverain, qui passe de longues périodes à l’étranger
et dont la vie et les fréquentations sont taboues dans le royaume, qu’il est le
véritable facteur d’unité et qu’il est surnommé depuis 2011 « le roi citoyen »
pour avoir accordé à ses sujets une nouvelle constitution qui, dans la
pratique, maintient tous ses privilèges.
« Un voyage se détache singulièrement
de ma mémoire : en 2015, j’ai eu l’occasion de me rendre à Tan-Tan pour
participer au Moussem. Et lors de ce rassemblement des tribus du désert du
Sahara, j’ai pu profiter de la richesse
culturelle qu’offrent le Sahara et ses Tribus » [sic], évoque-t-il en
préambule. « C’est pourquoi j’ai accepté avec plaisir d’écrire ces lignes en prologue
à Sahara marocain : terre de lumière et d’avenir, publié par les éditions
Favre, un ouvrage magnifique qui présente toute la beauté et la complexité du
Sahara », écrit-il dans sa préface signée de sa main sous le titre de «
président du gouvernement espagnol entre 2004 et 2011 ».
Son témoignage est
particulièrement précieux pour les autorités marocaines, car il s’agit d’un
ancien président du pays qui continue d’assumer devant l’ONU la responsabilité
de puissance administrante « de jure ». Dans les deux pages de la préface,
Zapatero félicite l’auteur de l’ouvrage « pour son excellent travail visant à
faire connaître le Sahara et à ouvrir tous ses aspects au public avec ces
magnifiques photos et textes ».
Zapatero, depuis qu’il a quitté
La Moncloa, s’est fait une carrière de lobbyiste, du Maroc au Venezuela
en
passant par la Chine.
Zapatero au festival d’Essaouira, au Maroc
Aucune mention des droits humains
ou de l’exploitation des ressources
Le livre, en soi, est un
catalogue de louanges au roi et aux autorités locales du Sahara occupé. Il
ignore complètement la marginalisation dont souffre la population autochtone
face aux colons que le Maroc a envoyés ; le pillage des ressources naturelles
que les
arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne ont mis au jour ; ou les
graves violations des droits humains qui sont enregistrées dans l’ancienne 53ème
province d’Espagne, soumise à un black-out d’information rigoureux avec l’expulsion
de plus de 300 observateurs, activistes et journalistes étrangers depuis 2014.
Le préfacier évite également
toute question critique et alimente ses thèses sur la nécessité d’une entente
avec le Maroc, en plus de la célébration du tournant copernicien que le
gouvernement de Pedro Sánchez a opéré en 2022 dans le contentieux du Sahara en
reconnaissant le vague plan d’autonomie marocain - trois pages jamais
développées - comme la base la plus sérieuse pour la résolution du différend.
Zapatero a défendu les thèses
makhzéniennes au Maroc et en Espagne, lors d’événements
liés à un mouvement sahraoui que les services de renseignement espanols considère
comme un écran des services de renseignement marocains. Lors de
l’un de ses derniers événements à Madrid, il a été interpellé par des
participants sahraouis, qui ont dénoncé sa complicité avec l’occupation. Mais l’ancien
président reste soumis aux postulats du pays voisin : « La capacité de
réconciliation, la capacité de se mettre à la place de l’autre, de pardonner,
de regarder vers l’avenir et d’ouvrir l’ horizon aux jeunes sont une exigences
essentielle pour l’avenir du Sahara. Le Sahara est une région pleine de
possibilités et nous devons, en tant qu’amis du Maroc, œuvrer à sa prospérité.
Le travail que le lecteur a entre les mains est une incitation à cela »,
conclut-il.
« C’est la
première fois qu’un ministre français se rend officiellement dans cette région, dans cette province du Sud », s’est vantée Rachida Dati, la ministre française de la Culture, qui a
effectué un voyage controversé dans les territoires occupés du Sahara
occidental, quelques mois après que le président français Emmanuel
Macron avait reconnu la souveraineté marocaine sur l’ancienne province
espagnole, la dernière colonie d’Afrique.
Vêtue d’une melhfa
(le vêtement typique des femmes sahraouies), Dati a parcouru El Ayoun, la
capitale du Sahara occidental, et Dakhla, l’ancienne Villa
Cisneros que le Maroc tente de transformer en une ville de tourisme balnéaire.
« C’est une visite politique mais aussi culturelle », a souligné Dati, une
vieille connaissance de la politique française qui occupe ce poste depuis début
2024, sous trois premiers ministres successifs. « Ils connaissent mes
convictions et mon histoire avec le Maroc », a-t-elle déclaré aux journalistes
pour montrer son ferme soutien à la monarchie alaouite et à l’occupation du
Sahara. « C’est un moment politique et symbolique très fort pour les deux pays
», a-t-elle ajouté.
Condamnation
du Polisario
La visite a
été condamnée par la République arabe sahraouie démocratique. « Le gouvernement
sahraoui condamne la visite de la ministre française de la Culture, Rachida
Dati, dans les villes occupées de Dakhla et El Ayoun, la considérant comme un
acte hostile et provocateur qui ne peut être interprété que comme une
tentative flagrante de légitimer l’occupation », a déclaré le Front
Polisario dans un communiqué.
À El Ayoun, Dati
a annoncé la création d’une antenne de l’Alliance française. « Nous voulons que
cette Alliance devienne un centre de ressources et un axe clé pour la
coopération culturelle entre la France et le Maroc », a-t-elle glissé lors d’un
itinéraire au cours duquel elle était accompagnée du ministre marocain de la
Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid, et de l’ambassadeur
de France au Maroc, Christophe Lecourtier, qui s’était déjà rendu dans les
territoires occupés il y a quelques mois.
Dati a été l’une
des ministres les plus enthousiastes à l’égard de la reconnaissance de Macron
qui a scellé la fin de la crise diplomatique entre Rabat et Paris. Celle qui
était ministre de la Justice sous Nicolas Sarkozy, de père marocain et de mère
algérienne, s’était rendue aux célébrations du 25e anniversaire du règne de Mohamed VI en juillet
dernier, coïncidant avec l’annonce du président français. « C’est un honneur d’être
présente en ce jour historique pour les relations franco-marocaines. Ce cours
de l’Histoire est essentiel et irréversible. Nous en sommes tous les
architectes », a-t-elle gazouillé sur son compte X, anciennement Twitter.
