António Guterres, le
nouveau Secrétaire général des Nations unies, ménage davantage le Maroc
que son prédécesseur, Ban Ki-moon. Il vient d’en administrer la preuve
en édulcorant sur deux points le rapport annuel qui lui avait été soumis sur le Sahara occidental.
Le Conseil de sécurité de l’ONU se
penchera sur ce document dans les prochains jours et votera le 27 avril
une résolution qui prolongera le mandat de la Minurso, le contingent de
« casques bleus » déployés dans cette ancienne colonie espagnole.
Le rapport a été d’abord rédigé par
l’Américain Christopher Ross, envoyé spécial du Secrétaire général pour
le Sahara, en collaboration avec un autre Américain, Jeffrey Feltman,
qui dirige à l’ONU le département des affaires politiques.
Dans sa première mouture le texte
mentionnait sans l’assumer la prise de position, le 20 mars dernier, du
Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine qui avait appelé à
« la tenue du référendum d’autodétermination » au Sahara ; à la reprise
« de pourparlers directs et sérieux, sans conditions préalables » entre
Rabat et le Front Polisario ; et à élargir le mandat de la Minurso pour
qu’elle puisse s’occuper des droits de l’Homme. Ce paragraphe a été
supprimé au 38 e étage du gratte-ciel des Nations unies, à New York, là
où Guterres a son bureau, selon des sources diplomatiques.
Le projet de rapport évoquait aussi l’arrêt du 21 décembre dernier de la Cour de justice de l’Union européenne qui
stipule que l’accord agricole signé entre Bruxelles et Rabat n’est pas
applicable au Sahara occidental car ce territoire ne fait pas partie du
Maroc. Dans ce cas aussi Guterres a fait enlever ce paragraphe,
signalent les mêmes sources.
Le Secrétariat général de l’ONU a toujours
cherché à garder ses distances vis-à-vis de l’Union africaine qui
cherche à avoir son mot à dire dans le conflit du Sahara. Que Guterres
ait biffé ces phrases-là n’a rien d’étonnant d’autant plus que le Maroc
avait boycotté la réunion du Conseil de paix et de sécurité de l’UA.
Plus surprenante est, en revanche, la
suppression du rappel de l’arrêt. Dans son rapport de 2016 le Secrétaire
général consacrait une large place au premier arrêt, qui remonte à
décembre 2015, contre lequel le Conseil des ministres de l’UE avait fait
appel. Il aurait été donc cohérent que l’année suivante le rapport
mentionne son dénouement juridique, mais Guterres a préféré ne pas le
faire sans doute pour ne pas froisser Rabat et ses alliés au sein du
Conseil de sécurité.
Cette omission indigne Carlos Ruiz Miguel,
professeur de droit constitutionnel à l’université de Saint Jacques de
Compostelle en Espagne, qui analyse le rapport dans son blog. « C’est
scandaleux car l’arrêt [de la Cour de justice] s’inspire notamment dans
le droit international tel que défini par les Nations unies », écrit-il.
Une fois le texte définitif du rapport
rendu public, Rabat n’a pas formulé d’objections. Les indépendantistes
sahraouis sont, en revanche, mécontents que Guterres y exprime sa
« profonde préoccupation » face au refus du Polisario d’obtempérer à son
appel et de se retirer d’El Guerguerat. Le Polisario s’est installé fin
août à cet endroit, à mi-chemin entre le mur militaire marocain au
Sahara et la douane mauritanienne, pour empêcher ses adversaires de
goudronner la route qui relie la fortification et la frontière de la
Mauritanie. À l’époque, cette initiative de Rabat n’avait pas fait
broncher l’ONU.
Guterres a fait d’autres clins d’œil au
Maroc. Le plus important est sans doute d’avoir demandé à Christopher
Ross, l’envoyé spécial honni par Rabat, de lui remettre une lettre de
démission sans date ce que fit immédiatement le diplomate américain. Ses
fonctions prendront fin quand sera nommé son successeur.
Lire tout l'article :
Lire tout l'article :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire