Cécile Thibaud (Correspondante à Madrid)
Le revirement de Madrid sur la question du Sahara occidental a provoqué l'indignation des alliés parlementaires du gouvernement. A cela s'ajoutent de fortes tensions sociales, alimentées par une inflation à près de 10 %.
Par Cécile Thibaud
Pedro Sánchez a renoué les liens avec le Maroc mais il se retrouve seul à Madrid, sous le feu croisé des critiques de ses adversaires de droite et de ses alliés de gauche. La mise en scène, le 7 avril dernier, des retrouvailles entre le chef du gouvernement espagnol et le roi Mohammed VI , autour d'un repas de rupture de jeûne du Ramadan, a du mal à cacher l'isolement du Premier ministre.
Le leader socialiste a pris seul la décision de se rapprocher de Rabat, qui propose une autonomie du Sahara occidental au sein du Maroc, sans consulter ses alliés politiques ni même le Conseil des ministres. Il a opéré, seul, un arbitrage délicat entre le partenaire marocain sur les questions migratoires et le fournisseur de gaz algérien.
« Le malaise porte moins sur le fond que sur la forme », estime Fernando Vallespín, professeur de sciences politiques à l'université Autonoma de Madrid. « En termes de realpolitik, il est patent que la question sahraouie était dans l'impasse depuis des décennies et les pressions américaines ces dernières semaines ont accéléré le rapprochement, explique-t-il. Pedro Sánchez a opté pour le réaliser rapidement et sans consultation. Il avait fait le calcul que la situation de crise en Ukraine allait aider à absorber le choc. Mais il a obtenu l'effet inverse et mobilisé contre lui. »
Levée de boucliers de tout l'arc parlementaire
Ses déclarations selon lesquelles la proposition de Rabat sur le Sahara occidental était « la plus sérieuse, réaliste et crédible » a provoqué une vaste levée de boucliers dans tout l'arc parlementaire espagnol. Les efforts du Premier ministre pour présenter la nouvelle position de Madrid comme une simple continuité de la diplomatie du pays ont tourné court.
Il a essuyé un vote critique de l'Hémicycle, soutenu par son seul parti, le PSOE, pas non plus très à l'aise face à ce changement de cap non concerté. Aux protestations de la droite s'est ajoutée l'émotion des formations de gauche qui lui reprochent d'avoir trahi le peuple sahraoui, déjà abandonné à son sort au moment du retrait espagnol, à la fin du franquisme.
Ces tensions ne devraient pas remettre en cause les alliances parlementaires du gouvernement, selon Fernando Vallespín. « Mais elles augmentent la défiance de ses partenaires vis-à-vis d'un exécutif qui oublie trop qu'il gouverne en minorité dans une situation économique tendue », insiste le politologue.
Climat de défiance
Le gouvernement est également fragilisé par l'inflation de presque 10 % qui menace le pouvoir d'achat des familles et la compétitivité des entreprises. La colère sociale gronde, déjà attisée par quinze jours de grève des camionneurs qui ont provoqué plusieurs centaines de millions d'euros de pertes, dans la chaîne de l'industrie agroalimentaire notamment.
Pour l'instant, Pedro Sánchez a réussi à gagner du temps en arrachant à Bruxelles la reconnaissance de « l'exception ibérique » en matière énergétique, qui devrait permettre de plafonner les hausses de l'électricité et de réduire la facture des consommateurs. Reste à savoir quelle sera la formule validée par Bruxelles et surtout l'effet concret qu'elle aura sur l'économie des ménages.
En attendant, les partenaires parlementaires de la coalition de gouvernement s'agacent du manque de consultation et préviennent que leur fidélité peut aussi avoir des limites, surtout si la situation économique se dégrade. « Mieux vaut avancer ensemble et avec les idées claires », avertit le nationaliste basque Aitor Esteban, en conseillant au Premier ministre « d'arrêter d'agir en cow-boy solitaire ».
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