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jeudi 15 juin 2017

Maroc : le roi est nu derrière son bouclier

    Fouad Ali el Himma, le vice-roi comme on le surnomme parfois, le bras droit de Mohamed VI du Maroc, a rendu le 31 mai au soir « une visite de courtoisie », selon ses dires, à Abdelillah Benkirane, le vainqueur des dernières élections législatives et leader du Parti de la Justice et du Développement (PJD), une formation islamiste modérée et monarchiste.

    Le refus de Benkirane

    El Himma ne s’est pas déplacé par politesse, mais pour lui demander de l’aide afin d’apaiser le brasier du Rif qui risque d’enflammer tout le Maroc. De Nador à Agadir, les Marocains manifestent. À Rabat, ils étaient plusieurs dizaines de milliers à s’époumoner, ce dimanche 11 juin, en criant « Liberté, dignité, justice sociale », « En un mot : cet État est corrompu ! » ou encore « Libérez les prisonniers ! ». Ils sont plus de 135 contestataires rifains à avoir été arrêtés. Parmi eux, 86 meneurs sont en attente de jugement pour désordres publics ou, pire encore, atteinte à la sûreté de l’État.
    L’énorme cortège de manifestants à Rabat était un peu comme un remake du « printemps arabe » à la marocaine avec son mélange d’islamistes du mouvement non légalisé Justice et Spiritualité (Al Adl wal Ihsane), de militants de petits partis de gauche, de jeunes issus de ce qui fut en 2011 le mouvement du 20-Février. Cette-fois, cependant, nombre de jeunes du PJD et même de socialistes s’étaient joints à la marche désobéissant aux consignes de leurs partis représentés au gouvernement.
    Benkirane a refusé de donner un coup de main au Palais. Il avait été sans doute trop humilié, trop maltraité du temps où il était chef de l’Exécutif  (2011-2016) puis quand il a été chargé de former un gouvernement (octobre 2016-mars 2017), une tâche dont il n’a pas pu s’acquitter car les hommes de confiance du roi lui avaient mis nombre de bâtons dans les roues.

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    https://www.tsa-algerie.com/maroc-le-roi-est-nu-derriere-son-bouclier/

    Youssoufi, le premier fusible

    Benkirane ne veut probablement plus être à nouveau la parade dont le Palais s’est déjà servie fin 2011, en le nommant à la tête du gouvernement, pour en finir avec un « printemps arabe » qui s’essoufflait après le retrait du mouvement Justice et Spiritualité. Benkirane et la nouvelle Constitution marocaine, entrée en vigueur en juillet 2011, ont été les principaux remèdes pour désactiver la contestation qui surfait sur le Maroc.
    uinze ans avant Benkirane, en 2002, Mohamed VI avait déjà décidé de se passer d’un autre fusible, hérité de son père Hassan II, qui aurait pu lui servir à amortir les soubresauts qui agitent de temps en temps le Maroc : Abderrahmane Youssoufi, le leader de l’Union Socialiste des Forces Populaires. Le souverain n’avait pas tenu compte de sa victoire aux législatives et plaça un technocrate, Driss Jettou, à la tête de l’Exécutif.
    Un an plus tard Youssoufi dressait, lors d’un discours à Bruxelles, un bilan amer de ses quatre années (1998-2002) passées à diriger un gouvernement avec bien peu de pouvoirs : « (…) cette expérience s’est achevée sans qu’elle ait débouché sur ce que nous attendions d’elle, à savoir l’orientation vers la démocratie par les avancées historiques qui constitueraient une coupure avec les pratiques du passé ». À 93 ans, Youssoufi, malade mais avec toute sa tête, a lui aussi été sondé par le Palais sur sa disposition à y mettre du sien pour crever l’abcès rifain. Il n’a pas non plus voulu rempiler.

    Un roi seul…

    Désormais le roi est seul, nu, derrière son énorme bouclier sécuritaire, face à la montée des périls. Les autres partis politiques marocains, ceux qui ont été créés de toutes pièces par le ministère de l’Intérieur (Rassemblement National des IndépendantsUnion Constitutionnelle etc.) ou encouragés en sous-main par le palais (Parti Authenticité et Modernité), ne servent à rien en cas de trou d’air. Ils ne représentent pas les Marocains.
    Cette dernière formation, la deuxième du royaume de par le nombre de députés, est dirigée par un Rifain monarchiste d’Al Hoceima, Ilyas el Omari. Mais il a été incapable de faire baisser la tension dans la région. Il fait d’ailleurs plus partie du problème que de la solution, rappellent fréquemment ses détracteurs. Il fait, en effet, parti de cette classe politique décrédibilisée, voire honnie. Seul le vide politique dû à l’absence de politiciens représentatifs explique qu’un homme issu du peuple sans études mais beau parleur, comme Nasser Zefzafi puisse galvaniser les foules rifaines et s’ériger rapidement en leader local.

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