Pages

jeudi 27 septembre 2018

Une migrante abattue par la marine marocaine

 Charlotte Bozonnet, Le Monde 28 septembre 2018, page 5. 


La forte hausse des tentatives de passage vers l'Espagne met les autorités sous tension.

L'émotion était vive au Maroc, mercredi 26 septembre, au lendemain de la mort d'une femme de 22 ans, originaire de la ville de Tétouan, tuée alors qu'elle tentait d'émigrer vers l'Espagne. Selon les autorités locales, la marine a été " contrainte " d'ouvrir le feu alors qu'un " go fast " (puissante embarcation à moteur), piloté par un Espagnol, " refusait d'obtempérer " dans les eaux marocaines au large de M'diq-Fnideq (nord). Outre la jeune Marocaine décédée, trois autres migrants ont été blessés, a confirmé une source officielle à l'AFP.

Le drame s'est produit dans un contexte de tension migratoire au Maroc, confronté à une forte hausse des tentatives d'émigration depuis ses côtes et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Rabat a ainsi indiqué avoir empêché 54 000 tentatives de passage vers l'Union européenne depuis janvier. De son côté, le Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés chiffre le -nombre d'arrivées en Espagne à quelque 40 000 personnes depuis le début de l'année (contre 28 000 en 2017 et 14 000 en 2016).

Absence de cadre légal
La route migratoire Maroc-Espagne, qui était très utilisée il y a une dizaine d'années, a connu une nouvelle hausse depuis le renforcement des contrôles sur la Libye et les témoignages d'extrême violence contre les migrants par les réseaux de passeurs dans ce pays. Mais le Maroc connaît également une augmentation du nombre de ses nationaux candidats au départ, poussés par l'absence de perspectives dans un pays où 27,5 % des 15-24 ans sont hors du système scolaire et sans emploi. Selon le HCR, les Marocains représentaient 17,4 % des arrivées en -Espagne en 2017, la première nationalité devant les Guinéens et les Algériens.
Depuis 2015, le palais royal avait mis en avant une nouvelle politique migratoire avec deux campagnes de régularisation de 50 000 clandestins, principalement des Subsahariens. Mais ces derniers mois, le royaume a durci ses pratiques, multipliant rafles et éloignements forcés. Selon le Groupe antiraciste de défense et d'accompagnement des étrangers et migrants, une association marocaine, 6 500 personnes ont été arrêtées et déplacées du nord vers des villes reculées du centre et du sud entre juillet et septembre.
Le gouvernement a eu beau plaider que ces déplacements se font dans le " respect de la loi ", les associations dénoncent des violences et l'absence de cadre légal à ces pratiques. Mi-août, deux migrants sont morts après avoir sauté du bus qui les éloignait de Tanger. Amnesty International a souligné une " répression choquante ", " à la fois cruelle et illégale ".
" Depuis fin juillet, la police ainsi que la gendarmerie royale et les forces auxiliaires, procèdent à des raids majeurs dans les quartiers de plusieurs villes où vivent les réfugiés et les migrants, d'une intensité particulière dans les provinces du nord du pays de Tanger, Nador et Tétouan, qui bordent la frontière espagnole ", écrit l'ONG. Les zones qui entourent les deux enclaves espagnoles en terre africaine – Ceuta et Melilla – sont traditionnellement le lieu de regroupement des migrants qui veulent tenter de rejoindre l'Europe.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire