Fouad Ali el Himma, le vice-roi comme on le surnomme parfois, le bras droit de Mohamed VI du Maroc, a rendu le 31 mai au soir « une visite de courtoisie », selon ses dires, à Abdelillah Benkirane, le vainqueur des dernières élections législatives et leader du Parti de la Justice et du Développement (PJD), une formation islamiste modérée et monarchiste.
Le refus de Benkirane
El Himma ne s’est pas déplacé par politesse, mais pour lui
demander de l’aide afin d’apaiser le brasier du Rif qui risque
d’enflammer tout le Maroc. De Nador à Agadir, les Marocains
manifestent. À Rabat, ils étaient plusieurs dizaines de milliers à s’époumoner, ce dimanche 11 juin, en criant « Liberté, dignité, justice sociale », « En un mot : cet État est corrompu ! » ou encore « Libérez les prisonniers ! ». Ils sont plus de 135 contestataires rifains à avoir été arrêtés. Parmi eux, 86 meneurs sont en attente de jugement pour désordres publics ou, pire encore, atteinte à la sûreté de l’État.
L’énorme cortège de manifestants à Rabat était un peu comme un remake du « printemps arabe » à la marocaine avec son mélange d’islamistes du mouvement non légalisé Justice et Spiritualité (Al Adl wal Ihsane),
de militants de petits partis de gauche, de jeunes issus de ce qui fut
en 2011 le mouvement du 20-Février. Cette-fois, cependant, nombre de
jeunes du PJD et même de socialistes s’étaient joints à la marche
désobéissant aux consignes de leurs partis représentés au gouvernement.
Benkirane a refusé de donner un coup de main au Palais. Il
avait été sans doute trop humilié, trop maltraité du temps où il était
chef de l’Exécutif (2011-2016) puis quand il a été chargé de former un
gouvernement (octobre 2016-mars 2017), une tâche dont il n’a pas pu
s’acquitter car les hommes de confiance du roi lui avaient mis nombre de
bâtons dans les roues.
Lire l'article
https://www.tsa-algerie.com/maroc-le-roi-est-nu-derriere-son-bouclier/
Lire l'article
https://www.tsa-algerie.com/maroc-le-roi-est-nu-derriere-son-bouclier/
Youssoufi, le premier fusible
Benkirane ne veut probablement plus être à nouveau la parade
dont le Palais s’est déjà servie fin 2011, en le nommant à la tête du
gouvernement, pour en finir avec un « printemps arabe » qui s’essoufflait après le retrait du mouvement Justice et Spiritualité. Benkirane et la nouvelle Constitution marocaine, entrée en vigueur en juillet 2011, ont été les principaux remèdes pour désactiver la contestation qui surfait sur le Maroc.
uinze ans avant Benkirane, en 2002, Mohamed VI avait déjà
décidé de se passer d’un autre fusible, hérité de son père Hassan II,
qui aurait pu lui servir à amortir les soubresauts qui agitent de temps
en temps le Maroc : Abderrahmane Youssoufi,
le leader de l’Union Socialiste des Forces Populaires. Le souverain
n’avait pas tenu compte de sa victoire aux législatives et plaça un
technocrate, Driss Jettou, à la tête de l’Exécutif.
Un an plus tard Youssoufi dressait, lors d’un discours à Bruxelles, un bilan amer de ses quatre années (1998-2002) passées à diriger un gouvernement avec bien peu de pouvoirs : « (…)
cette expérience s’est achevée sans qu’elle ait débouché sur ce que
nous attendions d’elle, à savoir l’orientation vers la démocratie par
les avancées historiques qui constitueraient une coupure avec les
pratiques du passé ». À 93 ans, Youssoufi, malade mais avec toute
sa tête, a lui aussi été sondé par le Palais sur sa disposition à y
mettre du sien pour crever l’abcès rifain. Il n’a pas non plus voulu
rempiler.
Un roi seul…
Désormais le roi est seul, nu, derrière son énorme bouclier
sécuritaire, face à la montée des périls. Les autres partis politiques
marocains, ceux qui ont été créés de toutes pièces par le ministère de
l’Intérieur (Rassemblement National des Indépendants, Union Constitutionnelle etc.) ou encouragés en sous-main par le palais (Parti Authenticité et Modernité), ne servent à rien en cas de trou d’air. Ils ne représentent pas les Marocains.
Cette dernière formation, la deuxième du royaume de par le
nombre de députés, est dirigée par un Rifain monarchiste d’Al Hoceima, Ilyas el Omari.
Mais il a été incapable de faire baisser la tension dans la région. Il
fait d’ailleurs plus partie du problème que de la solution, rappellent
fréquemment ses détracteurs. Il fait, en effet, parti de cette classe
politique décrédibilisée, voire honnie. Seul le vide politique dû à
l’absence de politiciens représentatifs explique qu’un homme issu du
peuple sans études mais beau parleur, comme Nasser Zefzafi puisse
galvaniser les foules rifaines et s’ériger rapidement en leader local.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire