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samedi 19 juillet 2025

Des voix marocaines s’élèvent à Torre Pacheco contre le discours extrémiste : “Nous méritons tous de vivre en paix”


Le même lieu, la place de la mairie, où depuis vendredi dernier se sont rassemblés pour la première fois des groupes d’ultras afin d’encourager la « chasse » aux migrants, a été utilisé symboliquement par un couple marocain pour lire un manifeste appelant à la paix, à la cohabitation et à la dénonciation du racisme.

Osama Alalo, un joven marroquí que reside en Torre Pacheco, lee este viernes un manifiesto en la plaza del Ayuntamiento en denuncia de los disturbios racistas ocurridos en la localidad.
Osama Alalo, un jeune Marocain résidant à Torre Pacheco, lit ce vendredi un manifeste sur la place de la mairie pour dénoncer les émeutes racistes qui ont eu lieu dans la localité. Ags

Álvaro García Sánchez, Torre Pacheco,elDiario.es, 18-7-2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane

La normalité et la vie tranquille et paisible règnent à nouveau à Torre Pacheco. La semaine a été très longue, marquée par la peur, la tension, la présence de nombreux groupes d’ultras et de nazis venus de l’extérieur pour mener une violente persécution contre les habitants marocains. Ce vendredi, la place de la mairie, qui avait été utilisée par l’extrême droite pour propager minutieusement la haine, est devenue le théâtre d’une scène tout à fait opposée. Vendredi dernier, et surtout samedi, ces mêmes dalles ont vu se rassembler des jeunes hommes tatoués de croix gammées et le visage dévoré par la rage. Aujourd’hui, d’un pas tranquille, tout juste sortis de chez eux, un dossier sous le bras, le couple formé par Osama Alalo, résident de la commune, et sa compagne, Kenza Midoun, s’est rendu sur la place vers dix heures du matin pour lire un manifeste et une lettre au nom de la communauté immigrée de Torre Pacheco.

Lorsque le couple est arrivé, Mari, une dame qui passait par là pour aller acheter un pot de mayonnaise au supermarché afin de préparer une salade russe, a déclaré, visiblement calmée : « Nous ne méritons pas toute cette barbarie. ça fait 53 ans que je vis ici. Nous avons toujours été ouverts à tout le monde. C’est un soulagement que cette absurdité soit terminée ».

Le manifeste lu par Alalo et Midoun est signé par un total de 51 organisations de la région de Murcie, parmi lesquelles des partis politiques, des syndicats et des collectifs sociaux et antiracistes. Il est également signé par un grand nombre d’associations nationales. « Aujourd’hui, la région de Murcie a le cœur serré par les derniers événements qui font la une de tous les médias du pays. Ce que l’on a appelé les « chasses » à Torre Pacheco sont la conséquence de la criminalisation gratuite de la communauté maghrébine par des partis tels que Vox, qui ont été légitimés par les institutions. À cela s’ajoute l’absence totale de politique sociale de la région de Murcie et de la mairie de Torre Pacheco visant à accueillir et à normaliser la réalité sociale », a déclaré Osama Alalo.

C’est à partir de ce postulat qu’il a construit le reste de son manifeste. « Les messages de haine, d’intolérance, de racisme s’infiltrent dans la population, semant une tension sociale dénaturée, éloignée du désir de vivre en paix ». Alalo a souligné que ceux qui « sèment la terreur dans les rues de Torre Pacheco » sont « une minorité violente qui ne représente pas notre région ». « Un outil politique », a-t-il ajouté, « au service des partis d’extrême droite qui mettent en danger notre démocratie ».

Le jeune Marocain a également mis l’accent sur toutes les « fausses informations » qui ont été propagées par les groupes ultras sur les réseaux sociaux, « aussi fausses », a-t-il souligné, « que celles qui établissent un lien entre migration et délinquance ». « Rien ne justifie le racisme, ni que nous voyions des hommes armés dans les rues du village, attaquant des commerces, insultant et intimidant toute la population. C’est inadmissible ».

