Ils sont syriens et ont fui leur pays à cause de la
guerre, le terrorisme ou le régime de Bachar Al Assad. Nombreux sont
ceux qui transitent par des pays arabes, sans toutefois y rester.
Arrivés en Europe, ils se sentent en sécurité mais gardent une amertume
dans leur cœur : ne pas avoir été bien reçus, voire de ne pas avoir été
du tout reçus par leurs « frères ».
Si une bonne partie de ces États dispose de moyens
suffisants pour les accueillir et/ou manque de main d’œuvre qualifiée
dans certains secteurs, la majorité, comme c'est le cas du Qatar, ne
dispose pas d’un droit d’asile et n’a pas signé la Convention de Genève
de 1951 qui a créé le « statut de réfugié ». Par conséquent, ils
refusent systématiquement d’accueillir ces malheureux qui fuient la
guerre. Pire encore, 6 pays arabes du Golfe Persique, dont l’Arabie
Saoudite, interdisent la venue sur leur sol de tout immigré syrien en avortant, au moins symboliquement, tout espoir d’une future unité arabe.
Gamal Abdel Nasser, une des icônes du panarabisme, à Mansoura en 1960 © DR
Amnesty International a déjà lancé une alerte et critiqué « l’absence totale de promesses d’accueil émanant du Golfe » qu’elle qualifie de « particulièrement honteuse». Pour Sherif Elsayed-Ali, responsable du programme Droits des réfugiés et des migrants d’Amnesty International, «les
liens linguistiques et religieux devraient placer les États du Golfe
Persique au premier rang des pays offrant l’asile aux réfugiés qui
fuient la persécution et les crimes de guerre en Syrie.»
Malgré la langue, la culture et l’histoire commune, ces gens décident
souvent de continuer leur voyage en Europe. Pour des raisons
économiques diront certains, mais ce n’est pas toujours le cas.
En avril dernier, une cinquantaine de réfugiés syriens sont restés
bloqués plusieurs mois au niveau des frontières entre l’Algérie et le
Maroc. Plusieurs photos et vidéos postées sur YouTube montrent ces
syriens accompagnés de leurs enfants, en plein désert, faire face au
froid, à des tempêtes de sable et à des serpents venimeux.
Malgré l’appel du HCR, les deux pays se sont renvoyés la balle cause
du conflit autour du « Sahara Occidental ». En effet, le soutien
algérien au Front Polisario qui réclame cette zone, considérée par l’ONU
comme « non autonome », complique les relations y compris sur le
dossier des réfugiés. Depuis août 1994, les frontières entre les Etats
sont officiellement fermées mais restent perméables aux trafiquants de drogues, aux immigrants clandestins et aux personnes à la recherche d’un asile.
الأطفال السوريين في صحراء بين حدوديين المغرب والجزائر © Khider Alahmed
Walid Al Suleman est journaliste syrien. Poursuivi par le
régime Assad et menacé par des organisations terroristes, il a fui son
pays vers la Jordanie où il a passé 4 ans. Grâce à un document du
Haut-Commissariat des Nations Unis pour les Réfugiés (UNHCR), il a été
admis aux Camps Zaatari et Azraq. « Ce papier me fournit des aides de secours mais ne me protège pas d’une expulsion vers mon pays », nous explique Walid en ajoutant que plusieurs de ses concitoyens ont connu ce sort.
A cette insécurité s’ajoute un autre facteur. Pour chaque sortie des
camps, il faut demander une autorisation écrite qui ne dépasse pas 15
jours. Et pour quitter définitivement les lieux et vivre en ville, il
faut trouver un Kafil, c’est-à-dire un garant de nationalité jordanienne. « Situés
dans une région désertique, les camps manquaient des plus simples
conditions sanitaires. Nous vivions dans des tentes et il faisait très
chaud l’été et très froid l’hiver » se désole-t-il.
Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi les mauvais traitements. «A l’inverse de l’armée qui nous a bien traités, la police jordanienne avait souvent de mauvais comportements envers nous».
Toutefois, Walid ne veut pas blâmer les autorités jordaniennes. «C’est
un pays pauvre qui a beaucoup subi le poids de la guerre en Syrie. Mon
reproche s’adresse plutôt à la communauté internationale qui ne fait
rien devant les crimes du régime Assad».
© Syrian Freedom
Devant ces conditions, Walid ne pouvait donc reprendre une vie
normale ni même travailler malgré son expérience de journaliste
arabophone. C’est pourquoi il s’est dirigé vers la France. Arrivé à
Paris, il se confronte à un autre problème : l’obstacle de la langue et
de la culture. «J’étais perdu dans l’aéroport. Les autorités ont
minutieusement vérifié mon passeport et mon visa. Je me suis senti
triste. Je ne cherchais que la sécurité dans le pays des libertés».
Malgré ce petit incident, le handicap de la langue et les délais
administratifs longs de l’asile, Walid ne regrette pas d’être venu en
France. «C’est un beau pays où tu peux vivre en toute sécurité».
Si Walid se rappelle de son expérience avec peine, d’autres en gardent plutôt un bon souvenir. C’est le cas de Sakher Edris, journaliste syrien parfaitement anglophone, qui a vécu 15 ans à Abou Dabi (Émirats Arabes Unis) avant de venir en France. «Les Émirats Arabes Unis offrent
une très bonne qualité de services aux citoyens et aux étrangers. La
seule période difficile pour moi a été pendant la crise financière
internationale de 2008 car elle a affecté aussi le secteur médiatique ».
L’expérience de Sakher est-elle une expérience isolée ? S’agit-il
d’une conséquence de l’internationalisation de la crise des réfugiés,
d’un indice de début de prise de conscience sur l’importance de la
solidarité entre les peuples arabes, ou d’un simple pragmatisme étatique
qui mise sur la matière grise et se dissimule au sein de cette crise ?
Vous pouvez lire la version italienne de cet article dans le journal "Caffè dei giornalisti" (lien). Article publié en partenariat avec la Maison des Journalistes (MDJ).
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