Enthousiaste
à l’idée de resserrer les liens avec le Maroc
« Nous
rendons hommage à Sa Majesté le Roi Mohamed VI et au Président de la République
Emmanuel Macron pour leurs visions ambitieuses pour nos deux peuples, qui
savent que, d’une rive à l’autre de la Méditerranée, notre avenir ne peut être
que commun. Vive le Royaume du Maroc et vive la France ! », a-t-elle ajouté.
Selon Dati, « la souveraineté du Maroc est incontestable ». « La position du
président de la République Emmanuel Macron est un événement important et
positif qui renforce la souveraineté du Royaume du Maroc », a-t-elle conclu.
Paris
cherche également à stimuler le commerce et les investissements au Sahara, un
territoire non autonome en attente de décolonisation. À Dakhla, Dati a inauguré
une nouvelle antenne de l’Institut supérieur des métiers de l’audiovisuel et du
cinéma (ISMAC) qui formera de jeunes professionnels du cinéma et des médias.
Comme le rappelle Reporters sans frontières, le Sahara est un trou noir de l’information.
Karima Benyaich, Nezha Alaoui M’hammdi, Samira Sitaïl… Au fil des ans, le roi du Maroc s’est constitué une véritable « dream team » diplomatique féminine. Aujourd’hui, elles défendent les intérêts du royaume dans les capitales les plus stratégiques.
En matière de représentativité des femmes au sein de la diplomatie, la monarchie chérifienne a souvent fait figure de précurseur. Dès l’indépendance du Maroc, au moment où même les pays occidentaux qui se disent féministes ne comptaient que de très rares visages féminins pour incarner leur politique étrangère – la première ambassadrice française a, par exemple, été nommée en 1972 pour représenter le pays au Panama, et le titre d’ambassadrice était réservé aux épouses d’ambassadeurs jusque dans les années 2000 –, le roi Hassan II désignait Lalla Aïcha pour représenter le royaume à la tête de chancelleries parmi les plus convoitées : Londres, de 1965 à 1969, Athènes, de 1969 à 1970, puis Rome, de 1970 à 1973.
Tout un symbole, d’autant que la princesse s’était illustrée très tôt, dès la fin des années 1940, dans la lutte pour l’émancipation des filles marocaines, et tout particulièrement pour leur scolarisation. D’autres personnalités emboîteront le pas à la sœur du défunt souverain dans ce domaine hautement stratégique. À l’instar de Halima Ouarzazi qui, après un passage par l’ambassade du Maroc à Washington de 1959 à 1967 comme attachée culturelle, a été propulsée représentante du Maroc aux Nations unies, à New York, où elle sera élue en 1973 à la tête de la sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités.
Depuis son accession au trône en 1999, Mohammed VI a redéfini les contours de la politique étrangère marocaine en lui insufflant une dimension plus directe, décomplexée, en cohérence avec la nouvelle place du royaume sur l’échiquier géopolitique. Mais aussi en renforçant sa dynamique inclusive, dans le sillage de l’héritage en faveur des femmes laissé par son père, Hassan II, et son grand-père, Mohammed V.
Alors que la diplomatie mondiale reste encore un bastion masculin – à l’exception des pays scandinaves et des pays d’Europe de l’Est, où la parité est largement atteinte, la majorité des nations sont à la peine, avec trois quarts des ambassades dirigées par des hommes –, le monarque a placé de plus en plus de femmes aux avant-postes des grandes négociations et des relations stratégiques. À l’instar de Lalla Joumala Alaoui (cousine du roi Mohammed VI) à Londres puis à Washington, mais aussi Nezha Chekrouni ou encore Mounia Boucetta, qui ont été respectivement ministre déléguée ou secrétaire d’État auprès des Affaires étrangères. Des figures de proue, des profils expérimentés, mais aussi toute une nouvelle génération de femmes diplomates qui commence à se distinguer comme conseillères dans les ambassades ou au ministère. Encore loin des projecteurs, mais prêtes à prendre la relève.
Aujourd’hui, cette démarche tend à se renforcer avec une dream team d’ambassadrices marocaines déployées dans des chancelleries clés. Que ce soit dans les grandes capitales européennes comme Paris, Berlin ou Madrid, en Afrique subsaharienne, à Addis-Abeba, à Luanda et à Brazzaville, en Amérique latine, à Bogota, à Panama et à Santiago du Chili, ou en Australie, à Canberra, ce sont des femmes qui sont à la manœuvre. Même au Vatican, c’est désormais un visage féminin qui représente le royaume, avec la juriste Raja Naji Mekkaoui – qui s’était fait connaître en étant la première femme à animer une causerie religieuse devant le roi pendant le ramadan en 2003. Certaines très discrètement, de manière traditionnelle. D’autres d’une façon plus visible ou en sortant des sentiers battus. Mais toutes œuvrent activement pour la défense des intérêts du Maroc, épaulées dans leur action par l’administration centrale. Au total, le ministère des Affaires étrangères marocain compte 57 % d’hommes et 43 % de femmes. Portraits de six ambassadrices marocaines parmi les plus en vue.
Nezha Alaoui M’hammdi, à Addis-Abeba
Femme de tête, intelligente, déterminée et efficace, Nezha Alaoui M’hammdiest très discrète dans les médias. Pourtant, celle qui est ambassadrice du Maroc en Éthiopie et à Djibouti depuis 2016 est un personnage clef de la diplomatie marocaine, pour laquelle elle a joué un rôle important au moment du retour du royaume au sein de l’Union africaine, en 2017. Mais aussi dans le renforcement des relations avec Addis-Abeba, terrain qui n’est pas historiquement proche du Maroc comme pourrait l’être le Sénégal ou le Gabon.
