Le même lieu, la place de la mairie, où depuis vendredi dernier se sont rassemblés pour la première fois des groupes d’ultras afin d’encourager la « chasse » aux migrants, a été utilisé symboliquement par un couple marocain pour lire un manifeste appelant à la paix, à la cohabitation et à la dénonciation du racisme.
Osama Alalo, un jeune Marocain
résidant à Torre Pacheco, lit ce vendredi un manifeste sur la place de la
mairie pour dénoncer les émeutes racistes qui ont eu lieu dans la localité. Ags
Álvaro García Sánchez, Torre
Pacheco,elDiario.es,
18-7-2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane
La normalité et la vie tranquille
et paisible règnent à nouveau à Torre Pacheco. La semaine a été très longue,
marquée par la peur, la tension, la présence de nombreux groupes d’ultras et de
nazis venus de l’extérieur pour mener une violente persécution contre les
habitants marocains. Ce vendredi, la place de la mairie, qui avait été utilisée
par l’extrême droite pour propager minutieusement la haine, est devenue le
théâtre d’une scène tout à fait opposée. Vendredi dernier, et surtout samedi,
ces mêmes dalles ont vu se rassembler des jeunes hommes tatoués de croix
gammées et le visage dévoré par la rage. Aujourd’hui, d’un pas tranquille, tout
juste sortis de chez eux, un dossier sous le bras, le couple formé par Osama
Alalo, résident de la commune, et sa compagne, Kenza Midoun, s’est rendu sur la
place vers dix heures du matin pour lire un manifeste et une lettre au nom de
la communauté immigrée de Torre Pacheco.
Lorsque le couple est arrivé,
Mari, une dame qui passait par là pour aller acheter un pot de mayonnaise au
supermarché afin de préparer une salade russe, a déclaré, visiblement calmée :
« Nous ne méritons pas toute cette barbarie. ça
fait 53 ans que je vis ici. Nous avons toujours été ouverts à tout le monde. C’est
un soulagement que cette absurdité soit terminée ».
Le manifeste lu par Alalo et
Midoun est signé par un total de 51 organisations de la région de Murcie, parmi
lesquelles des partis politiques, des syndicats et des collectifs sociaux et
antiracistes. Il est également signé par un grand nombre d’associations
nationales. « Aujourd’hui, la région de Murcie a le cœur serré par les derniers
événements qui font la une de tous les médias du pays. Ce que l’on a appelé les
« chasses » à Torre Pacheco sont la conséquence de la criminalisation gratuite
de la communauté maghrébine par des partis tels que Vox, qui ont été légitimés
par les institutions. À cela s’ajoute l’absence totale de politique sociale de
la région de Murcie et de la mairie de Torre Pacheco visant à accueillir et à
normaliser la réalité sociale », a déclaré Osama Alalo.
C’est à partir de ce postulat qu’il
a construit le reste de son manifeste. « Les messages de haine, d’intolérance,
de racisme s’infiltrent dans la population, semant une tension sociale
dénaturée, éloignée du désir de vivre en paix ». Alalo a souligné que ceux qui
« sèment la terreur dans les rues de Torre Pacheco » sont « une minorité
violente qui ne représente pas notre région ». « Un outil politique », a-t-il
ajouté, « au service des partis d’extrême droite qui mettent en danger notre
démocratie ».
Le jeune Marocain a également mis
l’accent sur toutes les « fausses informations » qui ont été propagées par les
groupes ultras sur les réseaux sociaux, « aussi fausses », a-t-il souligné, «
que celles qui établissent un lien entre migration et délinquance ». « Rien ne
justifie le racisme, ni que nous voyions des hommes armés dans les rues du
village, attaquant des commerces, insultant et intimidant toute la population.
C’est inadmissible ».
Alalo a sévèrement critiqué Vox,
estimant que ces émeutes racistes à Torre Pacheco ne sont que « la partie
émergée de l’iceberg ». « Un magma s’est formé, alimenté par l’absence de
politiques publiques, la précarité de l’emploi et un discours permanent de
rejet de l’autre ». « Monsieur Antelo », a-t-il poursuivi en s’adressant
directement au leader de la formation d’extrême droite dans la région, « les
seuls qui sèment la terreur sont ceux que vous représentez et encouragez ».
« Ce manifeste est une réponse
pacifique des communautés racialisées et de la société antiraciste. Nous
exigeons une plus grande efficacité de la police lors des affrontements. Ce que
nous vivons n’est pas du vandalisme, c’est une organisation terroriste et il
faut la traiter comme telle », a-t-il déclaré juste avant de terminer la
lecture du texte. Osama Alalo a demandé au PP de « rompre son pacte avec Vox
pour approuver le budget », ce dernier étant un parti « qui incite à la
violence et est directement responsable du cauchemar que nous vivons
actuellement ». « Dehors les racistes de nos rues et de nos institutions », a
conclu Alalo.
Lettre de plainte écrite par une
femme marocaine
Kenza Midoun a ensuite lu le
témoignage, sous forme de lettre, « d’une femme » marocaine « qui ne se sent
pas en sécurité pour le faire elle-même ». Midoun a axé son discours
exclusivement sur la population migrante de Torre Pacheco, en particulier les
femmes. Elle a parlé des personnes qui ont pu « se former, étudier et obtenir
des emplois qualifiés », mais aussi de celles qui « doivent abandonner leurs
études en cours et trouver des emplois précaires dans différents secteurs,
comme l’agriculture ». Midoun a également souligné qu’« il y a ceux qui
entreprennent, ceux qui fondent une famille, ceux qui ont des enfants ». « C’est
l’histoire de centaines de familles de Torre Pacheco, qui s’étend au reste de
la région de Murcie. Il y a une coexistence par nécessité. Certains arrivent à
la recherche d’emplois qui ne leur demandent pas de maîtriser la langue, qui ne
nécessitent pas de formation qualifiée. Ils se contentent de ce qu’ils ont et
sont obligés de subvenir aux besoins de leur famille du mieux qu’ils peuvent ».
Midoun a évoqué des cas concrets
de « professeures » arrivées du Maroc qui, ici en Espagne, « doivent accepter
des emplois journaliers, de femmes de ménage ou d’aides-soignantes, car la
reconnaissance de leurs diplômes est un véritable parcours du combattant ».
La jeune Kenza Midoun pendant la
lecture de la lettre écrite par une femme marocaine. Ags
C’est dans ce contexte, a
poursuivi Kenza Midoun, que se créent les groupes « eux et nous ». « Et
commencent les étiquettes, le sentiment de ne faire partie de rien », comme «
les enfants » qui, parfois, « sont montrés du doigt à l’école et stigmatisés
dans la rue ». « Je me rappelle que nous sommes en 2025 », a insisté Midoun, en
référence aux événements qui se sont déroulés dans le village la semaine
dernière, « car parfois, j’ai tendance à l’oublier avec tout ce que je vois et
ce que nous avons entendu ».
« D’autres n’ont pas eu la chance de naître dans le bon quartier ni dans une famille structurée et unie. Ce sont des âmes perdues qui n’ont reçu que haine et stigmatisation, et tout ce qu’elles ont à offrir, c’est cela », a déclaré Midoun. « On nous a demandé de condamner un acte commis par un Maghrébin sans même attendre que la justice fasse son travail et arrête le délinquant. Personne n’a condamné la chasse aux Moros. Nous méritons tous de vivre en paix et en tranquillité, et nous méritons de vivre là où nous sommes aimés, sans nous sentir comme des criminels sous le regard de ceux qui nous stigmatisent. »
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