Source : Lesinfos.ma
05/06/2018 11:00
Répression, usage excessif de la force contre les manifestants, arrestations de protestants y compris des mineurs, maltraitances (…). Human Rights Watch dénonce dans son dernier rapport les dépassements des autorités marocaines.
C’est un rapport pour le moins inquiétant qui a été dressé par Human
Rights Watch (HRW) ce lundi et qui dénonce les violences des autorités
marocaines lors des manifestations qui secouent la ville de Jerada
depuis décembre dernier. Selon l’organisation de défense des droits de
l’Homme, les forces de l’ordre ont fait un usage excessif de la force
contre les manifestants, percuté certains d’entre eux avec une
fourgonnette de police conduite de manière irresponsable et ont procédé à
l’arrestation des leaders du mouvement de protestation qui auraient
ensuite été maltraités en détention. « La répression à Jerada est allée
bien plus loin qu'un simple effort visant à traduire en justice des
manifestants prétendument violents. Il semble qu'elle visait plutôt à
réprimer le droit de manifester pacifiquement contre la situation
socio-économique de la région», a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice
de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.
Les manifestations du 14 mars en trame de fond
L’organisation dénonce aussi les incidents survenus lors des
manifestations du 14 mars qui ont agité la ville de Jerada. Et un
incident en particulier a retenu leur attention. En effet, dans une
vidéo qui a fait le tour des réseaux sociaux et soulevé une vive
polémique, on voyait des véhicules de police foncer sur les manifestants
avec l’intention manifeste de blesser nombre d’entre eux. Le plus jeune
victime serait un adolescent de 16 ans, Abdelmoula Zaiqer, qui a été
gravement blessé. Bien que le lien entre ses blessures et les
agissements des forces de l’ordre n’ait pas été établi, la fiche
d’hospitalisation de l’adolescent [consultée par HRW, ndlr] stipule que
Abdelmoula Zaiqer souffre de traumatismes à la tête, aux hanches, aux
pieds et à la colonne vertébrale, suite à un « accident de la voie
publique, (…) patient heurté par une fourgonnette ». Aux dernières
nouvelles, les médecins n’étaient pas encore en mesure de déterminer si
le jeune homme pourra remarcher un jour.
La Délégation Interministérielle des Droits de l’Homme (DIDH) a déclaré
de son côté que Zaiqer avait été « blessé accidentellement ». La mère
de la victime, elle, a affirmé à HRW que les autorités avaient fait
pression sur elle pour qu'elle évite tout contact avec des journalistes
et des activistes. De plus, l’organisation internationale a expliqué
qu’une voiture a pris en filature l’équipe de HRW quand elle a tenté de
rendre visite à Zaiqer et à sa mère, le 6 avril, dans un hôpital près de
Casablanca où le jeune homme avait été transféré.
Surveillance et intimidation
Ultérieurement, le 4 avril, des chercheurs de Human Rights Watch, qui
ont visité Jerada, expliquent qu’ils ont été stoppés et interrogés à
deux postes de contrôle. Ils ont été suivis de près toute la journée par
une voiture avec trois hommes en civil à son bord, ce qui a apparemment
conduit des témoins, que les chercheurs comptaient rencontrer, à
annuler leurs rendez-vous. Les chercheurs ont aussi observé une forte
présence des forces de sécurité : des policiers en uniforme et armés
déployés dans chaque rue et place importantes de cette petite ville, et
plus de 100 fourgonnettes de police et autres forces armées stationnées
dans les alentours. Les chercheurs ont par ailleurs rencontré des
activistes des droits humains, ainsi qu'Abdelhak Benkada, l'avocat de
nombreux manifestants, dans la ville voisine d'Oujda le 3 avril. Ces
derniers ont affirmé à HRW que depuis le 14 mars, des agents de police
ont forcé les portes et brisé les fenêtres de plusieurs maisons à
Jerada, frappant et interpellant plusieurs hommes sans présenter de
mandats d'arrêt ni de perquisition.
Ces opérations se sont poursuivies,
selon le rapport de HRW, jusqu’à très récemment, avec 23 arrestations
recensées entre le 12 et le 27 mai. Au 31 mai, 69 manifestants, dont
trois mineurs, étaient en prison ou en détention préventive. Abdelhak
Benkada a affirmé que quatre d'entre eux, dont deux leaders des
manifestants, étaient détenus en isolement depuis plus de deux mois. Et
cet isolement pose problème pour l’organisation de défense des droits de
l’Homme. « Selon les règles minima des Nations Unies pour le traitement
des détenus, l’isolement cellulaire prolongé, défini comme l’isolement
d’un détenu 22 heures par jour sans contact humain significatif (autre
que les gardiens) durant une période de plus de 15 jours consécutifs,
peut être considéré comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant, et
devrait être interdit. Lors de leur procès, les quatre hommes ont
demandé au juge d'ordonner qu'il soit mis fin à leur isolement en
prison, mais leurs demandes ont été refusées, selon leur avocat »,
explique HRW dans son rapport. Dans sa communication du 30 mai, la DIDH a
nié que les quatre détenus en question étaient « actuellement » en
régime d’isolement cellulaire, affirmant que les trois premiers étaient
dans des cellules collectives et que le dernier avait été placé, à sa
demande, dans une cellule individuelle.
Il est à rappeler que les manifestations à Jerada ont commencé après la
mort accidentelle, le 22 décembre 2017, de deux ouvriers dans une mine
de charbon où ils travaillaient dans des conditions décrites comme
insalubres et dangereuses. Le 13 mars, le gouvernement a lancé un
avertissement selon lequel il est habilité à interdire les
manifestations illégales dans les lieux publics. Le lendemain, des
groupes de manifestants, pour la plupart des mineurs de charbon et leurs
familles, se sont rassemblés dans une forêt proche du quartier
« Village Youssef » de Jerada. Pour la première fois depuis le début des
manifestations, selon les activistes locaux des droits humains dont les
témoignages ont été recueillis par HRW, des manifestants ont jeté des
pierres sur les forces de l’ordre qui essayaient de les disperser ce qui
aurait débouché sur les violences des autorités.
05/06/2018 11:00
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