Pendant que les plaintes et dénonciations pour viols, harcèlement et agressions sexuels se multiplient à travers le mouvement planétaire « #MeToo » et que des têtes tombent au gré de l’emballement médiatique et de la détermination des victimes à faire entendre leurs voix – certainement encouragées par l’affaire Weistein - une tribune signée par un collectif de cent femmes - dont l’actrice française Catherine Deneuve - défraye la chronique outre-Atlantique, conduisant plusieurs féministes et personnalités publiques à monter au créneau, dont Leïla Slimani, écrivaine marocaine et lauréate du prix Goncourt.
Le « pamphlet » en question défend la « liberté d’importuner » et
accuse l’offensive « #MeToo » d’avoir « entraîné dans la presse et sur
les réseaux sociaux une campagne de délations et de mises en accusation
publiques d’individus qui, sans qu’on leur laisse la possibilité ni de
répondre ni de se défendre, ont été mis exactement sur le même plan que
des agresseurs sexuels. Cette justice expéditive a déjà ses victimes,
des hommes sanctionnés dans l’exercice de leur métier, contraints à la
démission, etc., alors qu’ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché
un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses « intimes » lors
d’un dîner professionnel ou d’avoir envoyé des messages à connotation
sexuelle à une femme chez qui l’attirance n’était pas réciproque ».
Avant de conclure que « les accidents qui peuvent toucher le corps d’une
femme n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si
durs soient-ils parfois, nécessairement faire d’elle une victime
perpétuelle. Car nous ne sommes pas réductibles à notre corps. Notre
liberté intérieure est inviolable. Et cette liberté que nous chérissons
ne va pas sans risques ni sans responsabilités ».
Cette tribune, qualifiée d’antiféministe et volontairement à
contre-courant, a déclenché une vive polémique et une guerre par médias
interposés entre ceux qui défendent cette « liberté d’importuner » (les
femmes, NDLR) telle qu’appelée par les protagonistes et ceux qui voient
en ces propos un encouragement de la culture du viol, un totalitarisme
certain et une légitimation des comportements machistes et violents.
Leïla Slimani ne l’entend pas de cette oreille
Dans une chronique publiée dans « Libération » ce vendredi 12 janvier,
Leïla Slimani prend part au débat et défend le droit des victimes à
dénoncer les comportements de leurs agresseurs.
« Des millions de femmes le sont (des victimes, NDLR). C’est un fait et
non un jugement moral ou une essentialisation des femmes. Et en moi,
palpite la peur de toutes celles qui, dans les rues de milliers de
villes du monde, marchent la tête baissée. Celles qu’on suit, qu’on
harcèle, qu’on viole, qu’on insulte, qu’on traite comme des intruses
dans les espaces publics. En moi résonne le cri de celles qui se
terrent, qui ont honte, des parias qu’on jette à la rue parce qu’elles
sont déshonorées. De celles qu’on cache sous de longs voiles noirs parce
que leurs corps seraient une invitation à être importunée ». Avant de
questionner « Dans les rues du Caire, de New Delhi, de Lima, de Mossoul,
de Kinshasa, de Casablanca, les femmes qui marchent s’inquiètent-elles
de la disparition de la séduction et de la galanterie ? Ont-elles le
droit, elles, de séduire, de choisir, d’importuner ? ».
L’écrivaine en sait quelque chose. Au Maroc, pays classé parmi les plus
dangereux pour les femmes devant l’Inde - entre autres - selon une
récente étude, les violences sexuelles sont un véritable fléau.
D’ailleurs, ces dernières années, le débat sur la pénalisation du
harcèlement sexuel dans l’espace public fait rage alors que les lois –
qui traînent dans les tiroirs des législateurs depuis plus de trois ans –
peinent à être votées.
Il y a quelques mois, le viol d’une jeune fille dans un bus a secoué
l’opinion publique déclenchant des sit-in pour dénoncer les violences
sexuelles dans les rues et le vide juridique qui favoriserait leur
croissance au fil des années (on parle d’une augmentation de plus de
8,33% en 2017), sans résultat.
Plus récemment encore, le viol d’une jeune étudiante de la faculté
polydisciplinaire de Khouribga - qui a été retrouvée en sang dans les
toilettes de l’établissement par ses camarades – a défrayé la chronique.
La victime, qui a avoué connaître son agresseur, risque gros
puisqu’elle est aujourd’hui poursuivie pour « atteinte à la pudeur »,
« rapport sexuel illégal » et pourrait même être présentée devant le
conseil de discipline de sa faculté. Un inversement de rôles qui a la
dent dure au Royaume, qui terre les victimes de violences sexuelles dans
le silence et augmente les agressions quotidiennes « grâce » au refus
des législateurs de valider ces lois. Ces dernières font par ailleurs du
Maroc le maillon faible du Maghreb, l’Algérie et la Tunisie sont elles
armées de textes condamnant les auteurs de ces violences à l’encontre
des femmes dans leurs rues à des peines exemplaires.
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