Cette ancienne ambassadrice du Maroc au Ghana, au Togo et au Bénin s’est beaucoup mobilisée en faveur d’une coopération plus fluide entre les deux pays, à travers notamment l’augmentation du nombre de vols pour faciliter les échanges. Ex-numéro 2 des Affaires africaines au ministère, et auparavant cheffe de service des relations Maroc-Parlement européen, cette experte de la négociation entrée au ministère en 1989 s’est formée en travaillant aux côtés de Taïeb Fassi Fihri, mais aussi de Youssef Amrani. Aujourd’hui, sa mission dépasse la simple diplomatie bilatérale. Dotée d’une expertise reconnue sur les questions africaines, celle qui est également chercheuse au Policy Center for the New South participe aux discussions sur les corridors économiques et la coopération Sud-Sud, où elle incarne la diplomatie proactive du Maroc sur le continent.
Zohour Alaoui, à Berlin
Petite fille du célèbre cadi Ben Driss Alaoui (cousin de Mohammed V), Zohour Alaoui est un pur produit des Affaires étrangères, dont elle a intériorisé les codes et les méthodes à travers une immersion précoce dans les cercles diplomatiques : fille de Moulay Driss Alaoui, proche d’Omar Bongo, qui fut ambassadeur du Maroc au Gabon pendant près de vingt ans, cette diplômée en droit public de l’Université Mohammed-V de Rabat et titulaire d’un Master of Arts in Liberal Studies de Georgetown University, a intégré le ministère en 1987. Elle y connaît une ascension rapide, dirigeant notamment la division de l’ONU et des organisations internationales. En 2006, cette femme de réseaux, mariée au PDG d’Intelcia, Karim Bernoussi, est nommée ambassadrice en Suède et en Lettonie, où elle renforce les liens bilatéraux et s’impose comme une interlocutrice incontournable sur les questions culturelles et économiques.
Sa fine connaissance des enjeux multilatéraux la mène ensuite, en 2011, à l’Unesco, où elle devient ambassadrice déléguée permanente du Maroc. Puis en 2018, à Berlin, où elle prend les rênes de l’une des ambassades les plus stratégiques du royaume en Europe. L’Allemagne, première puissance économique du continent, joue un rôle clé dans les relations Maroc-UE. Son arrivée intervient à un moment crucial, alors que Rabat et Berlin doivent renforcer leur coopération sur des dossiers sensibles tels que l’immigration, le climat et les échanges économiques.
Karima Benyaich à Madrid
Ambassadrice au style affirmé, Karima Benyaich est l’incarnation d’une diplomatie marocaine proactive, soucieuse de défendre les intérêts du royaume tout en consolidant les relations stratégiques avec ses partenaires européens. Depuis sa nomination en 2017 en tant qu’ambassadrice à Madrid, elle s’est imposée comme une figure centrale des relations diplomatiques entre les deux pays, mêlant fermeté et habileté dans un poste aussi prestigieux que délicat. Au cœur des tensions puis des rapprochements stratégiques entre les deux États, elle incarne une diplomatie marocaine plus affirmée et décomplexée.
Née à Tétouan en 1961, cette hispanophone, diplômée en sciences économiques de l’Université de Montréal, a grandi proche du sérail, après la mort de son père – médecin personnel du roi Hassan II – lors du coup d’État de Skhirat. De mère espagnole, elle s’est spécialisée dans le commerce et les finances internationales. Sa thèse portait sur l’incidence de l’intégration de l’Espagne et du Portugal dans la Communauté européenne sur l’économie marocaine. Ancienne directrice de la coopération culturelle et scientifique aux Affaires étrangères, elle est nommée ambassadrice au Portugal en 2008. Puis arrive à Madrid, dans un contexte de relations fluctuantes entre les deux pays.
Sa gestion de la crise diplomatique de 2021, née de l’accueil en Espagne du leader du Front Polisario, Brahim Ghali, a marqué les esprits. Ses déclarations parfois incisives – elle n’hésitait pas à dénoncer publiquement les décisions de Madrid perçues comme contraires aux intérêts marocains – lui ont valu le surnom de « Dame de fer » de la diplomatie marocaine. Membre du Comité Averroès, créé en 1996, pour promouvoir la coopération et l’entente entre les peuples espagnol et marocain, elle est également une cheville ouvrière du renforcement du partenariat stratégique entre Rabat et Madrid, notamment sur les questions migratoires, économiques et sécuritaires. Son rôle de médiatrice a permis de rétablir un dialogue constructif entre les deux royaumes, comme en témoigne la visite du président Pedro Sánchez à Rabat en 2022.
Samira Sitaïl, à Paris
Autre « Dame de fer » de la diplomatie marocaine, l’ancienne journaliste Samira Sitaïl, dont la nomination à Paris en octobre 2023 marque une volonté d’affirmation du soft power marocain en France, et de déplacer l’action diplomatique sur le terrain des médias. Depuis, cette personnalité que l’on dit proche du sérail s’est imposée comme une figure clé du rapprochement entre Rabat et Paris. Dotée d’un style direct et incisif, elle a été choisie par Mohammed VI au pic des turbulences entre les deux pays, et au lendemain du séisme d’Al Haouz en septembre 2023, moment où elle s’était distinguée par ses sorties télévisées musclées.
Dès son arrivée, elle adopte un ton offensif, posant des lignes rouges claires et exigeant de Paris un alignement plus explicite sur la marocanité du Sahara. Son approche, combinant fermeté et pragmatisme, s’est avérée efficace : en 2024, la France finit par reconnaître officiellement la souveraineté marocaine sur le territoire saharien, marquant une victoire diplomatique majeure pour Rabat.
Née en 1964 à Bourg-la-Reine, en région parisienne, Samira Sitaïl grandit au sein d’une famille marocaine immigrée en France. Diplômée de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et de l’École supérieure de réalisation audiovisuelle, elle fait ses débuts à la télévision marocaine dans les années 1990. Très vite, elle devient un visage incontournable de la chaîne 2M, qu’elle contribue à moderniser et professionnaliser en tant que directrice de l’information.
