Le milieu carcéral est en alerte redoutant une diffusion du coronavirus dans des centres pénitentiaires surpeuplés.
Depuis quelques semaines, le milieu
carcéral en alerte connaît de multiples suspicions de Covid-19. Comme à
la maison d’arrêt surpeuplée de Colmar – dans le Haut-Rhin, un des
«clusters» – où une vingtaine de prisonniers ont été mis en quatorzaine
par précaution. Comme aux Baumettes, où une détenue a été placée à
l’isolement à la suite d’un parloir avec ses parents italiens.
Comme au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne, où huit détenus ont
été confinés quelques heures après être entrés en contact avec un
médecin contaminé. Ou encore ce surveillant pénitentiaire, confiné chez
lui après un retour de vacances à Venise.
Toutefois, «aucun cas de coronavirus» n’a encore
été détecté parmi les détenus ou le personnel pénitentiaire, a assuré la
garde des Sceaux lors d’un point presse vendredi après-midi. La veille
au soir, une infirmière travaillant à la prison de Fresnes – une des
plus peuplées et vétustes de France – a été testée positive, d’après une information du Figaro confirmée par Nicole Belloubet. La ministre s’est voulue rassurante : «On applique les règles générales de manière extrêmement sérieuse pour éviter toute propagation.» Une source pénitentiaire précise à Libération : «Des
masques ont été distribués à l’ensemble des détenus ayant été en
contact, ainsi qu’au personnel de l’unité sanitaire et aux agents
pénitentiaires.» Dans le quartier des arrivants, des cellules ont été aménagées pour mettre en confinement les détenus à risque.
Masques périmés depuis 2001
Derrière les murs des prisons, abritant pas moins de 70 651 détenus au 1er janvier 2020, ainsi que 30 000 surveillants, tous se préparent à une inévitable arrivée, voire propagation du coronavirus. «Je ne vois pas comment on y échapperait», souffle une source pénitentiaire. «L’angoisse est réelle. En prison, on est en vase clos»,
déclare quant à lui Ambroise Koubi, secrétaire régional Ile-de-France à
la CGT-pénitentiaire. Pour faire face, onze millions de masques ont été
commandés par la chancellerie. «On ne les a pas encore reçus, ici»,
déplore Johann Reig, secrétaire départemental Ufap-Unsa en Occitanie,
alors que près de 350 agents étaient placés en quatorzaine, jeudi, sur
l’ensemble du territoire. Faute d’équipement de protection, les
surveillants usent ainsi, selon des syndicats pénitentiaires, de masques
datant de l’époque du Sras, certains affichant une date de péremption
de… 2001 ou 2007.
Dans les prisons, le déclenchement d'un «plan de continuation d’activité» (PCA) conduira à «une réduction des parloirs ou à une limitation des activités», a annoncé la ministre de la Justice. «L’accès
aux activités socioculturelles, au culte, au travail, à la formation
professionnelle, au sport, à l’enseignement ainsi que la distribution de
certains produits de cantines peuvent être provisoirement aménagées»,
est-il écrit dans une note adressée à tous les directeurs
d’établissements, vendredi après-midi, par la direction de
l’administration pénitentiaire (DAP). Dans ce courrier – le troisième
depuis le 27 février – il est rappelé que la «continuité du service public pénitentiaire» doit être assurée.
L'accès aux soins et aux douches, la promenade quotidienne restent des missions à «assurer prioritairement».
Surtout, la DAP met l’accent sur l’identification des cas possibles, la
limitation des mouvements au sein de la détention et l’aménagement des
parloirs. Des mesures «qui vont dans le bon sens», salue
Emmanuel Baudin, le secrétaire général de FO-pénitentiaire (syndicat
majoritaire). A noter que les jouets mis à disposition des enfants dans
les parloirs famille ne seront plus accessibles, qu’il convient de «s’assurer d’un stock suffisant de nourriture» et de «sécuriser les distributions de cantines» en disposant de réserves de quinze jours «pour le tabac et les produits d’hygiène».
Crainte d’une «catastrophe»
Il faut dire qu’entre espace clos et promiscuité, la prison est un lieu particulièrement sensible face au risque épidémique : «Les fameux "gestes barrière" sont impossibles à mettre en place»,
s’inquiète un surveillant pénitentiaire. D’autant plus en maison
d’arrêt, où la surpopulation carcérale atteint des records. Le
secrétaire général de FO-pénitentiaire, Emmanuel Baudin, énumère les
points faibles : «Les douches sont collectives, les repas servis à
la louche dans des barquettes, les détenus regroupés jusqu’à trois ou
quatre par cellule. Sans compter qu’on a affaire à une population
particulièrement fragile, avec des états de santé souvent plus précaires
qu'à l'extérieur.»
Lire l'article : https://www.liberation.fr/france/2020/03/13/covid-19-en-prison-l-angoisse-est-reelle...
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