Alalo a sévèrement critiqué Vox, estimant que ces émeutes racistes à Torre Pacheco ne sont que « la partie émergée de l’iceberg ». « Un magma s’est formé, alimenté par l’absence de politiques publiques, la précarité de l’emploi et un discours permanent de rejet de l’autre ». « Monsieur Antelo », a-t-il poursuivi en s’adressant directement au leader de la formation d’extrême droite dans la région, « les seuls qui sèment la terreur sont ceux que vous représentez et encouragez ».

« Ce manifeste est une réponse pacifique des communautés racialisées et de la société antiraciste. Nous exigeons une plus grande efficacité de la police lors des affrontements. Ce que nous vivons n’est pas du vandalisme, c’est une organisation terroriste et il faut la traiter comme telle », a-t-il déclaré juste avant de terminer la lecture du texte. Osama Alalo a demandé au PP de « rompre son pacte avec Vox pour approuver le budget », ce dernier étant un parti « qui incite à la violence et est directement responsable du cauchemar que nous vivons actuellement ». « Dehors les racistes de nos rues et de nos institutions », a conclu Alalo.

Lettre de plainte écrite par une femme marocaine

Kenza Midoun a ensuite lu le témoignage, sous forme de lettre, « d’une femme » marocaine « qui ne se sent pas en sécurité pour le faire elle-même ». Midoun a axé son discours exclusivement sur la population migrante de Torre Pacheco, en particulier les femmes. Elle a parlé des personnes qui ont pu « se former, étudier et obtenir des emplois qualifiés », mais aussi de celles qui « doivent abandonner leurs études en cours et trouver des emplois précaires dans différents secteurs, comme l’agriculture ». Midoun a également souligné qu’« il y a ceux qui entreprennent, ceux qui fondent une famille, ceux qui ont des enfants ». « C’est l’histoire de centaines de familles de Torre Pacheco, qui s’étend au reste de la région de Murcie. Il y a une coexistence par nécessité. Certains arrivent à la recherche d’emplois qui ne leur demandent pas de maîtriser la langue, qui ne nécessitent pas de formation qualifiée. Ils se contentent de ce qu’ils ont et sont obligés de subvenir aux besoins de leur famille du mieux qu’ils peuvent ».

Midoun a évoqué des cas concrets de « professeures » arrivées du Maroc qui, ici en Espagne, « doivent accepter des emplois journaliers, de femmes de ménage ou d’aides-soignantes, car la reconnaissance de leurs diplômes est un véritable parcours du combattant ».

La joven Kenza Midoun durante el relato de la carta escrita por una mujer marroquí.
La jeune Kenza Midoun pendant la lecture de la lettre écrite par une femme marocaine. Ags

C’est dans ce contexte, a poursuivi Kenza Midoun, que se créent les groupes « eux et nous ». « Et commencent les étiquettes, le sentiment de ne faire partie de rien », comme « les enfants » qui, parfois, « sont montrés du doigt à l’école et stigmatisés dans la rue ». « Je me rappelle que nous sommes en 2025 », a insisté Midoun, en référence aux événements qui se sont déroulés dans le village la semaine dernière, « car parfois, j’ai tendance à l’oublier avec tout ce que je vois et ce que nous avons entendu ».

« D’autres n’ont pas eu la chance de naître dans le bon quartier ni dans une famille structurée et unie. Ce sont des âmes perdues qui n’ont reçu que haine et stigmatisation, et tout ce qu’elles ont à offrir, c’est cela », a déclaré Midoun. « On nous a demandé de condamner un acte commis par un Maghrébin sans même attendre que la justice fasse son travail et arrête le délinquant. Personne n’a condamné la chasse aux Moros. Nous méritons tous de vivre en paix et en tranquillité, et nous méritons de vivre là où nous sommes aimés, sans nous sentir comme des criminels sous le regard de ceux qui nous stigmatisent. »


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