Contrairement aux diplomates traditionnels, Samira Sitaïl ne cherche pas à arrondir les angles. Sur les plateaux télévisés français, elle défend les intérêts du Maroc avec aplomb et ne mâche pas ses mots. Cette approche décomplexée tranche avec la diplomatie plus feutrée qui a longtemps caractérisé les relations entre les deux pays. Son influence dépasse le cadre politique : elle œuvre aussi pour renforcer le soft power marocain en France, en s’appuyant sur la diaspora et en développant des initiatives culturelles et économiques. Pragmatique et connectée aux réalités des médias, elle impose un style diplomatique nouveau, où la communication devient une arme stratégique à part entière.
Farida Loudaya, à Bogota
Depuis sa nomination en 2017 comme ambassadrice du Maroc en Colombie et en Équateur, Farida Loudaya s’est imposée comme une actrice clé du renforcement des relations diplomatiques entre Rabat et l’Amérique du Sud. Combinant habileté diplomatique et expertise stratégique, elle a su faire progresser les intérêts du royaume, notamment sur la question du Sahara marocain.
Diplômée de l’École nationale d’administration (ENA) et titulaire d’un certificat en sciences politiques de l’Université Mohammed-V de Rabat, Farida Loudaya intègre le ministère des Affaires étrangères en 1995. Spécialiste des relations Maroc-Union européenne, elle est affectée aux ambassades du royaume à La Haye, puis à Paris où elle collabore avec Fathallah Sijilmassi. Son retour au Maroc, en 1999, marque une nouvelle étape dans sa carrière : elle rejoint la direction de la coopération bilatérale pour les affaires américaines avant d’en prendre la tête en 2011.
Envoyée à Bogota en 2017, elle est chargée de renforcer les liens bilatéraux et d’accélérer la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara. Son travail de fond porte ses fruits en 2021, lorsque la Colombie étend ses services consulaires aux provinces du Sud, reconnaissant ainsi de facto la souveraineté marocaine. Elle mène également un travail de lobbying intense auprès des institutions académiques et politiques, réorientant le débat sur le Sahara marocain vers une approche économique et géopolitique pragmatique.
Au-delà du dossier saharien, Farida Loudaya œuvre à intensifier la coopération économique et culturelle entre le Maroc et la Colombie. Elle est à l’origine de plusieurs accords dans les secteurs de l’agriculture, des énergies renouvelables et de la recherche universitaire. Son approche s’appuie sur la diplomatie d’influence : en tissant des liens solides avec des décideurs économiques et intellectuels, elle redonne au Maroc un statut d’acteur clé en Amérique latine.
Saâdia El Alaoui, à Luanda
Saâdia El Alaoui, nommée ambassadrice du Maroc en Angola en 2016, est une figure montante de la diplomatie marocaine en Afrique subsaharienne. Issue d’une famille sahraouie et diplômée en sciences politiques de l’Université Mohammed-V, elle s’est illustrée par son approche méthodique et sa fine compréhension des enjeux régionaux.
Avant son affectation à Luanda, elle a occupé le poste d’ambassadrice en Norvège et en Islande, où elle a été décorée de la croix de l’Ordre royal du mérite en reconnaissance de son travail diplomatique. Sa nomination en Angola s’inscrit dans la volonté du roi Mohammed VI de renforcer la présence marocaine en Afrique subsaharienne et d’affermir les relations avec un pays clé du continent.
Reconnue par ses pairs pour sa rigueur et sa capacité à structurer les relations bilatérales, elle a contribué à apaiser la position angolaise sur des dossiers sensibles comme la question du Sahara.
Alors que le Maroc ambitionne de
remporter la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2025 à domicile, la
sélection est confrontée à un problème de taille.
Depuis leur parcours historique à
la Coupe du monde Qatar 2022, plusieurs joueurs de l’équipe du
Maroc ont choisi de poursuivre leur carrière dans les championnats
du Golfe, délaissant les espoirs de transferts vers des clubs
européens prestigieux comme le FC Barcelone ou le Real Madrid. Le
dernier en date est Hakim Ziyech, qui a rejoint Al-Duhail au
Qatar.
La tendance a débuté lors du
mercato estival de 2023 avec le départ de Romain Saïss vers Al-Sadd
(Qatar) pour 2,5 millions d’euros, après son passage à Beşiktaş
(Turquie). Yassine Bounou, auteur de performances héroïques avec le
FC Séville lors de la victoire en Ligue Europa, a rejoint Al-Hilal
(Arabie saoudite) pour 21 millions d’euros. D’autres joueurs ont
suivi ce mouvement. Jawad El Yamiq, évoluant auparavant au Real
Valladolid, a signé à Al-Wehda pour 1,2 million d’euros, tandis
qu’Abdelhamid Sabiri, en difficulté à la Fiorentina, a rejoint
Al-Fayha.
Le Qatar Stars League a
également vu l’arrivée de plusieurs figures majeures. Sofiane
Boufal, l’un des premiers à partir après le Mondial 2022, a signé
avec Al-Rayyan avant de rejoindre plus tard l’Union Saint-Gilloise.
Badr Banoun évolue quant à lui à Al-Qatar depuis l’été 2022, après
avoir quitté Al-Ahly (Égypte).
Ce choix
stratégique, souvent motivé par des considérations financières ou
personnelles, suscite des interrogations sur la valeur marchande
des joueurs. Selon la plateforme spécialisée « Transfermarkt », les
transferts vers les clubs du Golfe entraînent généralement une
diminution de leur cote, même pour ceux qui brillent avec leur
équipe. Yassine Bounou en est l’exemple : bien que performant avec
Al-Hilal, sa valeur est passée à 7 millions d’euros, une chute
significative par rapport à ses précédentes évaluations en Europe.
Cette situation pose la question de l’impact à long terme sur la
compétitivité des joueurs marocains sur la scène
internationale.
Pour les prochaines échéances,
Walid Regragui, le sélectionneur de l’équipe du Maroc, prépare une
énorme surprise.
