Un documentaire, riche en archives et en témoignages, raconte une histoire de France « vue » du côté des colonisés.
FRANCE 2 - MARDI 6 OCTOBRE À 21 H 05 1
Côte d’Ivoire, Indochine, Madagascar, Maghreb, Gabon… « La France s’est acharnée à conserver ses colonies par tous les moyens », avant que son empire colonial s’effondre. En voix off, l’acteur et réalisateur Lucien Jean-Baptiste lance le sujet. C’est cet acharnement et les atrocités induites (brimades, esclavage, assassinats) que le documentaire Décolonisations, du sang et des larmes, de Pascal Blanchard et David Korn-Brzoza, s’emploie à montrer, après qu’elles ont été longtemps occultées ou minimisées. Pour mettre fin à cet aveuglement, à l’origine « de décennies de haine et de violence », précise Lucien Jean-Baptiste.
La force de la démonstration réside dans l’utilisation d’archives peu vues mais surtout dans les témoignages des enfants et petits-enfants de victimes, de civils, de combattants. Au fil des entretiens, le téléspectateur réalise à quel point les récits terribles racontés par leurs aînés ont forgé leur présent. Ils livrent une histoire de France « vue » du côté des colonisés.
L’Exposition coloniale parisienne de 1931 sert de point de départ au film. A cette époque, « la France se considère comme le centre du monde », rappelle le commentaire alors que la révolte gronde dans l’indifférence en Tunisie, au Maroc, en Algérie, dans les Antilles, en Indochine.
Humiliation, torture, massacres
Yoro Diao, ancien tirailleur Sénégalais, témoigne, la poitrine couverte de grosses médailles, des conditions esclavagistes dans lesquelles le chemin de fer Congo-Océan, inauguré en 1934, a été construit. Hakim et Mustapha Amokrane se souviennent eux de leur père ouvrier en Algérie et payé en pommes de terre pourries.
Des dizaines et des dizaines de scènes semblables, d’humiliation, de torture, de massacres, sont racontées. Elles ponctuent ce retour en deux parties sur l’histoire des ex-colonies françaises jusqu’en 2017, avec une césure en 1954, année de la défaite de l’armée française à Dien Bien Phu. Les témoins s’appellent Soro Solo, journaliste ivoirien, Lilian Thuram, ex-footballeur et auteur de La Pensée blanche (éditions Philippe Rey), ou encore Mélanie Wanga, journaliste dont le grand-père ivoirien a été marqué au rasoir sur les joues, lors d’un recensement organisé au milieu des années 1930 par les colons – « on en parlait assez régulièrement, dans la famille », dit-elle.
La seconde partie du documentaire est consacrée à l’accession à l’indépendance et à la liberté des anciennes colonies françaises. L’Algérie y tient une place prépondérante, avec l’intervention d’anciens combattants, de fils de harkis, de familles de pieds noirs. L’Algérie proclame son indépendance le 5 juillet 1962 après huit ans de conflit avec la France – la « guerre qui ne veut pas dire son nom », comme l’appelle le narrateur en référence à l’Etat français qui refusait alors d’employer le mot « guerre » et lui préférait celui d’« événements ».
« La décolonisation a eu lieu mais la Françafrique a pris le relais », analyse Mélanie Wanga. Les crimes, tardivement dénoncés et dévoilés au grand public, n’ont apaisé ni les nostalgies ni les rancœurs. Dans ces conditions, comment écrire une histoire commune ? Les invités du débat qui prolongera la soirée, tenteront d’y répondre.
Décolonisations, du sang et des larmes, de Pascal Blanchard et David Korn-Brzoza (Fr., 2020, 2 × 80 min), suivi d’un débat avec l’historien Benjamin Stora, la philosophe Nadia Yala Kisukidi, la comédienne Anaïs Pinay, l’ex-secrétaire d’Etat Kofi Yamgnane, les autrices Leïla Slimani et Léonora Miano.
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