Walid Regragui, sélectionneur de l’équipe nationale du Maroc,
est actuellement en tournée en Europe pour évaluer plusieurs
joueurs en vue des matchs cruciaux contre le Niger et la Tanzanie,
prévus les 17 et 24 mars 2025. Ces rencontres compteront pour les
cinquième et sixième journées des éliminatoires de la Coupe du
Monde 2026, qui se déroulera aux États-Unis, au Canada et au
Mexique.
Regragui s’apprête à annoncer, lors d’une conférence de presse
le 13 mars au Centre Mohammed VI de Rabat, la liste définitive des
Lions de l’Atlas pour ce stage d’entraînement. Cette liste pourrait
être marquée par des changements notables, le sélectionneur étant
en quête de nouveaux talents pour renforcer son effectif. Dans ce
cadre, il suit de près plusieurs joueurs évoluant en Europe,
notamment Anass Salah-Eddine (AS Roma), Chemsdine Talbi (Club
Bruges) et Maroan Sannadi Harrouch (Athletic Bilbao), comme le
rapporte Kooora.
Le profil de Maroan Sannadi Harrouch suscite un intérêt
particulier chez Regragui, qui prévoit de le rencontrer en Espagne
à la fin du mois. Cette visite pourrait être déterminante pour
discuter d’une éventuelle intégration du joueur au sein des Lions
de l’Atlas. En outre, le sélectionneur envisage d’assister au match
aller de la demi-finale de la Coupe du Roi d’Espagne, opposant le
Real Madrid à la Real Sociedad le 26 février au stade Anoeta.
L’objectif est d’observer en direct Brahim Díaz, milieu de terrain
du Real Madrid, et Nayef Aguerd, défenseur de la Real Sociedad,
deux joueurs marocains qui pourraient également être convoqués.
Cette tournée européenne illustre l’engagement de Walid Regragui
à explorer toutes les options disponibles pour composer une équipe
compétitive en vue des prochaines échéances internationales. Sa
capacité à détecter et à intégrer de nouveaux talents pourrait
s’avérer décisive pour le Maroc dans sa quête de qualification à la
Coupe du Monde 2026.
Véritable centre du pouvoir marocain ou gouvernement bis ? Le
« diwane » fait l’objet de nombreuses questions et nourrit quelques
fantasmes. Enquête sur une institution centrale du royaume chérifien.
Derrière les hauts murs crénelés du palais royal de Rabat se trouve l’un des lieux de pouvoir les plus fantasmés du Maroc :
le cabinet royal, dont l’entrée jouxte celle de la chefferie du
gouvernement. Tout un symbole puisqu’à elles deux, ces institutions
nichées dans les célèbres bâtiments à tuiles vertes du Méchouar forment
les deux faces de ce qui fait la spécificité du régime marocain. Une
monarchie exécutive où le gouvernement, loin de faire de la figuration, a
des prérogatives élargies depuis la Constitution de 2011. Celle-ci le
rend responsable de la bonne marche de l’administration, de l’exécution
des lois votées au Parlement et de la réalisation des grands chantiers
structurants du pays. Pourtant, le roi,
dont l’action et les décisions sont très encadrées par la Constitution,
reste à la fois l’initiateur de la majorité des stratégies du pays et
l’ultime arbitre, avec une implication directe dans des domaines
souverains comme la sécurité, la défense ou la diplomatie.
Un pouvoir fort qu’il exerce en s’appuyant sur un cabinet composé
de conseillers, de chargés de missions, de cadres et experts en tout
genre, de secrétaires et de personnel administratif. En tout, ce sont
plus d’une centaine de personnes qui s’affairent au sein du cabinet royal
(connu également sous le nom de « diwane » ou encore « CR » pour les
proches du sérail) dans le dévouement et la discrétion les plus absolus.
Ces hommes et ces femmes sont pour la plupart inconnus du grand
public, à l’exception des conseillers de Mohammed VI. Souvent passés par de hautes fonctions publiques, ces derniers sont au nombre de sept : Fouad Ali El Himma, André Azoulay, Omar Azziman, Taïeb Fassi-Fihri, Omar Kabbaj, Abdellatif Menouni et Yassir Zenagui.
Nommés par dahir, les membres de ce cercle très prisé et strictement
masculin – la seule femme de l’histoire du Maroc à avoir été conseillère
royale fut Zoulikha Nasri
– se distinguent par la diversité et la complémentarité de leurs
personnalités, de leurs réseaux, mais aussi de leurs compétences.
« À la différence de l’époque de Hassan II,
où le choix des conseillers reflétait avant tout ses amitiés, comme
avec Ahmed Reda Guedira, et son tropisme pour la politique et le droit,
avec des profils tels qu’Abdelhadi Boutaleb, Allal Sinaceur, Ahmed
Snoussi ou encore Ahmed Bensouda, le CV des conseillers de Mohammed VI
traduit à la fois son goût pour l’action et sa grande ouverture
d’esprit », estime un historien marocain, professeur à l’université
Mohammed-V.
Les têtes de pont
Par ailleurs, si tous les conseillers
ont le même statut et qu’il n’existe pas de hiérarchie entre eux – le
seul directeur de cabinet du roi aura été Mohamed Rochdi Chraïbi, qui
occupa ce poste de 2000 à 2001 –, ils n’ont pas tous le même poids.
Ainsi, le plus connu – et sans doute le plus influent, comme le
soulignent plusieurs sources à Rabat – est Fouad Ali El Himma. Ancien
camarade d’école et d’université de Mohammed VI, passé par le ministère
de l’Intérieur avant de fonder le Parti Authenticité
et Modernité (PAM, parti créé pour contrer les islamistes et offrir aux
Marocains une nouvelle alternative politique), il était très médiatisé…
Jusqu’à ce que, dans le sillage du Printemps arabe,
en 2011, et de son pendant marocain, le Mouvement du 20-Février,
plusieurs forces politiques lui reprochent à tort ou à raison de vouloir
faire une OPA sur le champ politique en usant de sa proximité avec le
roi et de son influence sur l’administration. Il quitte alors la
direction du parti du Tracteur et est nommé dans la foulée conseiller
royal. Un signe de confiance envoyé par le Palais envers l’un de ses
serviteurs les plus fidèles. Et si aujourd’hui, le « Monsieur Politique
intérieure » de Mohammed VI est moins visible, il continue de chapeauter
les sujets les plus sensibles.
À ses côtés, le « doyen » des conseillers : André Azoulay. Ancien
journaliste et banquier, il est entré au cabinet royal en 1991, quand
Hassan II l’a recruté pour être le porte-parole des ambitions
économiques et culturelles du Maroc dans le monde. Et s’il a moins de
responsabilités aujourd’hui, il continue à véhiculer, à travers ses
sorties médiatiques et sa participation à de nombreux festivals,
rencontres et événements dans le royaume comme à l’international,
l’image d’un Maroc pluriel, fier de ses racines hébraïques, de son islam
modéré et de son ouverture sur le monde.
Autre cador du diwane, Taïeb Fassi-Fihri, ancien ministre des
Affaires étrangères qui se démarque par sa maîtrise de l’appareil
diplomatique de l’État et des relations internationales, est lui aussi
une figure bien connue du grand public.
D’autres membres du cabinet royal sont plus discrets comme
l’éminent juriste Abdellatif Menouni, qui a supervisé, entre autres, la
très sensible réforme constitutionnelle de 2011 ; Omar Azziman,
spécialiste des questions de justice, de droits de l’homme et
d’éducation ; Omar Kabbaj, ancien patron de la Banque africaine de
développement et fin connaisseur du continent et de ses enjeux
économiques ; ou encore Yassir Zenagui, ancien banquier de la City de
Londres, passé par le ministère du Tourisme avant d’intégrer le cercle
restreint des conseillers royaux. Malgré les rumeurs récurrentes de
disgrâce sur ce dernier, il continue d’être présent lors des événements
officiels comme aux Conseils des ministres.
En matière de répartition des missions, il n’y a ni hiérarchie
entre les conseillers ni véritable division du cabinet royal en pôles,
comme on a pu l’entendre souvent, où chacun serait en charge de domaines
précis et délimités : tout le monde peut travailler sur tout, selon les
agendas et le contexte. « L’octroi d’un dossier se fait au gré de
plusieurs facteurs, dont la disponibilité, mais aussi selon le souhait
du monarque de le confier à un conseiller plutôt qu’à un autre »,
souffle un proche du sérail. Pour des raisons évidentes d’efficacité, il
va de soi qu’un sujet sera plus spontanément attribué à un conseiller
en fonction de la compétence pour laquelle il s’est fait connaître et
pour laquelle il a été recruté : la diplomatie à Taïeb Fassi-Fihri,
l’économie à Omar Kabbaj, le droit à Menouni, etc. Néanmoins, avec la
mort, ces dernières
années, de plusieurs conseillers – Abbas Jirari, Mohamed Moâtassim,
Zoulikha Nasri… –, l’heure est à la polyvalence, en attendant l’arrivée
de nouvelles recrues (la dernière vague de nominations de conseillers au
cabinet royal remonte à 2011-2012, au lendemain du Printemps arabe)…
Dans des conditions modestes
Mais alors, comment
devient-on conseiller royal ? « Il n’y a pas de règle. Longtemps, sous
le règne de Hassan II par exemple, le cabinet était une zone de transit
entre deux ministères ou deux postes. Mais, depuis la fin des années
1990, en dehors de la fonction de chargé de mission, où persiste encore
un turnover, une nomination au poste de conseiller royal est plutôt
l’aboutissement d’une carrière ministérielle, une sorte de cooptation
des élites technocratiques expérimentées par le Palais. »
Cela étant précisé, tout expérimentés qu’ils soient et aussi
brillant que soit leur parcours, les conseillers travaillent dans des
conditions relativement modestes, du moins au regard du prestige de la
fonction qu’ils occupent. Leurs rémunérations sont alignées sur celles
de la plupart des hauts fonctionnaires de l’État marocain et restent
bien inférieures à celles qu’ils auraient pu obtenir en travaillant dans
le secteur privé. Ils occupent des bureaux plutôt exigus – le plus
spacieux étant, selon nos sources, celui d’André Azoulay, qui aurait
« hérité », du fait de son ancienneté, de celui de l’ancien homme fort
de Hassan II, Ahmed Reda Guedira – où s’entremêlent zelliges et
moucharabieh, dans une décoration faite de fauteuils et de secrétaires
de style Louis XV en marqueterie de bois de rose ornementés de satyres
et de feuillages en bronze doré ciselé.
Cette atmosphère « makhzénienne » au possible est renforcée par le défilé incessant de ceux que l’on surnomme « mwaline atay »
(littéralement, « les maîtres du thé ») : des serviteurs en livrée
rouge et bonnet pointu aux armoiries du palais, qui servent à longueur
de journée des verres de thé dans un cérémonial qui n’a presque pas
changé depuis la création, dans les années 1950, de ce qui s’appelait
initialement le « cabinet impérial ».
Gouvernement de l’ombre ?
Sous l’autorité directe du
souverain, le cabinet royal fait office de support au chef de l’État
dans ses missions régaliennes, mais sans qu’aucune règle juridique, à
l’exception du dahir royal du 7 décembre 1955, n’encadre sa composition
et son organisation, laissées ainsi à la discrétion du roi. Autrefois
qualifié de « shadow cabinet » par le politologue américain John
Waterbury, cet organe clé du pouvoir se veut, sous le règne de Mohammed
VI (et de surcroît depuis le Printemps arabe et la Nouvelle
Constitution), le plus transparent possible.
Au quotidien, ses membres s’acquittent de tâches très variées,
qui vont de la préparation de notes stratégiques au suivi de la bonne
exécution des grands chantiers du royaume, en passant par la rédaction
de lettres, de discours, la gestion des courriers adressés au souverain,
la coordination d’événements placés sous le haut patronage royal, ou
encore les relations diplomatiques avec les chefs d’État. Ce qui fait du
CR, comme le précise notre source, une institution particulièrement
polyvalente entre le think tank, le cabinet d’audit stratégique et de
suivi de projets, la chancellerie et le bureau des doléances.
L’une des fonctions les plus emblématiques du cabinet est sa
production de nombreuses réflexions stratégiques sur l’avenir du Maroc,
qu’il s’agisse de politiques liées à la gestion de l’eau, aux énergies
renouvelables, à la protection sociale ou encore aux infrastructures
économiques. Pour chacun de ces domaines stratégiques suivis par le roi,
des dossiers sont préparés par des experts et des chargés de mission
(une vingtaine en tout), sous la houlette des conseillers royaux. Mais
la mission du CR sur ce volet des stratégies publiques ne s’arrête pas
là, puisqu’il a également la charge de superviser la bonne exécution des
politiques publiques et des grands projets lancés et décidés par le
roi. Un travail qu’il effectue, selon nos sources, en collaboration avec
le chef du gouvernement ou directement avec les ministres chargés de
ces politiques et projets.
Dans la bonne entente ? Une question à laquelle personne ne se
hasarde à répondre… Un des rares anciens hauts commis de l’État ayant
abordé en notre présence ce sujet délicat de la répartition des
prérogatives entre cabinet royal et ministère, qui peuvent donner
l’impression parfois de se marcher sur les pieds, rappelle qu’« il ne
s’agit pas de s’entendre, mais d’exécuter de manière efficace les
orientations fixées par le souverain ». Et de préciser que, « parfois,
c’est le chef de gouvernement ou les ministres eux-mêmes qui prennent
l’initiative de faire appel aux conseillers royaux pour débloquer des
situations, effectuer des arbitrages entre administrations et
établissements publics, etc ».
Protocole strict
« Jusque-là, à part quelques sorties peu sérieuses sur ce sujet de l’ancien chef de gouvernement Abdelilah Benkirane,
qui veillait néanmoins à ne pas faire allusion directement au CR, aucun
ministre ou chef de gouvernement qui lui a succédé ne s’est plaint du
partage des rôles entre les deux institutions. Et s’il peut y avoir des
couacs, comme dans toute interaction humaine dans le domaine
professionnel et surtout politique, gouvernement et cabinet royal
s’arrangent toujours pour trouver un terrain d’entente », insiste cette
même source.
Une chose est néanmoins sûre : l’interaction entre cabinet royal
et gouvernement ne se fait pas de manière aléatoire, mais répond, comme
toute chose ayant trait à la monarchie marocaine, à un protocole bien
précis. Suivant une règle de primauté, si les conseillers du cabinet
royal peuvent se rendre à la chefferie du gouvernement, dont les bureaux
sont voisins, ils ne se déplacent jamais chez les ministres. Ce sont
les ministres qui viennent à eux pour rendre compte des avancées d’une
politique publique ou d’un projet. Sauf dans de rares cas, quand le roi
veut transmettre via un de ses conseillers un message à un des
ministres. Une hiérarchie stricte, qui illustre le rôle central et la
suprématie du Palais dans l’organisation des affaires publiques. C’est
d’ailleurs le cabinet royal qui donne le feu vert aux déplacements
officiels des ministres à l’étranger, après l’aval du chef de
gouvernement…
Autre règle de protocole : lorsque le roi se déplace à travers le
pays, le diwane l’accompagne dans une logistique impressionnante et
bien huilée. Des imprimantes aux ordinateurs, en passant par les parapheurs
et le personnel, tout est transporté, par précaution, mais aussi pour
garantir une continuité parfaite dans la prise de décisions et
l’exécution quotidienne des tâches. Une itinérance du pouvoir et de la
cour héritée de la tradition alaouite, qui veut que le trône des sultans
du Maroc se trouve sur la selle de leurs chevaux, comme ne cessait de
le répéter feu Hassan II, et qui symbolise la volonté de maintien d’un
lien direct et constant entre le roi et son peuple, explique une de nos
sources.
En plus du suivi des projets stratégiques, de la préparation des
nominations royales et autres missions exécutives, le cabinet royal doit
être constamment sur le pied de guerre pour l’exécution de tâches
quotidiennes de correspondance et d’interaction diplomatique avec des
chefs d’État étrangers. Ou pour l’étude des nombreuses demandes
d’organisateurs d’événements et autres festivals désireux d’obtenir le
précieux label « haut patronage royal », en s’assurant que ces
initiatives sont en cohérence avec l’image et les priorités du royaume.
Ou encore pour rédiger des lettres de condoléances à des artistes, des
politiques, des sportifs et autres figures connues aussi bien au Maroc
qu’à l’international.
Sismographe de la société
La rédaction des discours
royaux est également l’une des fonctions importantes du CR. Ces discours
illustrent parfaitement l’exigence de précision et de cohérence
attendue par le roi. « Les thématiques sont décidées directement par le
souverain, mais les textes sont le fruit d’un travail collaboratif
impliquant de très nombreux allers-retours pour garantir un message
clair, inspirant et aligné sur la vision royale », confie
une de nos sources. Le diwane gère aussi la « com » royale, à grands
coups de communiqués, derrière lesquels se trouvent le plus souvent deux
figures connues du paysage médiatique : le journaliste et ancien chef
du bureau de la MAP, l’agence de presse officielle à Paris, Chakib
Laâroussi, et l’ancien publicitaire, passé par l’agence Klem, Karim
Bouzida.
Outre ces fonctions classiques, le cabinet royal traite tous les
jours des centaines de lettres adressées au roi par des citoyens
marocains, des personnalités étrangères ou des institutions
internationales. « Le traitement de ces courriers, intégralement manuel,
mobilise une équipe qui les classe d’abord par problématique, comme les
demandes de grâce, les doléances économiques ou les problèmes sociaux.
Ils font ensuite l’objet d’une vérification rigoureuse, avant d’être
soumis à l’attention des conseillers, qui se réunissent régulièrement
pour proposer de manière collégiale des pistes de réponse les plus
justes et pertinentes possibles, que le souverain devra ensuite
valider », détaille un proche du sérail. Une attention toute
particulière, nous dit-il, est accordée aux lettres provenant des
Marocains résidant à l’étranger, ce qui témoigne du souci royal de
maintenir un lien étroit avec la diaspora.
« Au-delà de la dimension ‘diwane el madalim’ (bureau de
doléances), le cabinet royal, qui met un point d’honneur à traiter tous
les courriers qui lui parviennent, fait office de baromètre social ou de
sismographe, fait remarquer un sociologue. Ce qui permet au roi, non
seulement de continuer à incarner l’ultime recours contre d’éventuelles
injustices, mais aussi de rester en phase avec les préoccupations des citoyens. »
Après s’être opposés lors de l’élection des responsables siégeant à
la Commission paix et sécurité, Rabat et Alger vont à nouveau se
retrouver face à face, samedi 15 février, pour la désignation de la
nouvelle vice-présidente, représentant l’Afrique du Nord à la
Commission. Les deux capitales ont mis tout leur poids dans la balance.
Le différend qui oppose l’Algérie et le Maroc sur la question du Sahara occidental s’est une nouvelle fois invité avec force lors du 38e sommet de l’Union africaine
(UA) qui se déroule en ce moment à Addis-Abeba. Surtout que les deux
pays, qui ont rompu leurs relations diplomatiques depuis 2021, sont en
concurrence directe pour un certain nombre des sièges remis en jeu pour
l’occasion.
Les tensions entre les deux voisins ne se sont pas fait attendre très longtemps puisqu’elles ont éclaté dès l’ouverture du sommet, le 12 février. Dans le cadre de la 46e
session ordinaire du Conseil exécutif de l’UA, les ministres des
Affaires étrangères des pays membres devaient élire, le soir même, à
bulletins secrets, les six nouveaux commissaires pour les quatre
prochaines années. Selon le principe de rotation cher à l’UA, l’Algérie
et le Maroc étaient en effet en lice pour l’un des deux sièges (sur quinze) réservés à l’Afrique du Nord au sein de la Commission paix et sécurité (CPS), au côté de l’Égypte.
Arrivé au terme des trois ans de son mandat, le Maroc visait une
réélection, face à la Libye et à l’Algérie qui, de son côté, cherchait à
réintégrer cette instance exécutive de l’UA dans laquelle elle siégeait
jusqu’en 2021.
Un match nul qui n’arrange personne
Après l’élimination de la Libye au troisième tour, l’Algérie remportait ensuite assez
largement les scrutins suivants, provoquant même la sortie du Maroc au
sixième tour, en recueillant 30 votes contre 17 pour son adversaire. Ne
restait plus pour Alger qu’à obtenir, au round suivant, les deux tiers
des suffrages des pays votants pour faire son retour à la CPS. Las, en
captant seulement 32 voix sur les 33 nécessaires – suite notamment à
l’abstention de 15 pays, tandis que deux autres préféraient ne pas
participer à ce scrutin décisif – l’Algérie échouait dans sa quête. Le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, quittait alors l’hémicycle, furieux.
Si Rabat estime avoir réussi son coup en bloquant l’élection de
son rival, Alger considère de son côté comme une victoire la
non-reconduction du Maroc à la CPS. Un match nul qui finalement
n’arrange personne, à commencer par l’UA qui, selon ses procédures, va
devoir organiser de nouvelles élections. Si possible d’ici au 1er avril, date officielle de la fin du mandat des pays sortants.
Trois candidates au CV impeccable
Cette passe d’armes préfigure, pour beaucoup d’observateurs, ce qui pourrait à nouveau arriver, samedi 15 février, au moment d’élire la vice-présidente de la Commission de l’UA qui, là encore, pour des raisons de rotation géographique, reviendra à l’Afrique du Nord. Pour succéder à la Rwandaise Monique Nsanzabaganwa, trois femmes vont s’affronter, l’Algérienne Selma Malika Haddadi, la Marocaine Latifa Akharbach et l’Égyptienne Hanan Morsy. La première est bien connue à Addis-Abeba, puisqu’elle est ambassadrice de son pays en Éthiopie, tout en étant représentante permanente auprès de l’UA. La deuxième, également diplomate, a occupé le poste de vice-ministre des Affaires étrangères du Maroc, avant de présider la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA).
Les deux pays ont mené
ces derniers mois une campagne intense, chacun avançant ses arguments :
pour l’Algérie, les qualités intrinsèques de sa candidate, qui, de
plus, connaît parfaitement les rouages de l’UA, où elle semble être
très appréciée ; pour le Maroc, l’expérience de la sienne, ancienne
ambassadrice et ex-secrétaire d’État, ainsi que le fait de n’avoir
obtenu, depuis sa réintégration en 2017 dans l’organisation
panafricaine, aucun poste de haute responsabilité. « Si ce n’est la
fonction de directeur-général de la Commission de l’UA, occupé depuis
2021 par le Marocain Fathallah Sijilmassi », rappelle un diplomate.
Pour éviter tout nouveau blocage, les représentants
des pays membres pourraient bien choisir de porter leur voix sur Hanan
Morsy. Comme ses deux adversaires, l’Égyptienne présente un
curriculum-vitae impeccable, elle qui a occupé de hautes responsabilités
dans diverses organisations internationales, du FMI à la Banque mondiale, en passant par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA).
Elle vient également de démontrer son sens de la diplomatie.
Hanan Morsy semble avoir en effet été invitée par l’administration
panafricaine à assister
au petit déjeuner, organisé le 14 février par la présidence tournante
du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (Maep), occupée depuis
février 2024 par le chef de l’État algérien, Abdelmadjid Tebboune,
venu tout exceptionnellement à Addis-Abeba pour supporter la
candidature de sa compatriote. Plutôt que de risquer de provoquer un
éventuel incident diplomatique, la prétendante égyptienne a donc
rapidement fait savoir que son emploi du temps ne lui permettait pas
d’assister à l’événement.
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